Omer nous raconte:
Le 1.10.1895, j'entrais au bureau de la comptabilité des Ateliers Métallurgiques de Tubize, ma commune natale, que j'habitais. J'avais 18 ans.
Le bureau de comptabilité avait été créé vers 1850 en même temps que l'usine pour la construction des locomotives. Par la suite, la Société construisit les Ateliers de Nivelles pour les voitures et ceux de la Sambre pour les wagons. A partir de ce moment, une comptabilité centrale fut établie à Bruxelles et celle de Tubize y fut transférée. Le bureau le Tubize devint un secrétariat technique avec un comptable comme chef, vestige du passé. Le bureau comprenait trois anciens employés totalisant 150 ans d'âge environ. Chose à noter en passant: trois enragés fumeurs tirant la pipe, fumant le cigare, chiquant de temps en temps, le bureau devenant, chaque jour, une véritable tabagie. Je ne fumais pas à mon entrée, encore moins à mon départ, le parfum me suffisait. Le comptable. M. Léon VANHAM puisque la comptabilité existait toujours, payait, mensuellement les appointements du personnel employé et tous les 15 jours les salaires des 600 ouvriers; les fournisseurs locaux; d'autres paiements aux facteurs en tournée. Tous les autres paiements étaient effectués par Bruxelles.
Le correspondant, M. Joseph DUMOULIN passait toutes les commandes et suivait la correspondance avec les clients et les fournisseurs Le 3ème employé. M. Florent DEMARET établissait les devis demandés par les clients et le prix de revient du matériel terminé. Il tenait à jour les livres et les documents nécessaires à l'établissement des travaux précédents. De plus, il copiait et expédiait le courrier. Il s'occupait aussi du classement, Je ne sais plus qui vérifiait les factures, mais les erreurs étaient signalées aux fournisseurs par M. VANHAM.
Voilà le premier jour de ma vie de bureau. J'avais un chef et une sonnette. Sous ces rapports, j'ai été dressé. J'étais entré sans salaire, comme c'était d'usage à cette époque. Il fallait d'abord faire son apprentissage. La Direction de Bruxelles, m'a dit mon chef, n'avait pas autorisé la Direction de l'usine à engager un employé. La vraie raison c'était de ne pas payer quelqu'un. J'étais donc là, temporairement mais ce provisoire a duré 3 ans et 8 mois. Les heures de bureau étaient de 8 h. à midi et de 1 heure et demi à 6h du soir. Les ouvriers travaillaient de 7h. à 6h. du soir avec une heure de liberté à midi. Nous sommes bien loin de la journée de 8 heures. Elle ne fut d'ailleurs établie que 25 ans plus tard et en conséquence de la guerre mondiale.
J'habitais à dix minutes à peine du bureau. J'arrivais avant l'heure et j'étais toujours le premier. DEMARET suivait, puis VANHAM, que le Directeur attendait, dès 8 h. dans son bureau, et vers 8h20 DUMOULIN. Cette habitude d'arriver avant l'heure, je l'ai conservée pendant toute ma carrière 44 ans durant. On me confia d'abord le classement, puis la copie du courrier, la mise sous pli, l'affranchissement et l'expédition. Je ne devais pas porter le courrier à la poste qui restait ouverte jusqu'à 7h. Cette besogne était confiée de tout temps à un ouvrier du magasin.
Mais j'avais une chose bien plus importante à faire: soigner le poêle. Bien entendu, le poêle était allumé à mon arrivée et le charbon à pied d'œuvre. Au début, il m'est arrivé souvent de le laisser s’éteindre. J'entendais le gémissement des 3 collègues. Je n'avais pas de bois pour le rallumer Je devais courir en chercher à la menuiserie au fond de l'atelier. Il fallait, en allant vite, dix minutes aller et retour Mais je trainais, tout était nouveau pour moi. Je ne me rendais pas compte de l'heure et je rentrai les premières fois après trente ou quarante minutes d'absence. Ce n'était pas rigolo à mon retour. Je ne tardais pas à m'organiser pour que la besogne devienne automatique et régulière. Pendant les 4 hivers, le thermomètre fut toujours à la hausse ce qui faisait la joie de mes trois vieux et estimés collègues. Au début, le classement du courrier me passionnait. Je lisais avidement la correspondance quotidienne et même l'ancienne quand j'avais le temps. Tout m'intéressait, la lime de l'ajusteur, comme le tour du tourneur.
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