mercredi 21 novembre 2018

Le monorail Behr (à l'exposition de Tervueren de 1897) ^^

Je vous avais déjà parlé du monorail Behr lors d'un précédent article, dédié à l'exposition internationale de Bruxelles de 1897 et au site de Tervueren. 

Pour rappel, l’ingénieur anglais F. Behr, fait construire, dans le parc de Tervueren et lors de l’exposition de 1897, une voie d’expérience formant une courbe fermée de 4871 mètres de longueur, avec un rayon minimum de 500 mètres. Elle est constituée par un rail porteur, soutenu de mètre en mètre par des chevalets métalliques posés sur des traverses et sur lesquels sont fixés deux paires de rails-guides latéraux.

La voiture fait 17,68 mètres de longueur et 3,33 mètres de largeur, possède deux bogies moteurs à quatre roues et peut contenir 100 personnes. Les moteurs étaient au nombre de quatre, logés dans la partie inférieure des caissons. Ils sont capables de développer chacun une puissance de 150 chevaux, à la vitesse de 600 tours par minutes, sous une tension de 700 volts. La régulation des moteurs s’effectue par la méthode série-parallèle.

L’ensemble de la voiture pèse environ 55 tonnes, dont 12 rien que pour les moteurs.

Ca, c'est que nous savions déjà.

Un numéro du magazine allemand "Prometheus: Illustrierte Wochenschrift über die Fortschritte in Gewerbe, Industrie und Wissenschaft" (que l'on peut traduire par "Prometheus: magazine hebdomadaire illustré sur les progrès du commerce, de l'industrie et de la science) nous apporte divers renseignements complémentaires.


Tout d'abord, à Tervueren, F. B. Behr n'en est pas à son premier essai: il établit son premier monorail à Westminster en 1886. L'année suivante, il fait construire une ligne de monorail longue de 16 kilomètres entre Listowel et Ballybunion, en Irlande. Cette ligne est desservie par des monorails à vapeur et permet aussi bien le transport de voyageurs que de marchandises (principalement du transport de sable). La mise en service a lieu le 29 février 1888 et fonctionne encore en 1899. La ligne comporte un aiguillage et les franchissements de routes se font à l'aide de ponts basculants (ce qu'illustre la photo ci-dessous).





Le principal avantage du monorail est de réduire considérablement les frais d'établissement de la voie. Celle-ci consiste en un rail porté sur une série de chevalets métalliques, posés à la file, à un mètre de distance, et ces chevalets reposent sur des traverses d'acier posées sur le sol et noyées dans le ballast. Le rail porté au sommet du chevalet est complété par deux autres rails latéraux, fixés sur le chevalet aussi, à mi-hauteur environ. A Tervueren, où la traction se fait par électricité, il y a également un quatrième rail qui sert à communiquer le courant électrique au wagon, par contact.

Le monorail de Tervueren, qui a atteint une vitesse de 136 km/h.


La voiture, longue de 18,3 mètres pour 3,3 mètres de large, est en forme de wagon allongé, effilé, qui serait échancré dans sa partie inférieure, dans le sens de la longueur. Il s'agit, en effet, de poser le wagon à cheval sur les rails et chevalets.

Cette voiture est divisée en deux étages: l'un supérieur, destiné aux voyageurs et aménagé avec 4 rangées de 25 sièges, et un étage inférieur, qui est posé sur les chevalets et renferme les moteurs. Les fenêtres ne peuvent pas s'ouvrir, pour des raisons de sécurité.

L'arrangement intérieur de la voiture du monorail Behr de Tervueren
 

Découvrons maintenant les particularités de l'installation que Behr fait à Bruxelles en 1897: un quart du tracé est en ligne droite et les trois quarts en courbes de 500 mètres de rayon. Les essais en vitesse normale ne peuvent donc se faire que sur 2.000 mètres.

Le poids d'un wagon-moteur du "train-éclair" de Tervueren était de 65 tonnes environ, par conséquent plus que le constructeur ne l'avait calculé. Les essais et les mesures ont été faits par une commission royale belge. La vitesse maximale n'a été que de 136 km/h dans les courbes de 500 m. de rayon et de 110 km/h dans les rampes.


Monorail de Tervueren. La voiture est munie d'un dispositif de freinage par résistance à l'air.

Bien évidemment les chiffres cités dans l'hebdomadaire allemand ne correspondent pas toujours avec les chiffres retrouvés dans la littérature française: la longueur de la voiture et son poids sont ainsi légèrement différents. Peu importe, en fait, ce me faisait plaisir, c'était de partager les photos de presse avec vous ^^

Pour conclure, un petit mot sur le monorail qui reliait Listowel et Ballybunion.  La ligne ferme en 1924 avant d'être remise en service (sur un kilomètre) a des fins touristiques en 2003.

Pour en savoir plus sur cette ligne, je vous conseille de visiter leur site internet et, en particulier, leur superbe galerie photo avec des clichés d'époque.

Bonne soirée,

Callisto

dimanche 18 novembre 2018

"Le Génie Civil", 18 novembre 1939 ^^


Les véhicules de transport en commun de l'agglomération bruxelloise.


Cet article relatif aux transports en commun bruxellois a été publié dans l'hebdomadaire "Le Génie Civil" du 18 novembre 1939. Le magazine complet peut être consulté gratuitement en ligne sur le site www.gallica.fr qui reprend toutes les collections numériques de la Bibliothèque nationale de France.

Bonne découverte ^^


Le Génie Civil a déjà donné des renseignements sur les véhicules de transports en commun de la ville de Bruxelles, notamment au sujet des moyens de communication desservant l'Exposition internationale tenue dans cette ville en 1935. Nous complétons ces renseignements à l'aide de documents qui nous ont été communiqués par le même auteur.

La figure ci-dessous montre les principaux types de véhicules en service sur les réseaux des Tramways Bruxellois et des Autobus Bruxellois.



La grande voiture visible à droite est une motrice actionnée par quatre moteurs autoventilés, d'une puissance unihoraire de 60 ch chacun, sous la tension de 275 volts et tournant normalement à la vitesse de 1.220 t/mn. La ligne d'alimentation est à la tension de 550 volts. Les deux moteurs de chaque bogie sont groupés en série d'une façon permanente et le controller de commande réalise le couplage de ces deux groupes de moteurs en série ou en parallèle. Les moteurs sont suspendus en trois points au châssis de bogie, et la transmission est effectuée par accouplement élastique et engrenages protégés par un carter. Tous les essieux de la voiture sont moteurs. Les bogies ne comportent pas de plaque de garde. Les boites d'essieux n'ont pas de glissière et sont rattachées aux extrémités des longerons de châssis par des bras oscillants.
Chaque voiture aune longueur totale de 13,57 mètres et pèse à vide 14.900 kilos. Elle peut transporter normalement 90 voyageurs.

Le trolleybus est celui dont les caractéristiques ont été données dans le Génie Civil du 30 septembre. Il est actionné par un moteur compound de 107 ch, permettant la récupération du courant en pente, ainsi qu'au cours du freinage, entre les vitesses de 40 et 13 km/h.

L'autobus visible à gauche de la figure est actionné par un moteur Diesel (construction Brossel) de 125 ch, à 6 cylindres, avec chambre sphérique de précombustion du type Ricardo. La carrosserie est entièrement métallique; elle comporte un compartiment médian de 24 places assises et deux plateformes de 18 places chacune, avec portières automatiques pliantes.

La voiture située à l'arrière-plan est une ancienne voiture motrice transformée et modernisée dans les ateliers de la société des Tramways bruxellois. Les moteurs électriques transformés permettent de réaliser des accélérations de 1 m/s2 et d'atteindre des vitesses de 60 km/h. Le réseau comporte plusieurs centaines de ces motrices, qui ont une puissance unihoraire, soit de 120 ch, soit de 180 ch; elles remorquent généralement une voiture pouvant offrir 64 places, la capacité de la rame ainsi formée étant de 130 voyageurs.

Le parc de matériel roulant des transports en commun de la région de Bruxelles comporte actuellement les véhicules suivants:
- 960 motrices de tramways;
- 420 remorques;
- 55 autobus de grande capacité, à moteurs Diesel ;
- 12 trolleybus (dont 7 seulement en service).
A ces véhicules s'ajoutent quelques autobus à essence, du type utilisé à Paris, de 40 à 50 places.

D'autre part, la Société nationale des Chemins de fer vicinaux dessert plusieurs faubourgs importants de Bruxelles au moyen de voitures électriques de 250 ch, presque toutes à bogies, dont l'une avait été exposée à Paris en 1937.


Voici que l'on sait de cette voiture SNCV à bogies exposée à Paris en 1937: cette motrice qui circule sur des voies électrifiées à 600 volts, peut, grâce à son poids peu élevé (20.500 t) et à ses quatre moteurs autoventilés de 62 chevaux de puissance uni-horaire, circuler à 75 ou 80 km/h en palier, en transportant 78 voyageurs dont 30 assis, et même, sur les lignes du littoral, 90 voyageurs dont 40 assis.



L'emploi de deux bogies dont les pivots sont distants de 6,200 m, dont l'empattement est de 1,900 m, et le diamètre des roues de 0,660 m, pour une longueur totale de caisse de 13,420 m, permet une circulation aisée à grande vitesse sur des lignes dont le tracé est parfois quelque peu tourmenté.
Le courant est capté sur la ligne électrique au moyen d'un pantographe. Le freinage est du type électro-oléo-pneumatique.

Cette motrice, qui peut au besoin remorquer un ou plusieurs véhicules, est construite par la Société anonyme Baume et Marpent à Haine-Saint-Pierre, l'équipement électrique étant fourni par la Société Anonyme des Constructions électriques de Charleroi.

mercredi 14 novembre 2018

Le dépôt du Bois de la Cambre, 1869 - 1908 ^^

Je vous écrivais, dans un précédent article, que le dépôt du bois de la Cambre a probablement été construit après la mise en service de la ligne. Ayant décidé d'approfondir le sujet, je me suis lancée dans de nouvelles recherches.

On va commencer par le résultat le plus important: que William Morris possède, en 1869, tout le pâté de maison compris entre le boulevard de la Cambre, la place semi-circulaire et l'actuelle avenue Lloyd George. Quand il envisage de construire des écuries, des remises et des ateliers dans le fond de sa propriété, c'est vraiment "le fond" de son immense propriété (qu'il faut considérer depuis le boulevard de la Cambre, où se trouve sa maison).

La toute première demande d'autorisation introduite pour la construction de ce dépôt remonte au 19 avril 1869. William Sheldon, agissant pour le compte de William Morris, demande de pouvoir construire un puits à eau, plusieurs chevaux des "Voies Ferrées Belges" étant déjà arrivés.


Monsieur Sheldon demande, dans le même courrier, l'autorisation de pouvoir commencer la construction du dépôt avant l'obtention du permis de bâtir. Quelle a été la suite accordée à cette demande? Hé bien, je n'en ai aucune idée! La demande de permis de bâtir n'a, en tout cas, été officiellement introduite qu'à l'automne.

Bonne nouvelle: je suis en mesure de vous dessiner un aperçu schématique de ce tout premier "dépôt du Bois de la Cambre" (version 1869, donc) qui comprenait aussi une aubette, située en lisère du bois et composée d'une salle d'attente et d'un bureau. 

Les bâtiments (dont l'affectation n'est pas connue) sont teintés en jaune.


Je peux également vous représenter schématiquement la façade à rue, telle que l'on pouvait la voir depuis la place semi-circulaire.

L'ensemble est complété par un atelier de charpenterie et une remise pour voiture, mais la date de la construction de ces annexes, bien qu'antérieure à 1877, n'est pas connue.

En 1874, William Morris fait construire un mur (que l'on aperçoit sur cette photo) tout autour de sa propriété. L'aubette pour les voyageurs est également agrandie cette année-là. Cette demande est justifiée par le fait que la salle est insuffisante les dimanches et jours de fête.

En 1877, les Tramways Bruxellois ajoutent une fosse de visite avec voie de raccordement le long de la remise pour les véhicules.
Les bâtiments sont teintés en jaune. Notez l'agrandissement de l'aubette, intervenu en 1874.


Les rapports annuels de la SA des Tramways Bruxellois mentionnent, pour l'année 1886, que "nous avons complété, au dépôt du Bois de la Cambre, nos installations pour l'embarquement des voyageurs. Ces nouvelles dispositions ont été généralement approuvées par le public."

Les travaux réalisés cette année-là sont conséquents: outre l'agrandissement de la remise pour voitures, les Tramways Bruxellois construisent également un embarcadère, avec hall d'été et hall d'hiver, et une aubette destinée aux membres de leur personnel.

Les bâtiments, comme sur les plans précédents, sont teintés en jaune.
Le hall d'été et l'embarcadère sont des bâtiments ouverts et couverts.


Quel est le sort réservé à l'aubette de 1869? Aucune idée. A priori, elle n'est pas détruite en 1886, vu qu'elle figure toujours sur le plan.

En 1894, le mur de clôture est remplacé par un mur plus élevé. Ce mur est percé d'une porte dans le courant de l'année 1895. Le nouveau mur et la porte sont visibles, à gauche, sur cette ancienne carte postale.

Le dépôt du Bois, vers 1907. Sur la gauche, l'entrée du dépôt et son mur, et sur la droite, le hall d'hiver et le hall d'été.
On peut apercevoir, au fond à gauche, les faîtes des toitures des remises qui abritaient le matériel roulant.


Dès 1899, les Tramways Bruxellois sont informés du fait que leur dépôt fera l'objet d'une expropriation en vue de permettre la construction d'une nouvelle voirie (l'avenue Lloyd George). Peut être même que William Morris le savait dès 1869, vu que les plans de cette époque mentionnent déjà cette "avenue projetée".

Je vous reproduis ci-dessous mon "petit plan" des bâtiments du dépôt tels qu'il se présentait en 1907. Certains agrandissements n'ont pas pu trouver d'explication, tandis que les deux aubettes ont disparu.

Les bâtiments sont teintés en jaune tandis que les bâtiments "ouverts et couverts" (auvents) sont marqués par deux diagonales bleues. La croix verte représente le pavillon de l'Octroi située en lisière du Bois de la Cambre.


Le dépôt est vraisemblablement démoli en 1908.

Il n'y a plus qu'à espérer que l'avenir nous fasse dénicher de plus amples précisions!

Bonne soirée,

Callisto

dimanche 11 novembre 2018

Les "Voies Ferrées Belges" dans la presse, 1869-1874 ^^

L'ancienne presse belge numérisée regorge de détails parfois oubliés des historiens traminots, vu que ces "petites histoires" ne sont pas relatées dans les rapports annuels des sociétés de transport concernées. Aujourd'hui, partons à la découverte de l'exploitation de la ligne du Bois de la Cambre par la compagnie des Voies Ferrées Belges (également appelée compagnie Morris, du nom de son fondateur) et voyons ce que les anciens journaux peuvent nous en apprendre.

"L'entrée du Bois de la Cambre", gravure publiée dans l'hebdomadaire belge
"L'Illustration Européenne" en date du 17 août 1872.

Commençons par le commencement, et l'arrivée des premières voitures. "L’Écho du Parlement", dans son édition du 8 avril 1869, nous apprend que: "Le chemin de fer américain, dont les travaux sont poussés avec une grande activité, sera inauguré, selon toute probabilité, le 19 de ce mois pour la partie qui conduit du Quartier Louise au Bois de la Cambre.

Les rails sont déjà posés sur une grande partie de la route. Ils longent la voie macadamisée du côté gauche allant vers le bois jusqu'au rond-point, et occupent ensuite le côté droit jusqu'à l'entrée du bois. Le système de construction de cette voie ferrée diffère essentiellement de celui de nos chemins de fer. Les billes qui reçoivent les rails sont placées longitudinalement, et l'espace entre les deux rails est macadamisé.

Une voiture se trouve déjà sur la voie, au rond-point. La construction en est élégante et l'aménagement offre tout le confort désirable. Elle est divisée en deux compartiments. Un marche pied, à chaque bout de la voiture,
qui contient 16 places, donne accès à l'impériale et à ses 20 places.

Cinq autres voitures sont arrivées d'Amérique, car c'est là qu'on les construit. Elles serviront lors de l'inauguration des voyageurs.

La construction des ces voitures est assez curieuse. Elles se montent et se démontent avec une grande facilité, et quelques heures suffisent, après leur débarquement, pour les mettre en état de remplir l'emploi auquel elles sont destinées.
"



On vous rassure, le matériel roulant des Voies Ferrées Belges a bien été fabriqué en Angleterre. Les propos de ce journaliste donne un peu l'impression que, comme il s'agissait d'un chemin de fer américain, le matériel ne pouvait venir que d'Amérique ^^


Les premiers chevaux arrivent quant à eux un peu avant le 19 avril, date à laquelle
M. Sheldon, agissant pour le compte de William Morris, demande à pouvoir construire un puits dans sa propriété. 


Cinq jours après la parution de l'article annonçant l'arrivée des premières voitures de la compagnie Morris, le journal "Le Bien Public", dans son édition du 13 avril, nous apprend que: "On termine en ce moment la pose des rails sur la 1ère section du chemin de fer américain au Bois de la Cambre."



Douze jours plus tard, le "Moniteur Belge" du 26 avril 1869, qui nous relate l'inauguration de la ligne, intervenue le weekend précédent: "M. le bourgmestre de Bruxelles, accompagné de la section des travaux publics du conseil communal, a inauguré le chemin de fer américain du bois de la Cambre. M. le ministre des travaux publics a fait partie de ce voyage d'essai, qui s'est effectué en 7 minutes."

Dans son édition du 28 avril, le "Journal de Bruxelles
nous relate que: "L'avenue Louise et le bois de la Cambre étaient aujourd'hui couverts d'innombrables promeneurs de la société bruxelloise, à la faveur d'une splendide journée de printemps. La nouveauté du chemin de fer américain et l'alimentation du lac y étaient pour beaucoup dans cette agglomération de la foule élégante." On devine, à travers ces lignes, que les voitures hippomobiles de la compagnie Morris sont bel et bien en circulation. Le 28 avril est un mercredi. Que vient faire la foule au Bois de la Cambre, par une belle journée de printemps?

La réponse se trouve dans le journal "La Meuse", du 27 avril 1869: "Hier (le lundi 26 avril, donc), à 9:30 du matin, M. Anspach, bourgmestre de Bruxelles, accompagné de plusieurs autres personnes, s'est rendu au bois de la Cambre, où l'on devait commencer à introduire dans le lac cette eau qui lui manque depuis si longtemps. Le lac a 6 hectares de superficie. Il ne s'agissait que d'en remplir la moitié, c'est à dire la partie ouest, jusqu'au bout de l'île, où une digue a été construite, à l'endroit le plus resserré du lac."


Les extraits suivants font état de l'avancement des travaux de voies. On peut ainsi lire dans le "Journal de Bruxelles" du 2 mai 1869: "Les travaux du chemin de fer américain avancent rapidement. Les rails sont placés jusqu’à l’emplacement de l’ancienne porte de Namur".

Le "Journal de Bruxelles" du 26 mai 1869 nous informe, quant à lui, que: "On termine déjà la pose des rails du chemin de fer dans la rue Royale jusqu'à la place des Palais."

La ligne devait être mise entièrement en service avant le 1er juin et tout porte à croire que ce fut le cas.


Après l'effet de nouveauté passé, on s'interroge quand même sur ce nouveau mode de transport. "L'Indépendance belge" dans son édition du 12 juillet 1869, publie le texte suivant: "On nous signale, à propos du service l'omnibus américain du bois de la Cambre, service qui, dès le début, a obtenu une faveur de nature à répondre aussi largement que possible au vœu de ses organisateurs, une particularité qui, disons-le, contraste tristement avec la pensée d'amélioration, de confortable et de bien-être matériel, qui parait avoir inspiré les fondateurs de cette entreprise.

Pendant que les voyageurs sont au mieux à l'intérieur ou sur l'impériale des véhicules, pendant que le receveur accompli sa pénible tâche beaucoup plus facilement que dans les omnibus ordinaires, grâce à la régularité de la marche et à l'absence de toute secousse, pendant que les chevaux eux-mêmes trouvent dans l'emploi du rail américain et dans la rectitude de la ligne parcourue une notable économie de labeur et de fatigue, seul un malheureux employé subalterne de la compagnie semble condamné à expier en quelque sorte, par la dureté de son travail et l'inexorable rigueur de sa tâche, le bien-être réalisé au profit des clients et des coopérateurs de l'entreprise.
Nous voulons parler du cocher qui, debout sur la plate-forme du rez-de-chaussée de la voiture, conduit constamment ses chevaux en restant dans cette fatigante position, qu'il lui faut conserver plus de 12 heures par jour, sans autre repos que les 10 ou 15 minutes d'arrêt qui suivent chaque arrivage à l'une ou l'autre extrémité de la ligne.

Ce service, accompli par un même homme toujours debout, et presque aussi pénible pour le regard du spectateur que pour le torse du patient, n'est justifiée par aucune exigence, par aucun motif d'intérêt ou d'amélioration.
Un étroit tabouret, mis à la disposition du cocher, ne causerait assurément à la compagnie des omnibus américains, d'autre préjudice qu'une dépense insignifiante et, sans pouvoir donner lieu au moindre accident, mettrait fin à un état des choses qui ressemble vraiment de trop près à un acte d'inhumanité."

Les conditions de travail des conducteurs et receveurs ne sont cependant pas prêt de s'améliorer: il faudra attendre 1898 pour que la journée de travail soit portée à 10 heures, et l'entre-deux-guerres pour que l'équipage dispose d'un siège où s'asseoir.

Une voiture de la compagnie Morris (autre nom des "Voies Ferrées Belges"),
immortalisée près du dépôt du Bois de la Cambre dans le courant de l'année 1874


Il n'y a pas cependant que les conditions de travail du personnel qui sont précaires à la compagnie Morris: les conditions dans lesquelles les passagers sont transportés le sont aussi. La presse relate une dizaine d'accidents dus à l'imprudence des voyageurs, qui sautent des véhicules en marche, ou des piétons ou de conducteur d'attelages ne voyant pas le tram arriver. Les conséquence, dues au piétinement des chevaux ou à un écrasement sous les roues sont multiples: contusions, fractures, amputations, ainsi que des décès.

Voyons notamment celui qui est relaté dans "Le Journal de Bruxelles" du 24 avril 1870: "Un déplorable accident est arrivé hier, vers midi, près de l'ancienne porte de Namur. L'omnibus américain venait de s'arrêter, lorsqu'une des personnes qui se trouvaient sur l'impériale eut la malencontreuse pensée de se lever et de rester debout sans se tenir soit au dossier de la banquette soit à la balustrade en fer qui entoure la terrasse de la voiture.
Tout à coup, l'omnibus se remet en marche, et l'imprudent voyageur, ébranlé par le mouvement qui lui fait perdre l'équilibre, est précipité du haut de l'impériale et tombe sur le pavé, où il se brise le crâne. La mort a été instantanée."

Cet accident fera l'objet d'une interpellation au Conseil Communal de la Ville de Bruxelles, qui est invité à rappeler à la compagnie Morris qu'il est nécessaire d'entourer l'impériale d'une rampe plus élevée, voir même d'un léger treillis en fer afin d'assurer plus de sûreté aux passagers ainsi qu'aux receveurs, qui estimeraient également que l'impériale est "assez dangereuse".


Dans son édition du 16 juin 1871, "L'Echo du Parlement" nous apprend que: "Le concessionnaire du chemin de fer américain de Bruxelles vient de céder son entreprise, laquelle fonctionne avec un très grand succès, à une société anglaise, qui reprend en même temps les chemins de fer américains de Madrid." Cependant, aucun document ne semble attester du transfert des "Voies Ferrées Belges" du patrimoine de William Morris vers la "British and Foreign Tramways Compagny". L'acte de constitution de la Société Anonyme des Tramways Bruxellois du 23 décembre 1874 indique d'ailleurs que William Morris apporte la ligne du Bois de la Cambre à titre personnel.


Il a toujours été affirmé que la ligne du Bois de la Cambre était exploité par des véhicules tirés par deux chevaux. "Le Journal de Bruxelles" du 9 février 1873 nous apprend que cette information est sans doute relative et dépendante des conditions météo. On y lit, en effet, que: "Par suite de la grande quantité de neige, l'omnibus américain faisant le service entre l'ancienne porte de Schaerbeek et le bois de la Cambre a déraillé vendredi soir vers 19:30 dans l'avenue Louise.
Cet omnibus, qui était attelé de 4 chevaux, a renversé un réverbère et n'a pu continuer son itinéraire.
Aujourd'hui, le service du tramway sur cette ligne est complètement interrompu vu l'abondance de la neige qui continue à tomber de plus belle."


On passe aux statistique, grâce à cet extrait du "Journal de Bruxelles" du 17 avril 1874: "Les trois compagnies concessionnaires de chemins de fer américains (Becquet frères, Morris et Vaucamps), ont ensemble actuellement 900 chevaux et 90 voitures en service certains jours, en y comprenant 11 ou 12 voitures ordinaires de la concession Vaucamps. Le développement de tous les réseaux sur le territoire bruxellois est d'environ 20 kilomètres."


Nous voici de retour dans des conditions hivernales extrêmes, avec cet extrait de "L'Echo du Parlement" du 13 décembre 1874: "Hier, pour fonde la neige qui obstruait la voie, la compagnie du chemin de fer américain du Bois de la Cambre a fait verser sur les rails 36 sacs de sel de 100 kilos chacun."


Passons maintenant à cet extrait du journal "Le Bien Public" du mardi 22 décembre 1874: "Jeudi prochain, les tramways du Bois de la Cambre seront remis par M. Morris à M. Philippart qui, dès ce jour (= jeudi 24 décembre), exploitera la ligne." L'acte de constitution de la société "Les Tramways Bruxellois", par lequel l'exploitation de la ligne du Bois de la Cambre est reprise par Philippart, est en effet signé le mercredi 23 décembre 1874.


Et pour finir, le "Journal de Bruxelles",  du 7 août 1875: "On nous apprend que M. Gérard Vanderhaaghen, ancien directeur de la concession Morris, vient de donner sa démission de directeur des Tramways Bruxellois (ligne du Bois de la Cambre)".

Nldr: visiblement, William Sheldon est directeur de la compagnie jusqu'en 1871. A partir de 1872, tous les courriers de la compagnie des Voies Ferrées Belges sont signés par Gérard Vanderhaaghen. Avant de travailler pour la compagnie Morris,
Gérard Vanderhaaghen partie de la garde civique de Saint-Gilles, où il a le grade de capitaine. Il est également, en 1872, président de la société de la réunion Lyrique de Saint-Gilles. Après avoir démissionné des Tramways Bruxellois, il reprend visiblement son emploi à la garde civique de Saint-Gilles, avec le grande de major de bataillon. Il devient lieutenant-colonel commandant de la légion en mai 1878. En 1892, il est officier de l'état civil et échevin pour la commune de Saint-Gilles.


C'est ici que notre petite histoire des
Voies Ferrées Belges et de l'exploitation de la ligne du Bois de la Cambre à travers l'ancienne presse belge numérisée se termine.

A bientôt et bon dimanche,

Callisto.

samedi 10 novembre 2018

"La Mode du Petit Journal", 10 novembre 1907 ^^

Au sommaire de ce numéro de "La Mode du Petit Journal" paru le 10 novembre 1907, vous trouverez de nombreuses gravures de robes et de toilettes, divers motifs de broderie, ainsi que des instructions permettant de réaliser un tablier d'enfant.

Bonne lecture,

Callisto
















mercredi 7 novembre 2018

Travaux à Woluwe, 1896-1897 ^^

Aujourd'hui, le Blog s’intéresse à un ouvrage d'art: le pont du chemin de fer Bruxelles-Tervueren qui surplombait l'avenue de Woluwe. Les plans de ce pont ont été dressés en mars 1896 tandis que la mise en service de la gare de chemin de fer "Woluwe (Avenue)" semble avoir eu lieu le 1er mai 1897.

Les questions que nous nous posons et auxquelles nous allons essayer de répondre dans cet article sont les suivantes:

1. Comment était-ce avant la construction de ce "nouveau pont"?
Les voies se trouvaient-elles déjà sur un remblai? Ou existait-il déjà un pont (de moins grande longueur)?

2. Comment le pont de 1896-97  a t'il état installé. L'exploitation de la ligne (qui passait à cet endroit depuis 1882) a t'elle été interrompue et si oui, pendant combien de temps?

On essaiera également de répondre à une question qui m'a été posée à de nombreuses reprises: à quoi ressemblait l'usine électrique du dépôt de Woluwe?

Avant de répondre à toutes ces questions, je vous propose de visualiser une photo du "nouveau pont", d'une longueur de 52.7 mètres et construit en 1896-1897.

La toute nouvelle avenue de Tervueren et le pont de chemin de fer de la ligne Bruxelles-Tervueren, aux alentours de 1900.
© Coll. S. Lejeune


Passons maintenant aux éléments de réponse:


Avant 1896, la ligne ferroviaire Bruxelles-Tervueren surplombait déjà le chemin qui reliait Saint-Stevens-Woluwe à Auderghem. Il avait donc déjà un pont de chemin de fer à cet endroit.

Le journal "Le Peuple" du 14 septembre 1896 nous explique en détail les travaux qu'il est prévu d'apporter à la ligne de chemin de fer: 
"On a commencé, sur la ligne de chemin de fer (Quartier Léopold) – Auderghem – Tervueren, les travaux préliminaires pour la construction du grand viaduc sous lequel passera la nouvelle avenue de Tervueren: un tronçon provisoire de détournement a été établi sur passerelle de madriers, et l’ancien pont qui existait en cet endroit est en pleine démolition. La ligne, qui était jadis à simple voie, vient d’être dédoublée sur toute sa longueur.

Le nouvel ouvrage d’art, placé au centre de la région des étangs dans la partie la plus pittoresque de l’avenue, aura un certain caractère architectural. On espère pouvoir l’inaugurer en mars ou en avril prochain."



Le journal "Le Vingtième siècle" paru le 15 juin de la même année, nous décrit quant à lui le chantier d'aménagement de la nouvelle avenue: 
"Nous arrivons jusqu’au pont de chemin de fer passant au-dessus de l’avenue. A cet endroit, dans le fond de la vallée, le chantier offre un aspect tout pittoresque. A gauche se dressent une quantité de baraques de chantier en planches servant de remises, d’ateliers et de bureaux pour les travaux.

Le sol est sillonné de rails, se croisant en tous sens, sur lesquels circulent des enfilades de wagonnets trainés par de minuscules locomotives. On se croirait à une gare de croisement en pleine campagne.

A droite et à gauche des voies, se trouvent empilés des tuyaux de canalisation en béton comprimé, et entassées les pierres bleues qui serviront sous peu pour l’établissement des bordures de trottoirs.


De front, on voit les ouvriers occupés au terrassement des voies de chemin de fer. On sait qu’à cet endroit les voies seront doublées et qu’elles seront surélevées de 4 mètres.

Le pont en fer, de 52.7 mètres de long, qui a été dessiné dans les bureaux techniques de l’administration des chemins de fer est en voie d’exécution dans les ateliers de Messieurs Bertaux, rue Bara. Au-delà du pont, de très considérables travaux de déblais ont du être effectués."



Le journal "Le Peuple", dans son édition du 10 avril 1897, confirme la date mise en service de la gare de chemin de fer "Woluwe (Avenue)" en ces termes: 
"A partir du 1er mai, on exploitera à double voie la section de Wezembeek à Tervueren-Parc, et il sera ouvert, à proximité du nouveau pont qui passe sur l’avenue de Bruxelles à Tervueren, une halte pour voyageurs et bagages. Elle desservira Woluwe."



Aucun article de presse de cette époque ne relate le début des travaux du dépôt de tram de Woluwe, qui jouxte la ligne de chemin de fer et le pont, et dont la demande d'autorisation de bâtir a été demandée par le réseau de Bruxelles-Ixelles-Boendael en date du 23 février 1897. 

Les constructions et les aménagements électriques ne sont pas encore totalement achevés lors de la mise en exploitation de la ligne de Tervueren. En attendant, l’exploitation est assurée, depuis le Cinquantenaire, par des trams à vapeur. La ligne est relativement difficile à exploiter vu sa longueur (à l’époque, le trajet complet Treurenberg – Tervueren représentait un voyage de près d’une heure) et du fait que la fréquentation est fort dépendante de la météo.

Les travaux terminés, la presse est invitée à venir découvrir le nouveau dépôt et son usine électrique. On peut lire le compte rendu de cette visite dans le journal "Le Peuple" du 20 septembre 1897:

"La compagnie des Chemins de fer à Voie étroite de Bruxelles à Ixelles-Boendael avait invité, samedi dernier, les membres de l’Union permanente des tramways, ainsi que la presse, à visiter ses installations électriques.

Au départ, à 10 heures du matin, six trains composés de deux voitures chacun, ont transporté les invités, au nombre de 120 environ, jusqu’à l’arrêt des étangs de Tervueren où l’on a visité l’installation de distribution de force motrice. Il y a là trois dynamos faisant mouvoir de gigantesques volants faisant 550 tours à la minute et représentant une force de 1.000 chevaux.

Faisons remarquer en passant que toutes les mesures de précautions ne sont pas prises là pour sauvegarder la vie des travailleurs qu’on y occupe et qu’il serait de la plus élémentaire prudence d’entourer les machines de garde-fous protecteurs."


Voici une vue schématique des bâtiments qui ont été édifiés dans le courant de l'année 1897:




On distingue le bâtiment administratif en bas à droite. En haut à droite, on retrouve l'usine électrique et sa cheminée. Les dimensions de l'usine étaient approximativement de 36 mètres de long pour 20 mètres de large. Au centre, on retrouve la remise, de 90 mètres de long pour 22.5 mètres de large. Et tout à gauche, un bâtiment dont l'affectation est inconnue, de 24 mètres de long et de 15 mètres de large.
Le dépôt de Woluwe en 1897 : à gauche, les remises, desservies par une unique voie d’accès. Au centre droit, on devine l’usine électrique, cachée derrière son imposante cheminée. A droite, le bâtiment administratif.


J'espère que cet article aura répondu à vos interrogations ^^

Bonne soirée,

Callisto