mercredi 20 juin 2018

Loi réglant le transport des émigrants, 14 décembre 1876 ^^


La loi réglant le transport des émigrants du 14 décembre 1876

L'émigration vers le Nouveau Monde revêtait, au 19ème siècle, des aspects variés qui ont nécessité l'intervention du législateur.

Le phénomène social de base, c'est-à-dire l'émigration en elle-même, était naturel : beaucoup d'habitants de la vieille Europe, écrasés par les circonstances économiques ici et attirés par l'espoir de conditions de vie meilleures là-bas, émigraient en vue de s'assurer pour eux-mêmes et pour leurs familles un avenir stable et heureux.

Mais sur ce phénomène naturel s'était tôt greffée une industrie, un commerce un peu spécial : des agences commerciales pour recruter des émigrants, pour assurer leur transport, se créaient et fonctionnaient.

Ce transport des émigrants n'était pas un commerce ordinaire : les abus de la part des agents d'émigration n'étaient pas imaginaires. Aussi des considérations d'humanité commandaient de ne pas abandonner ce commerce spécial à la liberté absolue des conventions.

De là l'intervention du législateur belge qui, par une loi du 14 décembre 1876, a réglé le transport des émigrants.

En vertu de cette loi, les agences d'émigration ne peuvent s'adonner à des opérations d'engagement ou de transport des émigrants sans l'autorisation du Ministre des Affaires Étrangères.


A la même date du 14 décembre 1876, le législateur adopté également un règlement sur le transport des émigrants, qui décrit plus en détail les devoirs et obligations des transporteurs. On peut notamment y lire :

Expéditeurs d’émigrants

L’autorisation d’entreprendre des opérations d’engagement ou de transport d’émigrants est accordée par notre ministre des affaires étrangères. L’autorisation est toujours révocable en cas d’abus graves.

Devoirs et obligations des expéditeurs

Est réputé émigrant tout passager qui n’est pas nourri à la table du capitaine ou des officiers de bord et qui paie pour le prix de son passage, nourriture comprise, une somme de moins de 30 francs par semaine pour les navires à voile et de moins de 50 francs pour les navires à vapeur.

L’expéditeur est tenu de transporter les émigrants, ainsi que leurs effets et bagages, jusqu’au lieu de destination, et de pourvoir jusque-là à leur logement et à leur entretien.

L’expéditeur est tenu de délivrer à tout émigrant un contrat dument signé constant :
•    Les nom et prénoms, l’âge, la profession, la nationalité et le dernier domicile de l’émigrant ;
•    Le lieu où il doit être transporté ;
•    Le montant des frais de passage payé par l’émigrant ;
•    Le nom du navire et l’endroit où il est mouillé ;
•    Le nom du capitaine ;
•    La date du départ et l’heure à laquelle l’émigrant devra embarquer ;
•    L’espace du à l’émigrant pour le placement de ses bagages à bord ;
•    Les tableaux d’alimentation du jour et de la semaine ;
•    Le prix des objets de couchage.


Installations à bord

Tout navire embarquant doit être muni d’une grande chaloupe et d’un à trois canots en fonction du nombre de passagers embarqués. La chaloupe et les canots doivent être agréés quant à leur capacité, leur bon état de navigabilité et leur équipement complet.

Les couchettes sont prévues pour une à quatre personnes. Elles seront faites en bois ou en fer, et à claire-voie, et devront pouvoir être relevées contre les parois du navire. Elles porteront un numéro d’ordre peint en noir.

Les objets de couchage des émigrants doivent être propres et en bon état. La paille sera nouvelle et bien sèche. Ces objets sont journellement, lorsque le temps le permet, exposés à l’air sur le pont.

Il doit y avoir une infirmerie sur tout navire spécialement affecté à l’émigration, séparée par une cloison des autres logements. Il y a aura à bord de tout navire transportant 125 émigrants ou plus, un médecin chargé de leur donner des soins.

Les femmes voyageant seules sont réunies dans un local séparé. L’accès de ce logement est rigoureusement interdit, pendant le voyage, à toute personne de sexe masculin.
Les émigrants sont répartis dans les entre-ponts, comme suit :
•    Les hommes seuls à l’avant ;
•    Les familles au milieu ;
•    Les femmes seules à l’arrière.
Ces locaux sont séparés par des cloisons convenables, pourvues de serrures.

Les navires doivent avoir au moins deux ventilateurs pour l’aérage du logement des passagers, ainsi que, sur le pont et sur l’avant, au moins deux cabinets d’aisance destinés à l’usage des passagers.

L’espace alloué par émigrant adulte qui embarque en Belgique est fixé à un mètre carré de superficie. Deux enfants de moins de 14 ans comptent pour un passager adulte.


Service médical

Le personnel du service médical des émigrants se compose d’un médecin principal et d’un médecin adjoint, nommés sur proposition du ministre des affaires étrangères.

Le médecin ou son adjoint prescrit les médicaments nécessaires pour la durée du voyage. Il s’assure qu’ils sont de bonne qualité et tels qu’il les a prescrits. Il exige que la caisse à médicaments contienne une instruction sur l’emploi de chacun d’eux. S’il y a une pharmacie à bord, il en fait l’inspection. Il fait la visite de tous les émigrants après que leur chargement soit terminé.

Il est interdit d’embarquer tout émigrant ou passager gravement malade ou présentant des symptômes de maladie contagieuse.

Tout émigrant empêché de partir pour cause de maladie conserve, après rétablissement, le droit d’être transporté à destination aux prix et clauses du contrat.


Provisions de voyage

La ration entière d’un passager est fixée comme suit, par semaine, en comptant pour un adulte deux enfants d’un an à 10 ans révolus.
Pommes de terre :          2 kilos 500 grammes
Biscuits :                        2 kilos 500 grammes
Orge ou farine d’orge :    500 grammes
Farine :                          750 grammes
Pois et fèves :                 750 grammes
Riz :                               500 grammes
Lard salé :                      500 grammes
Bœuf salé ou frais :         750 grammes
Beurre :                          250 grammes
Cassonade :                  150 grammes
Pruneaux ou fruits secs :  125 grammes
Choucroute :                   125 grammes
Stockfisch ou morue :      125 grammes
Vinaigre :                        20 centilitres
Harengs salés ou fumés : 2 pièces
Café :                             70 grammes
Chicorée :                       50 grammes
Sirop :                            50 grammes
Fromage de Hollande :     50 grammes
Sel :                               50 grammes
Thé :                              15 grammes
Poivre :                           7 grammes
Pain frais au départ, 1 kilo par ration d’adulte.

La commission d’expertise détermine, selon les saisons, les quantités de légumes frais et d’oignons à approvisionner au titre de complément de vivres.
Le médecin fixe la quantité d’extrait de Liebig, de lait condensé et de sagou à embarquer pour le service des malades. Il est, en outre, embarqué 20 bouteilles de vin de Bordeaux par cent passagers.

La quantité d’eau douce est fixée à trois litres par jour pour chaque passager. L’eau douce est contenue des futailles ou barriques de la capacité de 300 à 800 litres, propres, solides et bien confectionnées.


Je vous rajouter les annexes de la loi et du règlement de transport, qui présente deux contrats-type: le premier pour les transports en ligne directe et le second pour les transports "indirects" (autrement dit, avec correspondance).
Ces documents ont été publiés au Moniteur belge le 22 décembre 1876 en même temps que la loi et le règlement de transport.









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