mercredi 16 octobre 2019

Histoire de la société anonyme du Chemin de fer à Voie étroite de Bruxelles à Ixelles-Boendael (9/10) ^^

Après avoir connu une année faste en 1897, grâce à l’Exposition, qui s’est tenue du 24 avril au 8 novembre au Cinquantenaire et à Tervueren, le BIB s’apprête à une période de vaches maigres. Le 26 avril 1898, François Empain écrit: «Le conseil d’administration estime que les recettes de cette année pendant la belle saison n’atteindront pas le dixième des recettes effectuées l’an dernier pendant la même période.»

Est-ce pour des raisons budgétaires que les frères Empain acceptent que le réseau du BIB soit repris par les Tramways Bruxellois dans le cadre de la Convention du 24 avril 1899? Nous ne le savons pas.

Par contre, la reprise est effective le 1er septembre 1899. Les statuts de la SA «Les Tramways Bruxellois» sont adaptés comme suit :

La Société anonyme définitivement constituée sous la dénomination de «Les Tramways Bruxellois» a pour objet exclusif l’exploitation des transports en commun par arrêts et stationnements, quel que soit le mode de traction, sur le territoire de la ville de Bruxelles et celui des communes suburbaines, ainsi que la construction du matériel destiné à ce genre d’exploitation.

La société a son siège à Bruxelles et durera jusqu’au terme de ces concessions, c’est-à-dire jusqu’au 31 décembre 1945. Le capital en est fixé à 18.000.000 de francs, divisé en 60.000 parts sociales de 300 francs chacune. 40.000 de ces parts sont destinées au paiement des apports représentées par deux titres, une action privilégiée et une action de dividende. Les 10.000 autres parts seront remises aux souscripteurs, et sont aussi représentées par deux titres : une action ordinaire et une action de dividende. 10.000 parts représentées chacune par deux titres, une action ordinaire et une action de dividende, sont affectées au paiement des apports de la Société anonyme dite Chemin de fer à voie étroite Bruxelles à Ixelles-Boendael.

(…)

La société anonyme dite Chemin de fer à voie étroite Bruxelles à Ixelles-Boendael et Monsieur Edmond Parmentier, pour ce qui le concerne, font apport :

A. Des concessions de tramways suivantes:

1. Les concessions de la ligne de la Porte de Namur au Café du Lac à Boendael, de la ligne du Café du Lac à la chaussée de la Hulpe et des lignes de l’avenue de la Couronne et du Boulevard Militaire (arrêtés royaux des 24 octobre 1884, 9 juillet 1888 et 23 août 1896).

2. La concession de la ligne de la Porte de Namur à l’avenue de la Chevalerie (Etterbeek – arrêté royal du 23 août 1896).

3. La concession de la ligne de la place Saint Josse à Tervueren, concédée à Monsieur Edmond Parmentier et appartenant actuellement à la société anonyme dite Chemin de fer à voie étroite Bruxelles à Ixelles-Boendael, en vertu d’un arrêté royal du 2 novembre 1896.

4. La concession de la ligne de la place de Louvain à l’avenue de Tervueren, accordée par arrêté royal du 13 novembre 1896.


B. L’exploitation des lignes vicinales suivantes, concédées à la Société anonyme dite Chemin de fer à voie étroite Bruxelles à Ixelles-Boendael, par la société nationale des Chemins de fer vicinaux:

1. De la place Sainte Croix à Schaerbeek Sainte Marie

2. De Schaerbeek Sainte Marie à Haecht

3. De la place de Saint Josse à Vossem, avec raccordement au cimetière de Bruxelles.


C. De tous les immeubles appartenant à la Société anonyme dite Chemin de fer à voie étroite Bruxelles à Ixelles-Boendael:

1. Le terrain et les constructions situés à Ixelles, avenue de l’Hippodrome et chaussée de Boendael pour une contenance d’un hectare 49 ares 85 centiares, comprenant une usine électrique, avec atelier de réparations et remise pour le matériel roulant.

2. Le terrain situé partie sous Ixelles et partie sous Bruxelles, au lieu-dit La Petite Suisse, avec la gare-restaurant y établie et avec le droit de bail sur le terrain adjacent, jusqu’au 12 août 1932.

3. Le terrain situé à Ixelles-Boendael (sur une portion de territoire cédé à la Ville de Bruxelles en 1907), à l’extrémité de la ligne de Boitsfort, le long de la chaussée de la Hulpe, avec la gare-restaurant qui s’y trouve.

4. Les terrains et les constructions sis à Woluwe-Saint-Pierre, à gauche de l’avenue de Tervueren, comprenant une deuxième usine électrique avec remise et atelier de réparations.

5. La gare et les aubettes de Tervueren, situées au terminus de la ligne.

6. Une propriété située à Ixelles, chaussée de Boendael, d’une contenance de 5 ares 95 centiares ;

7. Une parcelle de terrain à Ixelles, ayant une façade de 12 mètres à la chaussée de la Hulpe et tenant d’un côté au chemin de fer à voie étroite de Bruxelles à Ixelles-Boendael.

8. Trois parcelles de terrain à Bruxelles, dont deux formant les angles de la rue le Corrège et de l’avenue de Cortenberg et l’autre l’angle du Square Ambiorix et de l’avenue Charles Martel, pour une contenance totale de 42 ares 40 centiares.


Ces apports sont faits sous la garantie de droit et pour francs, quittes et libres de toute charge privilégiée et hypothécaire.



La suite de l’aventure des lignes ex-BIB peut être découverte grâce aux rapports annuels des Tramways Bruxellois, dans lesquels nous pouvons lire, pour l’année 1899:

L’annexion du réseau d’Ixelles-Boendael adjoint à nos lignes est une exploitation qui n’est pas encore rémunératrice. La réduction des tarifs n’a été mise en vigueur qu’au 26 décembre 1899. Quant au régime des correspondances, il ne prend date qu’au 26 février 1900. Nous avons l’espoir que l’augmentation du trafic nécessaire pour compenser la dépression éventuelle de la recette moyenne par voyageur ne se fera pas longtemps attendre. D’un autre côté, les bénéfices de l’exploitation du réseau d’Ixelles-Boendael se développeront quand les lignes reprises seront toutes remises en activité ou transformées.



Ce même rapport nous en apprend plus sur l’estimation de la valeur du réseau BIB:
  • La valeur des voies BIB est estimée à 1.717.758,33 francs.
  • Le matériel roulant BIB a une valeur estimée de 680.000 francs.
  • Le matériel fixe de l’usine électrique d’Ixelles est estimé à 762.935 francs.
  • Quant aux immeubles, le dépôt de l’avenue l’Hippodrome (à voie étroite et à traction mixte – vapeur et électricité) a une valeur estimée de 655.628,81 francs, tandis que le dépôt de Woluwe (à voie étroite et abritant uniquement du matériel roulant à traction électrique) ne vaudrait que 285.150 francs.

On notera que les motrices ex-BIB sont renumérotées par les Tramways Bruxellois avec le préfixe 1xxx. En 1907, les motrices qui auront été conservées seront renumérotées une seconde fois avec le préfixe 2xxx, afin de permettre la numérotation dans les 1xxx des nouvelles motrices acquises par les Tramways Bruxellois.



Durant l’année 1900, les Tramways Bruxellois vendent 10 motrices électriques ex-BIB (dont les numéros ne sont pas connus) au réseau de tramways d’Astrakhan (Russie)



Dans le rapport de l’année 1901, nous apprenons que la recette des Tramways Bruxellois peut être ventilée comme suit :
  • Recette du réseau TB : 6.502.751, 90 francs ;
  • Recette BIB : 996.308, 50 francs ;
  • Recette des lignes vicinales : 289.520, 04 francs.

Nous y apprenons également que les travaux de transformation des voies du réseau d’Ixelles-Boendael ont coûté 329.113,29 francs. Le matériel roulant comporte encore 12 locomotives BIB, représentant une valeur de 122.195,10 francs, tandis que 28 motrices BIB ont été vendues à la SNCV pour les lignes de Liège, pour un montant de 294.000 francs. Ces motrices seraient les ex-BIB 200 à 227, qui sont renumérotées à la SNCV sous les numéros M86 à M113, puis 9086 à 9113. On peut voir l’une de ces motrices sur la photo ci-dessous.



Nous pouvons également lire dans le rapport de l’année 1901 que: 
Une convention a été conclue avec la Société pour l’Exploitation des chemins de fer vicinaux de Louvain – Tervueren pour l’exploitation de la partie rurale des lignes vicinales de Bruxelles-Haecht et de Bruxelles-Vossem. Cette convention avec une société spécialement outillée pour des entreprises de cette nature nous attribue une part des résultats de l’exploitation de ces lignes.
Les lignes place Sainte-Croix – rue Eenens et place Saint-Josse-Evere continueront d’être exploitée par nos soins.
La cession de ces parties de ligne a été approuvée par arrêté royal en date du 1er février 1902, publié au Moniteur Belge du 5 février 1902.

Nous avons procédé aux travaux de mise à écartement normal d’une grande partie du réseau d’Ixelles. Le maintien du tracé actuel de la ligne de la rue Joseph II est probable: une enquête est ouverte à ce sujet. Cette ligne, ainsi que celle du parc du Cinquantenaire à Tervueren, sera mise à écartement normal après la période d’été.

Par la suite de la reprise des lignes d’Ixelles-Boendael-Tervueren, le réseau se trouve alimenté par trois usines électriques d’importance inégale, nécessitant chacune une réserve spéciale et multipliant les frais généraux. Ces usines ne sont susceptibles d’agrandissement que dans des proportions insuffisantes pour les éventualités de l’avenir. Elles ne sont pas à l’abri de tout danger d’incendie : la situation de deux d’entre-elles, tout au moins, est défectueuse au point de vue du transport du charbon et elle n’assure pas la quantité d’eau suffisante pour l’alimentation des condensateurs.
L’usine de Woluwe a été supprimée. La ligne de Tervueren est alimentée par l’usine d’Ixelles, au moyen de câbles spéciaux posés à cet effet. Deux des machines de l’usine de Woluwe ont été provisoirement installée dans l’usine de la rue Brogniez, ce qui a permis de remplacer la traction animale sur deux lignes: celle des boulevards circulaires du bas de la Ville et cette de Laeken à Anderlecht.



Passons au rapport de l’année 1902, dans lequel nous prenons connaissance de la ventilation des recettes suivantes:
  • Recette du réseau TB : 6.765.847, 15 francs ;
  • Recette BIB : 1.060.769, 40 francs ;
  • Recette des lignes vicinales : 152.006, 21 francs.


On notera que les recettes vicinales sont en diminution, du fait que l’exploitation d’une partie de ces lignes est cédée à la Société de Louvain. Le contrat d’exploitation prévoit la mise à l’électricité des parties de ces lignes que les Tramways Bruxellois ont conservées. Deux locomotives (Tubize 854 et 855) sont cédées à la Société Nationale des Chemins de fer Vicinaux durant l’année 1901. 

Ces deux locomotives à 3 essieux, construites en 1892 et capables de remorquer 65 tonnes à la vitesse de 12km/h, reçoivent les numéros 422 et 424 à leur arrivée à la SNCV. Les Tramways Bruxellois n’en possèdent donc plus que 10, qui représentent une valeur de 90.000 francs.


Dans ce rapport de l’année 1902, nous lisons également que: 
L’hiver a été mis à profit pour établir au grand écartement la ligne Parc du Cinquantenaire à Tervueren. Ce travail est à peu près terminé. La mise au grand écartement de la ligne Treurenberg-Cinquantenaire sera prochainement entamée. Ces travaux achevés, le réseau entier sera unifié au gabarit normal de 1,435m.


Des travaux sont également effectués au lieu-dit "Quatre-Bras". Les Tramways Bruxellois ont sollicité l’autorisation d’établir une voie circulaire afin d’éviter, à cet endroit, les manœuvres considérées comme dangereuses effectuées par les trains de service spéciaux organisés du Treurenberg et de la Porte de Namur, jusqu’aux Quatre Bras.

Leur demande est approuvée le 5 novembre 1902, sous la condition que les rails soient du type dit "à ornière".

On peut ainsi lire, dans un courrier envoyé par les Tramways Bruxellois au Ministre de l’agriculture: 
Le bénéfice d’une raquette aux Quatre Bras n’est pas seulement de supprimer deux accrocheurs les jours de service intense jusqu’en cet endroit et un accrocheur pendant une demi-journée de presque tous les jours ouvrables d’été, ni davantage de la suppression des voitures remorquées en stationnement pour éviter des manœuvres multiples, mais bien de permettre au public désireux de rentrer à Bruxelles de prendre place dans les trains qui n’ont plus aucune manœuvre à effectuer, en évitant ainsi les escalades des plates formes fermées ou l’écrasement de personnes avec leurs enfants, venues pour se divertir et non pour risquer d’être coupées en deux.

D’autre part, quand nous organisons un service jusqu’aux Quatre Bras, à moins de mauvais temps, il a toujours un gros succès. Comme conséquence la montée et la descente des voyageurs en cours de route mettent les trains en retard, et le personnel qui a dans ses conditions peu de temps pour faire procéder à l’inscription des coupons, n’a souvent aucune minute à lui pour manger, souffler ou se rendre au cabinet.

Dans le cas présent, ce n’est pas l’économie que j’ai recherchée, mais bien la sécurité en pouvant, lors d’encombrement, enlever rapidement notre clientèle. D’autant plus qu’avec le grand écartement, il me sera loisible, les jours de course, d’expédier aux Quatre Bras, avant de les remiser, les trains qui ont fait la navette sur Boitsfort, et draguer ainsi l’avenue de Tervueren de ses promeneurs qui ont mis 4 ou 5 heures pour arriver aux Quatre Bras et qui sont désireux d’être ramenés en ville en un clin d’œil.


Le rapport de l’année 1903, nous lisons que: 
Nous avons vendu 40 voitures à voie étroite provenant de l’ancien réseau d’Ixelles-Boendael et dont la mise à écartement normal aurait été trop onéreuse ou trop difficile. 


Il se dit que c’est également en 1903 que la motrice 1216 (ex BIB 216), qui aurait été la propriété personnelle d’Edouard Empain est vendue aux tramways de Gand. Cela est évidemment en contradiction avec la vente des motrices 200 à 277 à la SNCV-Liège, sauf à imaginer l’un ou l’autre changement de numéro.

Ce rapport nous apprend également que les 10 locomotives servent toujours à l’exploitation des lignes vicinales, également desservies par 24 voitures à voyageurs. La valeur de ce matériel roulant, qui restera en usage jusqu’en 1906/1907, est estimée à 118.800 francs.



EDIT du 1/11/2019:

Je complète cet article avec de précieuses informations communiquées par Monsieur JP Marissens et relatives à la mise à écartement normal des voies du réseau de Bruxelles-Ixelles-Boendael.

Qu'il en soit vivement remercié!


Les avis au personnel mentionnant voies uniques, transbordements des voyageurs ou détournements, ont permis de résumer ainsi l’évolution des travaux :
1. Dans le courant du 1er semestre 1901, successivement :

– du boulevard Militaire (act. boulevard Général Jacques) à Boitsfort;
– Petite Suisse – boulevard Militaire (déjà mixte);
– l’avenue de la Couronne puis la rue du Trône;
– la rue Malibran.

NB. L’injection de matériel roulant à écartement normal peut se faire facilement au départ de la ligne « Impasse – Casernes – Bois ».

2. du 6 mai au 2 septembre 1901: la chaussée d’Ixelles.

3. du 24 août au 19 septembre 1901 : l’avenue de l’Hippodrome, avec une voie à 3 rails entre la place Sainte-Croix et le dépôt pour permettre les sorties et rentrées des lignes en traction vapeur «Schaerbeek – Ixelles» et «Place St-Josse – Cimetière de Bruxelles».

4. probablement fin 1901 et 1er semestre 1902 :
– de la porte de Namur au Cinquantenaire;
– du Cinquantenaire à Woluwe (avec maintien provisoire d’une des deux voies à l’écartement métrique entre Cinquantenaire et Woluwe pour l’accès au dépôt des trams Cinquantenaire-Treurenberg).

5. 2e semestre 1902 : de Woluwe à Tervuren (avec création d’une boucle aux Quatre-Bras).

6. du 10 janvier au 5 mai 1903 :
– du Cinquantenaire au Treurenberg et antenne vers la place Saint-Josse;
– enfin la seconde voie entre le Cinquantenaire et Woluwe.

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