samedi 16 février 2019

L'omnibus d'Uccle Calevoet, 1837-1873 ^^

Dans un précédent article, consacré à l'histoire des omnibus entre 1831 et 1867, nous écrivions que les premiers services d’omnibus bruxellois sont organisés après l’inauguration de la ligne de chemin de fer Bruxelles-Malines, le 5 mai 1835. Un mois après la mise en service de la gare de l’allée Verte, une première ligne d’omnibus, organisée par la firme Barreto et Delpaire relie celle-ci au centre-ville (porte de Namur et place Royale). D'autres lignes d'omnibus feront également correspondance avec le chemin de fer, comme "La Dame Blanche", "Les Bruxelloises" ou les omnibus de M. Van Humbeek


Cependant l'organisation des transports en commun hors du centre de la capitale ne prend, à cette époque, aucune espèce d’extension, sauf peut-être l’initiative de quelques particuliers, ayant entrepris de relier le centre de la ville et la banlieue immédiatement au moyen de « pataches » rappelant plus ou moins les anciennes diligences et acceptant le transport de colis peu encombrants. Parmi eux, l’omnibus dit « du Bourdon » (nom d’un groupe d’habitations situées à l’angle de la chaussée d’Alsemberg et de la chaussée de Droogenbosch), qui effectue, dès 1837, 2 ou 3 fois par jour le trajet qui séparait l’établissement du Duc Jean, situé rue de la Putterie à Uccle Calevoet, en passant par la rue Haute et les chaussées de Waterloo et d’Alsemberg. 

L’omnibus, attelé de deux chevaux, fait étape à la Barrière de Saint-Gilles, puis marque un court arrêt au Spijtigen Duivel (établissement qui existe toujours au 621 de la chaussée d’Alsemberg) où l’on dépose et reçoit des colis de petites dimensions, avant de rejoindre Uccle-Calevoet. 

Le "Spijtigen Duivel" au début du siècle passé - (c) Coll. G. Bricman


Nous vous proposons de découvrir les détails de l'histoire de cette ligne de transport en commun.

Le 20 mai 1837, Monsieur Dandoy, ex-bourgmestre d'Uccle, fait publier l'avis suivant:
"Le sieur P.J. Dandoy, ex-bourgmestre d'Uccle, a l'honneur d'informer le public qu'à dater du 13 juin 1837, il fera établir un service d'omnibus, de Calevoet à Bruxelles, et vice-versa.

Les départs de Calevoet à Bruxelles auront lieu tous les jours comme suit: à 6 et à 8 heures du matin, et l'après-midi, à 2 et à 5 heures. Ils passeront par Stalle, Uccle, le Speytingen-Duyvel, Saint-Gilles, la rue Haute, la rue d'Or, la rue de l'Hôpital, la rue des Eperonniers et arriveront à leur destination au Duc-Jean, rue de la Putterie.

De Bruxelles pour Calevoet, départs à 7 et à 11 heures du matin, et à 3 et 6 heures après-midi, passant par le Marché-aux-Herbes, le Marché-aux-Trippes, la grande rue au Beurre, la Grand-Place, la rue des Chapeliers, la rue de la Violette, la rue de l'Hôpital et la rue Haute.

Prix des places:
d'Alsemberg : 1 francs
de Calevoet: 50 centimes"



Du 3 au 11 juin 1838, le quotidien "Le Belge", fait publier l'avis suivant:
 



Trois ans plus tard, Pierre Dandoy fait publier la petite annonce suivante:
"A vendre un omnibus, aussi bon que neuf, pouvant contenir 16 personnes. S'adresser au Duc Jean, rue de la Putterie, ou chez le propriétaire, P. Dandoy à Uccle."

Cède t'il vraiment son affaire cette année là?  Difficile à dire, vu son nom et celui de son entreprise figurent toujours à l' "Almanach de poche" jusqu'en 1846.


En 1844, les horaires de la ligne, qui a pris le nom d' "Omnibus Premier", sont les suivants:
Départs de Bruxelles: 9 heures, 1 et 3 heures de l'après-midi.
Départs de Calevoet: 7 heures et demi et 11 heures du matin, 2 heures de l'après-midi.


La même année, l'omnibus de M. Wouters, dont le bureau est établi "au Cygne", sur la Grand-Place, relie également le centre-ville au hameau de Calevoet, pour le prix de 50 centimes par voyageur.
Les départs de Bruxelles se font à 8 heures, midi et demi, 3 heures et demi, 6 heures et demi et 9 heures, au 1er mai. Quant aux départs de Calevoet, ils ont lieu à 7 et 11 heures et demi du matin, 2 heures et demi, 5 heures et demi et 8 heures à partir du 1er mai.


Durant l'année 1845, le prix d'un voyage sur l'omnibus de Pierre Dandoy ne coûte plus que 35 centimes. Est-ce la conséquence de la concurrence exercée par Monsieur Wouters?

L'affaire est, en tout cas, cédée en 1846 à Monsieur Van Ophem, qui conserve le nom d' "Omnibus Premier". Son bureau est toujours au Duc Jean, rue de la Putterie, et le prix du voyage reste inchangé à 35 centimes.
Les départs de Bruxelles se font à 9 heures, midi, 3 et 6 heures de l'après-midi, tandis que les départs de Calevoet ont lieu à 7 heures et demi et 11 heures du matin, 2 et 5 heures de l'après-midi.


L'entreprise de Monsieur Wouters est mise en vente dans le courant du mois de février 1847. On peut ainsi lire, dans "L'Indépendance Belge" du 11 février 1847:
"Pour cause de cessation de service d'omnibus: Vente volontaire de plusieurs chevaux, omnibus et vigilantes. Le jeudi 18 février 1847, à midi, précis, l'huissier Ferdinand Dirickx, de résidence à Ixelles, vendra publiquement et au comptant, à la requête et en la demeure de M. Pierre Wouters, sur la chaussée d'Alsemberg, au hameau de Calevoet sous Uccle:
- 2 omnibus et 2 vigilantes, aussi bons que neufs
- 7 forts et bons chevaux de trait, propres au service des messageries, omnibus et cultivateurs
- une charrette
- et tout l'attirail desdits chevaux."


La desserte de Calevoet n'est alors plus assurée que par l' "Omnibus Premier" de M. Van Ophem, dont le prix du voyage repasse à 50 centimes dans le courant de l'année 1853.


Ticket de l’omnibus de Bruxelles, Uccle et Calevoet, dit « du Bourdon » - © Coll. A. Pastiels



Les horaires sont également adaptés comme suit dans le courant de l'année 1854:
Départs de Bruxelles: 9 heures du matin, 13:00, 16:15 et 20:45 l'après-midi.
Départs de Calevoet: 7:30 et 11:30 du matin, 15:00 et 19:30 l'après-midi.


L'affaire à cédée à M. Le Bourdon dans le courant de l'année 1858. Le bureau reste installé au Duc Jean, rue de la Putterie. Le prix du voyage reste fixé à 50 centimes.
Les horaires sont alors les suivants:
Départs de Bruxelles: 9 heures du matin, 13:00, 16:15 et 20:15 l'après-midi.
Départs de Calevoet: 7:30 et 11:30 du matin, 15:00 et 18:00 l'après-midi.



Ce service d’omnibus est supprimé après l’ouverture de la ligne de chemin de fer de Luttre, opérationnelle sur toute sa longueur dès le 1er juin 1874, et de la gare de Calevoet, inaugurée dès le 20 septembre 1873.

mercredi 13 février 2019

Les omnibus en correspondance avec le chemin de fer à Bruxelles, 1835-1857 ^^

Dans un précédent article, consacré à l'histoire des omnibus entre 1831 et 1867, nous écrivions que les premiers services d’omnibus bruxellois sont organisés après l’inauguration de la ligne de chemin de fer Bruxelles-Malines, le 5 mai 1835. 

Vue du chemin de fer et de l'Allée Verte à Bruxelles


Avant l’ouverture de la gare de l’allée Verte, située hors du centre-ville, les points de départ des diligences étaient nombreux et dispersés, car il n’y avait pas d’endroit particulier où convergeaient les voyageurs. Un mois après la mise en service de la gare de l’allée Verte, une première ligne d’omnibus relie celle-ci au centre-ville (porte de Namur et place Royale). 

Nous écrivions également qu’en 1840 il existait plusieurs lignes d’omnibus qui faisaient correspondance avec le chemin de fer:
*  "la Comète et la Bruxelloise", d'une part et "le Progrès et le Remorqueur", d'autre part, dont le point de départ se situait porte de Namur ;
*  "la Dame blanche", qui partait de la porte de Hal ;
*  "l'Omnibus-diligence", qui avait son point de départ à rue des Ursulines ;
*  "le Lézard", qui partait de la rue des Alexiens.

Nous avons eu envie d'en savoir plus sur ces lignes d'omnibus. Nous avons donc mené l'enquête et voici ce qu'elle a démontré.


La première mention d'un omnibus dans la presse de l'époque que nous avons pu retrouver est cet extrait du quotidien "L'Emancipation", paru le 22 mai 1835. On peut y lire que: "Nous apprenons qu'un service d'omnibus est organisé pour communiquer entre les points les plus éloignés de la ville et le chemin de fer. Tous les jours, et autant de fois qu'il y aura de départs de locomotives pour Malines, il partira de la porte de Namur et de la place Royale, un omnibus qui transportera jusqu'au chemin de fer les personnes qui voudront s'y rendre.

En prenant place dans l'omnibus, on sera assuré d'avoir place sur le chemin de fer, d'après les arrangements conclus entre l'entrepreneur et le gouvernement.
L'omnibus qui partira de la porte de Namur traversera la rue de Namur, la place Royale, les rues de la Montagne de la Cour, Marché aux Herbes, des Fripiers, de l'Evêque, de Laeken et de l'Harmonie.

L'omnibus partant de la place Royale parcourra la rue Royale, le Treurenberg, la plaine Sainte Gudule, les rues des Paroissiens, de Loxum, des Dominicains, la place de la Monnaie, la Longue-rue-Neuve et la rue du Pont Neuf.

L'un et l'autre prendront des voyageurs tout le long de leur itinéraire. Le service commencera probablement samedi prochain. Cette entreprise nous parait présenter trop d'avantages pour les habitants de Bruxelles, pour que son succès soit douteux.
"


Trois jours plus tard, "L'Emancipation" complète son article par le communiqué suivant: "Le service d'omnibus, dont nous avons annoncé l'établissement, qui doit mettre en communication les points les plus éloignés de la ville avec le chemin de fer, ne sera mis en activité que dans deux ou trois jours.
L'entrepreneur, non content d'assurer des places pour aller de Bruxelles à Malines, s'est arrangé à pouvoir assurer les places de retour."


Ce service d'omnibus, organisé par les entrepreneurs Barreto et Delpaire, est mis en service le samedi 6 juin 1835 à l'aide des omnibus "Le Progrès" et "Le Remorqueur". Les départs en direction de la gare de l'Allée Verte sont fixés comme suit:
1er départ à 6 heures et demi du matin
2ème départ à 9 heures et demi du matin
3ème départ à midi et demi
4ème départ à 3 heures et demi
5ème départ à 6 heures et demi du soir.

Pour le retour, les omnibus partent de la station du chemin de fer, à l'heure de chaque arrivée des wagons.


Le bureau de la société Barreto et Delpaire se trouve Montagne de la Cour, au numéro 91, où l'on peut également se procurer des billets à l'avance pour différents départs du chemin de fer de Bruxelles à Malines, et pour le dernier retour de Malines à Bruxelles. Ces billets sont également en vente dans l'omnibus, dans la limite des places disponibles.
 
Le prix des places dans l'omnibus, pour les départs de la place Royale et de la porte de Namur au chemin de fer, est fixé à 50 centimes par personne, et 30 centimes pour le retour.
En juillet 1835, le bureau des omnibus Barreto et Delpaire de la Montagne de la Cour est transféré du numéro 91 au numéro 32.

Outre leur service d'omnibus et de réservation de places pour le train qui relie de Bruxelles à Malines, Barreto et Delpaire proposent également les services suivants:
* la location de voitures de 20, 30 ou 40 places;
* des excursions en train vers Malines, accompagné d'un dîner succulent avec une demi-bouteille de vin au Jardin de Coloma et ensuite le retour par le chemin de fer jusqu'à Bruxelles, et par les omnibus jusqu'à la place Royale pour le prix modique de 5 francs par personne;
* des excursions au Nieuw Molen, à l'endroit où l'on prend les bains, les dimanches et jours de fêtes excepté, par la rue de la Madeleine, la rue de la Colline, la Grand-Place, la rue de la Violette, la rue de l'Escalier et la rue Haute. Le départ est à 6 heures et le retour à 7 heures et demi. Le prix est de 50 centimes par personne.
* des excursions pour Boitsfort, les dimanches et jours de fête, au moyen de deux grandes voitures suspendues qui passent par la place Royale et la porte de Namur. Le départ de la première voiture est à 11 heures et celui de la seconde à 4 heures. Le retour de la première voiture est à midi et celui de la seconde à 8 heures. Le prix est de 1.50 francs par voyageur.
* des excursions en bateau à vapeur.

En 1838, Barreto et Delpaire déménagent leur bureau au numéro 14 de la place Royale. Ils développent leur service d'omnibus vers Boitsfort, qui circule tous les dimanches, lundis et jeudis durant la belle saison jusqu'en 1841. Le départ de Bruxelles est à 2 heures et le départ de Boitsfort est à 7 heures du soir. Le service d'omnibus en correspondance avec le chemin de fer se maintient quant à lui jusqu'en 1847.


La concurrence, sur la desserte du chemin de fer, apparait dès 1836 avec les services offerts par les omnibus "La Comète", La Bruxelloise" et "La Dame Blanche".

"La Comète" et "la Bruxelloise" desservent tous les deux la rue de l'Harmonie à partir du faubourg de Namur, par l'itinéraire suivant: boulevard de Waterloo, rue du Cerf, rue aux Laines, petit Sablon, rues de la Régence, de Bodenbroeck, grand Sablon, rue de Rollebeek, Steenporte, rue de l'Escalier, place Saint Jean, rues du Marais-Saint-Jean, des Eperonniers, Marché aux Herbes, Marché aux Trippes, rue des Fripiers, de l'Evêque, de Laeken, porte de Laeken, rue de l'Harmonie. Le bureau principal  de ces omnibus est établi Hôtel de la Régence, près du pont de fer. L'activité de ces omnibus cesse en 1846.


Quant à "La Dame Blanche" de l'entrepreneur M. d'Abremont, elle dessert la rue de l'Harmonie à partir de la Porte de Ham, en passant par les rues Haute, d'Or, de l'hôpital, la place Saint Jean, les rues de la Violette, de l'Etuve, du Lombard, le Marché aux Charbons, la Grand-Place, la rue au Beurre, le Marché aux Poulets et aux Poissons, les rues de la Vierge noire et de Laeken. Cette ligne se maintient, quant à elle, jusqu'en 1856.


Un nouveau concurrent apparait en 1837: il s'agit des omnibus tenus par M. Van Humbeek, rue du Marais Saint Jean. Sa première ligne, dit "l'Omnibus-Diligence", part du Lion Belge, sur la place de la Vieille Halle aux Blés, et passe par les rues du Marais Saint Jean, des Eperonniers, le Marché aux Herbes, les rues des Fripiers, de l'Evêque et de Laeken.

Sa seconde ligne, qui se nomme "Le Lézard", part de la rue des Alexiens, en passant par les rues du Bord de Verre, Terre-Neuve, la place des Wallons, les rues du poinçon, des Bogards, du jardin des Olives, courte rue Neuve, des Grands Carmes, le Marché aux Charbons, les rues de la Violette et des Chapeliers, la Grand-Place, les rues de la Colline, de la Montagne, d'Arenberg, des Dominicains, Léopold, Fossé aux Loups et Longue rue Neuve.

Ces deux services cessent tous les deux leur activité en 1856.




En janvier 1838, il est formé une société d'omnibus dits "Les Bruxelloises", qui a pour but d'exploiter non seulement la correspondance du chemin de fer, mais aussi,  celle de tous les faubourgs, depuis un point central de la ville, et ce à toute heure de la journée. Le directeur de cette société est M. Max Canonne.

On peut lire, dans "L'Indépendance Belge" du 13 mai 1838: "L'administration de la société des omnibus "Les Bruxelloises" a l'honneur d'informer le public qu'à dater du 12 mai 1838, il partira de deux heures en deux heures, depuis 7 heures du matin jusqu'à 9 heures du soir, des faubourgs de Schaerbeek, de Louvain, de Hal et de Flandre, des omnibus se dirigeant vers le centre de la ville (la Grand Place et la rue du Lombard) avec correspondance immédiate pour chacun de ses faubourgs.

Les départs ont lieu à la demi-heure de la rue du Lombard pour tous les faubourgs et à l'heure de tous les faubourgs pour la ville.


Les bureaux sont établis:
A Bruxelles, rue du Lombard, chez la Veuve Delavigne, au Grand Cygne
A Schaerbeek, place de la Reine, chez De Leemans
A Saint Josse ten Noode, chez De Coninck, Au Grand Cerf,
A Saint Gilles, chez Van Caeneghem, aux Trois Rois,
A Molenbeek, route de Gand, à l'Ancien Morian (actuellement Nieuwe Maegd van Gend), chez De Coster.

Prix des places:
D'un faubourg à la rue du Lombard et vice-versa, 25 centimes. Les personnes qui, arrivant au point central, voudront continuer dans une autre direction ne payeront que 10 centimes de supplément, pourvu toutefois qu'elles ne sortent pas de la ville.

Correspondance avec les autres omnibus de ladite société et pour les départs et les arrivées des convois par le chemin de fer."


Ce réseau forme d'omnibus, qui assure un départ toutes les heures est le premier à constituer un réseau de transport en commun, avec correspondance. 
Ce service se développe et propose, dès janvier 1839, un service vers Jette et Koekelberg. On peut ainsi lire, dans le journal "Le Belge" du 13 janvier 1839: "A dater du 20 janvier 1839, la société des omnibus "Les Bruxelloises" inaugure son nouveau service d'omnibus entre Jette Saint Pierre, Koekelberg et Bruxelles (et vice-versa), partant de Bruxelles au bureau central des omnibus, rue du Lombard n°14:
* le matin à 9 heures et demi
* l'après-midi à 13 heures et demi
* de Jette-Saint-Pierre le matin à 10 heures et demi
* du Pensionnat du Sacré Coeur l'après-midi à 4 heures et demi.
Prix des places: 1 franc par personne.

Les bagages et les marchandises sont également transportés au taux de 1 franc par kilogramme.

Bureaux à Bruxelles:
* Rue du Lombard n°14, où l'on délivre des abonnements.
* Rue Royale n°19
* Chaussée de Laeken n°52 (siège social de la société)
* A Molenbeek Saint Jean (route de Gand) à l'Ancien Morian et chez De Coster, près de la barrière.
Ce service n'apporte aucun changement au service des omnibus de ladite société pour la correspondance de et vers tous les faubourgs, ainsi qu'à celui des départs et des arrivées des convois par le chemin de fer."


Cette entreprise disparait dans le courant de l'année 1839. Sa disparition est suivie, en 1846, par celles de La Comète et de la Bruxelloise, ainsi que par des services proposés par les entrepreneurs Barreto et Delpaire ("Le Progrès" et "le Remorqueur".)


Dix ans plus tard, ce sont la "Dame Blanche", qui partait de la porte de Hal et les omnibus tenus par M. Van Humbeek, qui avait déménagé au 44 de la rue des Eperonniers, qui disparaissent à leur tour.

La desserte du chemin de fer est alors assurée par les omnibus tenus par M. Huens, rue Sainte Catherine 2. Ces omnibus desservent  les rues des Ursulines, des Alexiens, de Bavière, la Vieille Halle aux Blés, la rue des Eperonniers, le Marché aux Herbes, la rue des Fripiers, la place de la Monnaie, la rue Neuve et le chemin de fer.
Une autre ligne dessert la Grand-Place, les rues de la Colline, de la Montagne, d'Arenberg, les rues de l'Ecuyer, Léopold, Fossé aux Loups, la rue Neuve et le chemin de fer.


Cette société n'apparait pas être plus rentable que ces prédécesseurs. Elle disparait dès 1857. En 1858, il n'y a donc plus aucune société d'omnibus qui assure la correspondance avec le chemin de fer. La disparition de ces services coïncide avec l’établissement de plusieurs gares à Bruxelles. Il n’y avait, à nouveau, plus suffisamment de mouvements de voyageurs qui convergeaient vers un seul et même point.


Outre la correspondance avec le chemin de fer, il existait, à la même époque, des lignes vers Uccle, Anderlecht et Laeken dont nous parlerons dans un prochain article.

Bonne soirée,

Callisto

dimanche 10 février 2019

Une histoire d'impériale, de fenêtres mauresques et de supports de boites d'essieux ^^

"En y comprenant les voitures en service, celles en réparation et celles en réserve, il n'y a en tout que 23 voitures." écrit C.A. Opperman en 1873.

Et si c'était vrai? Et si les 3 dernières voitures commandées chez George Starbuck par William Morris n'avaient pas encore été livrées lorsque l'auteur du texte écrit ces lignes?

"Mais Callisto, voyons, il doit s'agir d'une coquille!", me direz-vous. Sauf qu'après réflexion,
coquille d'impression ou pas, on ne peut à priori pas exclure que certains véhicules soient arrivés à Bruxelles plusieurs mois (voire plusieurs années) après la mise en service de la ligne du Bois de la Cambre, faute de documentation à ce sujet.

Cette question mérite donc largement une enquête!


1ère opération: le mesurage. 

Les premières voitures avaient-elles les mêmes dimensions que les dernières? Il existe des photos des voitures 1 et 24, après leur transformation par les Tramways Bruxellois. Les fenêtres mauresques de la voiture 1 ont été remplacées par 4 grandes vitres "dormantes" (ce qui veut dire qu'on ne sait pas les ouvrir) et le véhicule été repeint dans la couleur verte adoptée par les Tramways Bruxellois. La chevaline 24 a, quant à elle,  "juste" été repeinte.

La date exacte de la prise des photos n'est pas connue. Cependant, comme on aperçoit la voiture 277 à gauche de la voiture 1 et que ce numéro a été attribué à l'une des voitures récupérées par les Tramways Bruxellois lors de la fusion avec les compagnies des frères Becquet (compagnie Brésilienne et Tramways d'Ixelles-Etterbeek), on peut considérer que la photo a été prise après 1880.

Pour en revenir aux photos, après mesurage des voitures, il apparait qu'elles sont de dimensions semblables. La variation, de l'ordre de quelques centimètres, étant imputable à l'imprécision du mesureur.






2ème opération: le jeu des 5 différences.

Celles-ci concernent notamment les fenêtres (mauresques sur les chevalines 7 et l'inconnue de la photo de 1874, mais en demi-cercle sur la chevaline 24), la forme de la rambarde de l'impériale, la fixation de celle-ci sur la caisse de la voiture, la toiture en elle-même ainsi que la position de la sonnette.

Maintenant est-ce dû à une extension de la commande initiale, aux travaux de transformations apportés aux chevalines 1 et 24 ou à une modification du “modèle” pendant la fabrication ou à une commande tardive? C'est évidemment difficile à dire. 




Cependant, la voiture n°1 de la Cork Tramways Company, également construite par Geo Starbuck, présente, sur une photo d'époque, des fenêtres en demi-cercle  ornées de motifs floraux (comme ceux de la chevaline 24), la même forme de balustrade et une fixation identique de l'impériale, avec une fixation au dessus de chaque fenêtre (au lieu d'une fixation par groupe de deux fenêtres, comme pour les chevalines 1, 7 et la "x" de la photo de 1874). A titre de repère temporel, le réseau de tramways hippomobiles de Cork a été inauguré et/ou mis en service le 12 septembre 1872. On présume que les voitures ont été commandées chez Starbuck quelques mois auparavant.

L'impériale et les fenêtres mauresques de la voiture n°1 de la Cork Tramways Company (c) R. Jones


On notera que les supports des boites d'essieux de la 1 que ceux de la 24 présentent une inscription visible (et lisible) sur les photos, qui indique "G. Starbuck - Birkenhead". Par contre, cette inscription n'apparait pas sur les supports des boites d'essieux de la chevaline 7. Ces pièces ne seraient donc pas d'époque, mais auraient été refaites ultérieurement, aux mêmes mesures.

De haut en bas: la chevaline 7, la chevaline qui se trouve sur la photo de 1874, les chevalines 1 et 24 (vers 1880)
et finalement, juste pour le fun, la remorque électrique 3, entre 1905 et 1909.
On notera que sur la remorque électrique 3 les tonnelets en caoutchouc assurant la suspension ont été remplacés par des ressorts.



Notons encore (car c'est hors sujet), qu'il semblerait que la police de caractère qui a été utilisée sur les flancs de la chevaline 7, pour indiquer l'inscription "Bruxelles" (photo du centre) soit, pour certains caractères, plus proche de celle qui se trouvait, à l'origine, sur la voiture Saint Michel de la compagnie Brésilienne (photo du dessus) que de celle que l'on aperçoit sur la photo de 1874 (photo du dessous).



3ème opération: la comparaison des horaires.

La question qui nous intéresse ici est de savoir de combien de voitures William Morris a besoin pour desservir sa ligne.

Précisons que les horaires d'avant 1872 que nous avons pu retrouver ne sont guère précis et ne mentionnent qu'une desserte toutes les 10 minutes.

Par contre, dès 1872, les horaires sont publiés dans l' "Almanach de Poche". On y lit, pour l'année 1872:

"Chemin de fer américain, de l'église Saint-Servais au Bois de la Cambre, par la chaussée de Haecht, la rue royale, la place des Palais, le boulevard du Régent, l'avenue de la Toison d'Or, la chaussée de Charleroi et l'avenue Louise.
Stations: Eglise Sainte Marie, colonne du Congrès, place Belliard, porte de Namur, chaussée de Charleroi et chaussée de Vleurgat.

Départs toutes les 10 minutes, du Bois, de 7 heures du matin à 9 heures 10 du soir. De la rue Teniers, de 8 heures du matin à 10 heures du soir.

Le prix des places est de 10 centimes en seconde place et de 15 en première. Le voyageur qui monte entre deux stations paiera de la dernière station. Le voyageur qui descend entre deux stations paiera jusqu'à la station suivante."


Compte tenu du fait que l'équipage a 10 minutes de pause en bout de ligne, on peut donc en déduire que le service commence et se termine au Bois, et que le la ligne entière se parcourt en 40 minutes environ (43 minutes même, pour être précis, si l'on en croit C.A. Opperman).


 
Si l'on en croit toujours C.A. Opperman, un changement d'horaire intervient en date du 18 octobre 1872, à savoir que la desserte de la ligne est renforcée entre midi et 6 heures du soir:

"En ce moment, et depuis le 18 octobre dernier, voici comment le service est organisé: la première voiture, qui commence le service, part du bois de la Cambre à sept heures du matin, et la dernière voiture en part à 9 heures 10 minutes. De Schaerbeek, la première voiture part à 8 heures du matin et la dernière à 10 heures du soir. Celle-ci rentre à 10 heures cinquante au Bois de la Cambre. Le service est alors terminé.
De 7 heures du matin à midi, les départs du bois de la Cambre ont lieu de dix minutes en dix minutes; de midi à 6 heures du soir ils ont lieu toutes les cinq minutes, et de 6 heures à 9 heures 10 minutes du soir ils n'ont plus lieu que toutes les dix minutes."


Cette augmentation des fréquences a pour conséquence qu'au lieu de faire circuler 9 voitures simultanément, il en faut 17 pour assurer le service. C.A. Opperman l'écrit ainsi: "Il en résulte que, quand les départs sont espacés de dix minutes, il n'y a que neuf voitures en service, et qu'il y en a dix-sept en marche quand les départs ne sont plus espacés que de cinq minutes.


Autrement dit, si l'on se fie aux horaires uniquement, avant 1872, une douzaine de voitures doit suffire à l'exploitation de la ligne. Devoir disposer d'un nombre plus important de voiture se justifie, en octobre 1872, par l'augmentation des fréquences.


Les horaires en vigueur depuis le 18 octobre 1872 restent quasi-inchangés en 1873 et 1874 comme l'en atteste cet horaire valable au 1er avril 1874.




En résumé...

Nous avons vu que le tramway hippomobile n°24 des Voies Ferrées Belges présentait un aspect extérieur différent des autres véhicules de la compagnie Morris dont des photos nous sont parvenues (1, 7 et la chevaline inconnue de la photo de 1874), mais assez proche de celui d'une autre voiture produite par la firme Starbuck en 1872. De plus, la desserte de la ligne aux 10 minutes, avant le 18 octobre 1872, ne nécessitait probablement pas d'avoir 26 voitures. On peut donc se poser la question de savoir s'il était bien raisonnable de commander 26 chevalines dès le début de l'exploitation, alors que personne ne pouvait prédire le succès que la ligne allait avoir, ni la viabilité de celle-ci.

On ajoutera que, selon une liste de créances établie le 13 novembre 1872, dans le cadre de la faillite de la Geo Starbuck & Co Ltd et sa reprise par la Starbuck Car and Wagon Company, on retrouve une dette de £2.070 due par William Morris, suite à la commande de 12 voitures à impériales. Le document ne mentionne malheureusement que le nom de William Morris, et non celui du réseau auquel il était destiné (qui pourrait donc ne pas être Bruxelles).

Bien qu'il ne soit pas (malheureusement) pas possible de vérifier plus amplement les informations développées ci-avant, en les recoupant avec d'autres documents, on ne peut pas exclure que les dernières voitures des Voies Ferrées Belges aient été livrées à la fin de l'année 1872, voire même encore plus tardivement.

jeudi 7 février 2019

Projet de chemin de fer métropolitain, Bruxelles, 1896 ^^


Je vous propose de découvrir ce soir trois extraits issus d'anciens journaux et qui ont tous comme objet un projet de chemin de fer métropolitain qui, entre autre, relierait les gares du Nord et du Midi.

Ne vous étonnez pas, lors de votre lecture de découvrir des informations divergentes. Le prix du ticket passe ainsi de 10 centimes (classe unique) à 20 centimes en seconde classe et 30 centimes en première classe, et cela à deux mois d'intervalle.

Ne vous étonnez pas non plus que ce projet ait fait l'objet de réticences de la part des commerçants et des propriétaires riverains, inquiets d'une éventuelle dévaluation de leurs biens immobiliers.

Bonne lecture!


Extrait #1, issu du journal "Le Vingtième Siècle" du 7 février 1896:

"Nous sommes en mesure de donner aujourd’hui des renseignements précis et détaillés sur le vaste projet de chemin de fer métropolitain dans l’agglomération bruxelloise.

Il ne s’agit pas seulement d’établir un chemin de fer métropolitain mais de résoudre définitivement la question de l’aménagement des gares du Nord et du Midi et le raccordement des lignes qui aboutissent à la capitale.
A Schaerbeek et à Forest, il y a aura deux grandes gares de formation. La gare du Nord sera reliée directement à celle du Midi par six voies souterraines. La traction se fera à l’électricité sur deux de ces voies et à la vapeur sur les quatre autres.
Les gares du Nord et du Midi deviendront ainsi des gares de passages, tous les rebroussements seront supprimés. Une gare centrale sera établie au milieu de la Ville.
Il en résulte que tous les voyageurs, y compris ceux des trains internationaux, pourront être amenés au centre même de Bruxelles.

Pour le service de l’agglomération bruxelloise, un chemin de fer métropolitain de ceinture complète sera établi. La traction s’y fera à l’électricité.
Ce chemin de fer ne sera pas souterrain, mais il sera raccordé par deux voies souterraine à la gare centrale de Bruxelles.
Les habitants d’un point quelconque de l’agglomération pourront, moyennant 10 centimes (prix unique) se faire transporter de leur domicile au centre de Bruxelles ou à tout autre point.

L’ensemble de cette disposition est inspiré de l’organisation de Berlin. Le coût de ces énormes travaux est estimé à 70 millions de francs.
Les installations suffiront pour amener à Bruxelles 300.000 voyageurs par jour, sans qu’il y ait aucun encombrement.
L’établissement des lignes métropolitaines entre dans la dépense totale pour une somme de 30 millions de francs.
On estime que le mouvement sur ces lignes sera au minimum de 40 millions de voyageurs par an, ce qui correspond à une recette de 4 millions. En supposant que les frais d’exploitation s’élèvent à 2 millions, il reste 2 millions pour servir l’intérêt et l’amortissement des capitaux engagés, ce qui est largement suffisant, et laisse même une grande marge à l’imprévu dans l’évaluation des recettes ou des dépenses."


Extrait #2, issu du journal "L'Indépendance Belge" du 21 mars 1896:

"Le projet d’un chemin de fer souterrain à établir à Bruxelles, sous les boulevards du Centre, a provoqué de nombreuses protestations de la part des habitants et commerçants d cet important quartier de la Ville. Voici la pétition qui a été adressée au collège échevinal :

Messieurs,

Il parait qu’il est question de faire à Bruxelles un chemin de fer souterrain.
Nous venons appeler toute votre attention sur les graves inconvénients que semblable travail aurait pour le commerce de la capitale.

Bruxelles n’a pas une grande circulation. Cependant, le boulevard central et la rue du Midi commencent à prendre de la vie. Si l’on enlève, pour le mettre sous terre, le mouvement des piétons, que deviendront notre commerce et la valeur de nos propriétés ?
Pour les étrangers qui arrivent à Bruxelles, il est bien égal de débarquer à la gare du Nord ou à la gare du Midi, au lieu d’être transporté à une station centrale.  Il faudra tout de même que de là, ils se rendent aux hôtels.
Pour les voyageurs de Bruxelles qui se rendent aux gares, il est bien indifférent aussi d’aller au Nord ou au Midi, ou à une station centrale, pour prendre leur train.
Quant au mouvement des piétons, il est desservi par des trams et des omnibus. Il faut laisser ce mouvement à la surface, parce qu’il fait vivre les commerçants.
Les voyageurs venant de Hollande et allant en France sont transportés par la ligne de ceinture et ce n’est pas cinq minutes de parcours qui peuvent justifier une grosse dépense comme celle qu’il s’agit de faire et le dommage qui en résultera pour le commerce de la capitale.

Nous espérons donc, Monsieur le Bourgmestre, que vous prendrez énergiquement en main nos intérêts gravement menacés par un projet très beau, sans doute, sur le papier mais qui n’a d’intérêt pour personne.

Cette pétition est signée de 2.600 signatures recueillies parmi les habitants des boulevards Anspach, du Nord et du Hainaut, rue du Midi et rue Neuve."


Extrait #3, issu du "Journal de Bruxelles" paru en date du 10 avril 1896:

"Le métropolitain consisterait en un chemin de fer électrique souterrain.
Comme la topographie de notre ville se caractérise surtout par l’extrême inégalité de son sol, aucune communication entre le haut et le bas de la ville ne saurait être aussi rapide que le chemin de fer électrique souterrain qui ferait le tour complet de la ville en 15 minutes.
Ce chemin de fer circulerait dans un double tunnel en fer, creusé à une profondeur de 25 à 30 mètres et bien éclairé, où les collisions seraient impossibles, chacun des tunnels étant entièrement indépendant de l’autre. Il y aurait de nombreuses stations.
Les départs se feraient à 2 minutes ½ d’intervalle, de 6 heures du matin à minuit. On pourrait, au besoin, augmenter le nombre des trains et, en cas d’influence, les faire suivre à une minute d’intervalle. Le prix du parcours serait de 20 centimes en seconde classe et de 30 centimes en première classe."