samedi 18 août 2018

ASVi (Association pour la Sauvegarde du Vicinal), Thuin, 15 août 2018 ^^

Voici quelques photos prises ce mercredi 15 août, lors du "Festival" organisé par l'association pour la Sauvegarde du Vicinal (ASVi, en abrégé) à Thuin.

Thuin est une ville de la province du Hainaut, située au confluent de la Sambre (photo ci-dessous) et de la Biesmelle. Grosso-modo, nous sommes ici à une soixantaine de kilomètres au sud de Bruxelles.



La principale attraction de ce Festival est la locomotive de tramway HL303, fraîchement rénovée.

Locomotive de tramway HL303, construite aux Ateliers Métallurgiques de Tubize en 1888.


Voici quelques clichés pris dans et autour du Musée. On admire (notamment) le magnifique poteau d'arrêt sur la photo ci-dessous.

Motrice électrique S.9974, construite dans les ateliers de la SNCV en 1958.


Wagon-échelle Bovy-Pipe, construit en 1947.


Remorque A.1853 construite aux Ateliers de Malines en 1891.


Dans le cadre du Festival, une circulation intensive était organisée, avec des départs toutes les 10 minutes. Nous voyons ci-dessous quelques clichés pris sur la ligne de Lobbes, qui est exploitée en traction électrique.

Lobbes Entreville, où stationne la motrice électrique 9924,
construite aux Ateliers de la Dyle (Louvain) en 1931.


Lobbes Pont du Nord, où la motrice électrique 9924 tracte la remorque A.1936 construit à Seneffe en 1908.
La motrice électrique A.9288, construite en 1908 aux Ateliers Franco-Belges, ferme le convoi.


Et maintenant, une très belle découverte: la remorque A.2026, construite en 1904 par les Ateliers Franco-Belges à La Croyère, et son compartiment à bagages, doté d'un poêle, d'une trousse de secours et d'un "coin bureau" utilisé par le receveur.









On notera que dans la remorque A.1590 (qui elle n'a pas de compartiment à bagages et est plus ancienne: elle a été construite en 1893 dans les Ateliers de la Métallurgique à Nivelles), il y a un compartiment de 1ère classe doté de coussins rouges.



Nous continuons notre voyage sur la seconde ligne exploitée par l'ASVi, qui relie Thuin à Biesme-sous-Thuin, exploitée par un autorail diesel.

L'ART.300 est un autorail-tracteur de 1947. Il est ici en tête du convoi formé par les
remorques A.2026 et A.1590.


Une dernière photo "pour le plaisir", avec cette magnifique lampe "rouge".
 



Le "Festival" continue ce weekend (18 et 19 août), n'hésitez pas à aller y faire un tour si le coeur vous en dit!

Bravo et merci à tou.te.s les bénévoles de l'ASVI: ce fut une super chouette sortie.

Bon weekend,

Callisto

jeudi 16 août 2018

Cortège historique des moyens de transport des dimanches 16 et 23 août 1885 ^^

Ce cortège a été organisé dans le cadre du 50ème anniversaire de la création des chemins de fer. Il était également le point d’orgue des fêtes nationales de 1885. Avant 1890 la fête nationale ne se célébrait pas le 21 juillet, mais le 3ème dimanche du mois d’août, ainsi que les lundi et mardi suivants. C’étaient les "fêtes nationales".

En tête du cortège, on retrouvait "La Fortune", une figure allégorique qui se tient debout sur sa roue, entourée de cavaliers et précédée d’un corps de musique. Chaque "tableau" est composé de figurants et de musiciens. "La Fortune" était suivie par l’étendard de la Bourse des Métaux, les cavaliers Nerviens et leur char à bœufs. Suivaient ensuite les chars de l’époque romaine et de l’époque mérovingienne. Les transports par voie d’eau étaient également représentés à l’aide d’un radeau. Le tableau suivant était celui des Croisades et du Moyen-Âge. Le voyage dans le temps se poursuivait avec l’évocation de Charles-Quint, des villes libres de la Hanse, des archiducs Albert et Isabelle ainsi que de Marie-Thérèse d’Autriche.

Le dernier tableau était celui de l’époque moderne, avec les premières diligences, les malles-poste et les berlines de la messagerie du roi Guillaume des Pays-Bas, ainsi que le premier train "véritable" qui a inauguré le service des chemins de fer en 1835. La locomotive "Le Belge" était une reproduction en bois et en métal, spécialement reconstruite à cette occasion dans les ateliers de Malines de l’Administration des Chemins de Fer. Le char de l’apothéose, tiré par 16 chevaux, représentait une reproduction de la plus grande locomotive conçue par la Société du Grand Central Belge.

La chevaline 7 circulait dans la file de véhicules qui suivait le train inaugural de la première ligne de chemin de fer belge, remorqué par une locomotive de tramway du « Liège-Seraing ». 

On devine la chevaline 7, tout à l'arrière plan, sous la flèche rouge, sur cette gravure issue
de l'hebdomadaire "Le Monde Illustré" paru en date du 29 août 1885 - (c) www.gallica.fr


Ce cortège de 500 figurants, 350 chevaux et plus de 60 véhicules, se formait derrière l’église Sainte-Marie, sur la chaussée de Haecht. Il s’élançait vers 12h30 en direction de la rue Royale et passait ensuite devant le Palais Royal, où le Roi Léopold II, la Reine et la Princesse Clémentine assistaient au défilé depuis le balcon du palais.

Le cortège continuait ensuite son parcours selon l’itinéraire suivant : rue Ducale, place du Trône, boulevards du Régent et de Waterloo, jusqu'à la porte de Hal, où il un certain temps d'arrêt était prévu afin de permettre au personnel du cortège de se substanter un peu et de se reposer.

Tout le trajet sur les boulevards empruntaient la partie intérieure de cette voie de communication. Le char des Chemins de fer, de par sa taille qui ne lui permettait pas de passer sous les arbres bourdant les boulevards, se séparait du cortège à la place du Trône et prenait les avenues de Marnix et de la Toison d'Or pour revenir occuper sa position à la porte de Hal.

Après un repos d'une demi-heure, le cortège se remettait en marche par les boulevards du Midi, du Hainaut et Anspach, place De Brouckère, boulevard du Nord, la place des Nations devenue place Rogier, rue de Brabant, place Liedts, rue Gallait, rue Rubens, rue Renkin, rue Royale Sainte-Marie, rue Otto Venius (aujourd’hui, rue François Degreef). L’horaire mentionné dans le programme prévoyait le départ du cortège aux environs de midi et le retour vers 17h.


Les Tramways Bruxellois avaient participé activement à la réussite de cet événement en mettant à disposition des organisateurs leurs voies, leur dépôt de Schaerbeek, leur matériel et leurs chevaux.

On notera que les figurantes du cortège étaient les lauréates d’un concours de beauté organisé spécialement pour l’occasion, que les voitures de tramway n'eurent pas beaucoup de succès, car encore trop connues pour cette époque et qu’un second cortège fut également organisé le dimanche suivant, soit le 23 août 1885.

De plus, le cortège (qui avait coûté plus de 200.000 francs de l'époque) était accompagné d'un congrès et d'un banquet de 600 couverts.


Une fois les cortèges terminés, les chars et les costumes furent mis en vente aux enchères. Cette vente n'eut pas beaucoup de succès, comme on peut le lire dans le journal "L'Indépendance Belge" du 17 septembre 1885:
"L'affluence considérable de monde qui a défilé, dimanche et lundi, dans l'exposition du Palais du Midi, avait fait présager que les amateurs seraient nombreux à la vente et que les costumes, sinon les chars, seraient adjugés à des prix convenables.
Le prix d'entrée dans le Palais du Midi, pendant les deux jours d'exposition, était de 10 centimes. On a ainsi réalisé une recette de 400 francs.
Mardi, jour de vente, l'affluence est peu nombreuse. Presque chaque lot est adjugé avec enchères décroissantes. Deux ou trois personnes seulement se disputent les lots. Par exemple, le char nervien a été adjugé pour 100 francs, soit au dixième de sa valeur. L'ensemble de la journée n'a produit que 7.100 francs: 4.700 francs pour les costumes et 2.400 francs pour les chars."


Pour de plus amples informations, vous pouvez consulter le programme de ces cortèges ainsi que le livre-souvenir publié en 1886.

Bonne soirée,

Callisto

samedi 11 août 2018

L'Affaire Philippart - Procès pour prévention d’escroquerie lors de l'émission des actions des Tramways Bruxellois - 1877 (7/7) ^^

L'Affaire Philippart - Procès pour prévention d’escroquerie lors de l'émission des actions des Tramways Bruxellois - 1877 (7/7)

LE PROCÈS - AUDIENCE DU 11 AOÛT – ACQUITTEMENT

« Attendu qu’il est établi par l’instruction que, pour la confection du prospectus lancé dans le public pour la souscription aux actions des Tramways Bruxellois, le prévenu a fourni les lignes générales de l’opération, qu’il a indiqué notamment les chiffres de 1.800.000 francs de recette brutes et les 660.000 francs de recettes nettes ;

Attendu que le prévenu a pu d’après les données qui lui avaient été fournies et les renseignements dont il s’était entouré, avancer, sans être de mauvaise foi, que telles étaient, au moment de la souscription, les recettes qu’avec une marche normale pouvaient produire les tramways apportés à la nouvelle société;

Attendu, il est vrai, qu’à la lecture du prospectus incriminé, on a pu être induit en erreur et à cet égard et considérer la recette renseignée comme ayant été réellement encaissée en 1874 ;

Attendu qu’il en est de même des autres énonciations du prospectus relevées par la prévention en ce qui touche d’une part, le capital de 3 millions représenté à tort comme entièrement versé sur les actions ordinaires, et d’autre part, le caractère de l’action privilégiée représentée comme une véritable obligation ;

Attendu que, de ces chefs, une responsabilité peut incomber au prévenu, cette responsabilité ne saurait être pénale ;

Attendu, en effet, qu’il est établi que le prévenu n’a point rédigé le prospectus et qu’il n’est pas suffisamment prouvé qu’il ait en quelque matière coopéré à sa rédaction en ce qu’elle a de fallacieux, ni qu’il ait participé à la publication de la pièce incriminée telle qu’elle a été mise en circulation dans le public ;

Par ces motifs,

Renvoie le prévenu des fins de la poursuite sans frais.

Signé : Khnopff, président, Stinglhamber et de Foullon, juges, Lambert, greffier.
»


Un dernier petit mot sur Simon Philippart. Après s’être relevé de sa faillite, prononcée le 13 janvier 1877 à Bruxelles, Philippart fonde la banque Européenne. Son entreprise n'aura pas plus de succès que les précédentes, et il disparaitra du jour au lendemain (à Bucarest). Il passera les 10 dernières années de sa vie à erreur entre les pays de l'Est, Paris et Bruxelles, seul (car il avait fini par se disputer avec tout le monde, y compris avec sa femme, dont il était séparé, et avec ses enfants) et sans le sou.

On notera que ses anciens alliés ne se gênèrent pas pour profiter de ses déboires financiers (notamment le banquier Rodolphe Coumont, qui rachète les Tramways Bruxellois et la Métallurgique, deux des rares sociétés fondées par Philippart à ne pas avoir fait faillite).

jeudi 9 août 2018

L'Affaire Philippart - Procès pour prévention d’escroquerie lors de l'émission des actions des Tramways Bruxellois - 1877 (6/7) ^^

L'Affaire Philippart - Procès pour prévention d’escroquerie lors de l'émission des actions des Tramways Bruxellois - 1877 (6/7)

LE PROCÈS - AUDIENCE DU 9 AOÛT

M. Janssens, Substitut du Procureur du Roi. Messieurs, s’il n’avait été question en cette affaire que de questions techniques, j’aurais produit ici des témoins plus compétents. Mais le parquet a toujours considéré ce procès comme une question d’appréciation, de bonne foi, de probité, dont l’appréciation est facile.
Voici mon système. Je crois que Philippart a racheté le réseau Vaucamps dans la pensée qu’il y avait 480.000 francs de bénéfices nets acquis en 1874. Il a négocié sous bénéfice de vérification et voulait traiter avec la Banque Belge pour la reprise de l’affaire. Ayant acquis la certitude que le réseau Vaucamps ne produirait pas ce chiffre de recettes, il n’a pas instruit la Banque Belge et ne lui a pas moins endossé l’affaire des Tramways. De là sa participation à la rédaction de la notice incriminée.

Nous avons à examiner quatre points :
1° Les faits convenus dans la notice sont-ils faux ?
2° Philippart a-t-il pris part à la rédaction du prospectus ?
3° Était-il de bonne foi ?
4° A-t-il tenté d’obtenir des souscriptions en publiant des faits mensongers ?

Nous soutenons d’abord que les chiffres sont mensongers et groupés d’une manière perfide. On ne faisait pas 1.800.000 francs de recettes brutes. Il n’y avait pas 3.000.000 de bénéfices. On a tâché de causer chez le public une confusion entre l’obligation et l’action privilégiée.

Y avait-il 1.800.000 francs de recettes brutes et 600.000 francs de bénéfice ? Oui, dans le système de Philippart, qui estimait que l’affaire des Tramways marcherait sur le pied de ces chiffres de bénéfices. Mais l’accusation soutient que Philippart a profité de l’espèce de charade qui se trouve dans la notice pour abuser le public sur la réalité de choses.

Voyons d’abord ce qui concerne l’intervention de Dansaert et Moselli. Philippart voulait que l’affaire produisît un bénéfice net de 40.000 francs par mois pour conclure son marché avec Vaucamps. Il en a écrit à M. l’avocat Joris, son conseil. Il voulait que le revenu fût de 450.000 francs, c’est-à-dire 5 p.c. sur le capital. A cette condition, l’acquéreur consentait le réseau 8 millions.
Vaucamps montra d’abord d’autres exigences, mais plus tard il consentit à une vérification de son matériel sur ses livres pour établir la situation à la fin de l’année 1874. C’est dans ces conditions que M. Joris a établi les préliminaires de la négociation et donné à Philippart un avis pour lequel il n’avait du reste aucune compétence technique. Philippart le reconnaît.
Dans la première entrevue entre les parties, il y a eu un malentendu entre les parties. Philippart croyait à 180.000 francs acquis en 1874. D’après beaucoup, il s’agissait de 180.000 francs qui auraient pu être acquis. Il n’y a pas eu de marchandage.

Le 30 novembre, Philippart dit au Conseil d’Administration de la Banque Belge que l’affaire des Tramways donne un bénéfice sûr de 660.000 francs par an. Le témoin Van Meerbeeck en a déposé. Le témoin de Laveleye déclare de son côté que Philippart lui a donné les chiffres pour la notice comme étant ceux de 1874.

Maître Ed. Picard : La citation n’est pas complète. M. de Laveleye est revenu sur ses déclarations.
M. le Substitut : Je le sais parfaitement. Bien d’autres se sont rétractés quand ils ont eu le mot d’ordre. Mais je recherche l’opinion des témoins alors qu’ils agissaient d’une façon spontanée.

Le Conseil d’Administration de la Banque Belge a cru d’abord que le chiffre de 1.800.000 francs de recettes était acquis et non pas qu’il était possible.
Vient la vérification du tramway Vaucamps par M. l’ingénieur Marsillon. Celui-ci déclare qu’il n’a pas fait de rapport parce que les parties étaient à Bruxelles et qu’il pouvait leur faire verbalement ses communications. M. Vaucamps a refusé de montrer ses livres de compte à M. Marsillon, qui a pris ailleurs ses informations. C’est dans ces conditions qu’a eu lieu aux Bassins Houillers le débat préliminaire entre Vaucamps et Marsillon et que Vaucamps a diminué son prix de 300.000 francs. M. Marsillon n’a reçu aucun honoraire pour son intervention dans la reprise des tramways Morris et Vaucamps.


Le réquisitoire de M. le Substitut est interrompu par l’audition de M. Coumont qui n’a pas encore pu être entendu.

M. Coumont
, banquier à Bruxelles déclare qu’une discussion a eu lieu entre MM. Philippart, Joris et lui à propos de l’apport de 480.000 francs fait par M. Philippart pour améliorer le matériel, disait-il, et grossir le dividende. M. Coumont ayant objecté que cela était impossible, M. Philippart a répondu que cet apport servirait à combler un manquant, à parer une insuffisance de recettes.
M. le Substitut : Dans votre pensée, ne s’agissait-il pas au fond d’un dividende ?
M. Philippart : Dans ma pensée, et j’ai dû le dire, cela se trouve du reste dans la rédaction première des statuts, il s’agissait de la réduction des frais d’exploitation et de l’amélioration du matériel actuellement en cours.
M. le Substitut, au témoin : M. Philippart prétend que si l’on a diminué le dividende, c’est parce que l’on a fait le bilan d’une certaine manière. Qu’il y a-t-il de vrai là-dedans ?
R – Il est vrai que les amortissements ont été faits au détriment du dividende, mais ils ont eu lieu dans l’intérêt de la société. Nous continuons de procéder ainsi dans la gestion des Tramways Bruxellois.
M. le Président : En 1875, a-t-on payé les frais d’amélioration d’exploitation, ou seulement les prix d’entretien ?
R – Certaines sommes ont été appliquées à des améliorations.


M. le Substitut reprend son réquisitoire. Il continue l’examen des déclarations de M. Marsillon. Il prétend que cet ingénieur n’a pas eu la pensée de faire une distinction entre le bénéfice réalisé en 1874 et le bénéfice sur le pied duquel on marchait.
C’est de l’avis de M. Marsillon que M. Philippart est parti pour affirmer que les tramways Vaucamps faisaient 480.000 francs de recette par année. Et il prend comme base quatre mois d’exploitation : juillet, août, septembre et octobre qui, en 1874, ont donné les recettes les plus fortes et qui les donnent du reste régulièrement.

Il n’a jamais été question d’une distinction faite par M. Vaucamps dans ses relevés entre une situation normale et une situation anormale.
Je me place pour mon argumentation au point de vue de l’année 1874. Ni M. Vaucamps, ni M. André n’évaluaient les recettes à 1.800.000 francs ; chiffre inexact en tant qu’il représente les recettes de la seule exploitation Vaucamps. M. Philippart a été prévenu de ce fait, il ne pouvait donc pas dire que le réseau donnait un bénéfice normal de 480.000 francs.

M. le Substitut soutient que rien, dans la notice incriminée, n’autorise le lecteur à croire qu’il s’agit d’un bénéfice possible et non d’un bénéfice réalisé. On y dit par exemple : « Les bénéfices actuellement constatés… »

Je sais, dit-il, qu’il y a quelque chose d’ambigu dans le prospectus. C’est la question de savoir s’il fait comprendre dans ce chiffre les recettes brutes l’augmentation sur laquelle on compte pour le moment où certaines améliorations se seront réalisées. C’est une question de bonne foi. Mais je demande au tribunal si, avant les explications de Philippart, il aurait eu l’idée d’interpréter ainsi la notice ?
Des hommes pratiques, compétents, chargés de la chronique financière des grands journaux : MM. E. Lhoest, Mittaux et Duterme, ont compris, comme je le fais moi-même, le chiffre de 1.800.000 francs de recette et l’ont attribuée à l’année 1874.
Il importe au surplus de remarquer que la loi nouvelle punit et qualifié sévèrement ces rédactions ambigües, ces boniments destinés à faire mousser une affaire.

Voici maintenant la déclaration de M. André, qui traite de « boniment » cette notice qui est comme le contrat initial entre le souscripteur et l’administration de la Société des Tramways Bruxellois, et que Philippart, lui, trouve si correcte.
Le système du prévenu consiste, du reste, à se désintéresser complètement de la rédaction de cette notice, rédaction absurde, hybride, inconséquente et de nature à induire le public en erreur.

On m’objectera la déposition de M. Gendebien. Comment M. Gendebien a-t-il pu dire qu’il aurait signé des deux mains cette circulaire amphibologique ? Je laisse au tribunal le soin de l’apprécier.

En toute hypothèse, il est impossible de considérer autrement que comme un chiffre acquis les recettes évaluées dans la notice.
« Tant pis pour les imbéciles qui s’y méprennent ! » vous a-t-on dit à cette audience. Parole Malheureuse ! En tout cas, les prospectus d’affaire devraient être clairement rédigés et mettre ces imbéciles en garde contre eux-mêmes. Imbéciles ! C’est bientôt dit ; mais quand on a besoin d’actionnaires, on pour le vulgum pecus et pour son argent le plus grand des égards.
La notice s’adressait au public, aux petits rentiers, à ceux que la loi protège, et non aux gens d’affaire. L’honorable organe du Ministère public, pour démonter ce fait, donne lecture d’un article publié par l’Echo du Parlement lors de la publication de ce prospectus.

M. le Substitut passe aux fausses appréciations contenues dans la notice. Le prospectus dit qu’il y a 3 millions d’actions ordinaires souscrites, et il fait croire que l’on a actuellement 500.000 francs en revenus. Telle est du moins l’interprétation du Ministère Public, qui s’appuie sur des calculs personnels et incrimine la bonne foi des auteurs de la circulaire.
Quant à la garantie des actions privilégiées, d’après l’orateur, c’était une mauvaise plaisanterie. Quand l’action privilégiée représente tout le capital social, comme dans la société des Tramways Bruxellois, elle devient une action ordinaire.

Je relève en passant, dit M. le Substitut, l’étrange théorie par laquelle M. Philippart proclame la supériorité de l’action privilégiée sur l’obligation. L’obligataire, dit-il, est exposé à voir mangé tout son capital sans pouvoir y faire opposition. La position du porteur d’actions privilégiées est meilleure. Oui, cela est vrai quand on entend les affaires comme M. Philippart. Mais dans les opérations honnêtes et régulièrement faites, l’obligataire est parfaitement garanti.

J’arrive au procès intenté à M. Philippart par un porteur d’action. M. Philippart a transigé. Pourquoi ? Mais évidemment parce qu’il était convaincu de la légitimé des revendications du demandeur. Dans les autres procès, c’est la Banque Belge qui transige. Il n’y a pas eu de pression, de chantage, comme l’a dit M. Philippart. J’espère qu’il rectifiera ce mot et que l’expression a trahi sa pensée.
M. Philippart : Je n’ai pas dit cela positivement. J’ai expliqué ma pensée et que l’on pouvait supposer chez ces actionnaires des intentions de chantage.
M. le Substitut. L’instruction terminée, M. Philippart a compris qu’il devait décliner la responsabilité de la notice. Cette notice, il l’a vue pourtant à un moment où elle pouvait encore être rectifiée. Il devait en suspendre le tirage s’il ne la trouvait pas assez claire. Mais je prétends qu’il y avait préméditation dans le chef du prévenu.

M. Philippart a-t-il agi de mauvaise foi ? Oui, car il a caché à ses collègues le véritable motif pour lequel M. Vaucamps a consenti à une diminution de 300.000 francs sur le prix de son réseau, à savoir un malentendu entre Philippart et Vaucamps relativement au chiffre des bénéfices annuels de l’affaire.
Voilà ce qu’il fallait dire aux administrateurs de la Banque Belge. Mais le prix que l’on donnait était trop élevé, et la diminution consentie était insuffisante.
M. Philippart dit au conseil d’administration de la Banque Belge qu’il a obtenu une diminution de 300.000 francs de M. Vaucamps, parce qu’il y aurait des réparations et des améliorations à apporter au matériel des lignes. Or il n’y avait pas de réparations à faire.
A l’audience, M. Philippart dit que la réduction de prix a été le résultat d’un marchandage.
L’apport des 480.000 francs faits par Philippart devait suppléer à l’insuffisance éventuelle des recettes et à payer le dividende.

M. Philippart donne une autre explication : il devait parer aux frais considérables que devait causer l’exploitation au moment de la reprise du réseau. Cela est inadmissible.

La contre-valeur des 480.000 francs apportés ainsi par les Bassins Houillers était dans les 1.600 actions remises à cette société, et M. Philippart ne l’a jamais ignoré. Il a su que ces 1.600 titres seraient aussi lancés dans le public et que la souscription marchant bien, il serait même remboursé de ses 480.000 francs.

Qu’est-il arrivé de l’exploitation ? M. Philippart tenait à augmenter la recette. Dans ce but, il a augmenté le nombre des voitures. Mais les frais devenant plus considérables, le bénéfice net d’augmentait pas, et Philippart le savait fort bien.
Au résumé, les tramways n’ont pas donné les bénéfices promis. M. Philippart a dit que le bilan avait été mal établi et qu’on avait eu tort de diminuer le dividende. Mais M. Coumont est d’un autre avis.
M. le Substitut termine en accusant M. Philippart d’avoir engagé la Banque Belge à concurrence de 7 millions, dans les autres affaires qu’il dirigeait.
Il ajoute qu’en aucun cas M. Philippart ne pouvait donner au public l’intérêt des 12 millions qu’il lui demandait.


La parole est donnée à la défense.

M. Philippart demande à fournir quelques explications sur les faits avant que ses défenseurs ne plaident la question de droit.

Il explique d’abord sur quoi il a établi ses calculs relativement à la ligne du Bois.
Quant à la notice, M. Philippart tient la première notice, la notice A, pour absolument exacte et loyale, c’est celle-là surtout qu’il a inspirée. Il ne se rappelle pas du reste avoir assisté au conseil d’administration où la notice a été discutée.
Je l’ai déjà dit, ajoute t’il, M. Brugman a attiré mon attention sur la notice. Elle m’a paru absolument correcte, à moi financier habitué au langage des affaires. Sa circulaire a été lancée dans le public sans que personne ne reconnaisse en avoir donné l’ordre. Je n’ai du reste jamais reconnu que cette circulaire était fausse.

Je réservais l’apport de 480.000 francs pour un fond de réserve. Je ne prenais rien sur l’avoir social, et j’étais bien libre, au surplus, d’attribuer aux Bassins Houillers les 1.600 actions que M. le Substitut me reproche de lui avoir remises.
J’ai toujours déclaré bien haut que j’avais l’intention de disposer des capitaux de la Banque Belge pour mes affaires.
M. le Substitut : Cela dit tout.
M. Philippart. Je soignais mes affaires et je veillais ainsi à leurs intérêts. Je n’avais pas à me préoccuper de l’opinion publique.

M. Coumont a dit aujourd’hui que si la nouvelle administration avait changé les allures de l’ancienne, c’est qu’elle avait des intérêts opposés. M. Coumont n’a acheté des actions privilégiées qu’en 1877, et en entrant dans l’administration des Tramways. Il était au contraire gros propriétaire d’actions de dividende. Il avait intérêt à amortir.

M. Michelet, très compétent, M. Coumont, très intéressé, ont fait sur l’année 1875, sur cette année néfaste qui m’amène ici, un travail d’où il résulte une somme de 105.000 francs et une autre somme de 160.000 francs ont été déduites du bénéfice et comptées pour frais.

L’évaluation de l’affaire était exacte, quoi qu’en dise le Ministère public. C’était une belle affaire, et les évaluations ultérieures de M. Coumont dépassent même mes prévisions sous ce rapport. La diminution momentanée des recettes des Tramways provient d’une cause accidentelle, du peu d’accroissement de la population de la capitale, de la crise dont chacun souffre.
Je continue de prétendre que l’action privilégiée des Tramways avait tous les avantages de l’obligation sans en avoir les inconvénients.
J’ai fini.

Maître Ed. Picard débute en constatant que les explications de M. Philippart ont une grande importance au procès et qu’elle dont justice de la prévention.
M. Picard recherche le sens et la portée de l’article 132 de la loi sur les sociétés anonymes, et il se demande si cette disposition s’applique au cas de M. Philippart. La notice peut-elle être attribuée à celui-ci ? A-t-il agi de mauvaise foi? A-t-il voulu tromper le public? C’est ce qu’il faudrait prouver.

L’instruction faite à l’audience a été  très favorable au prévenu. C’est un fait important et qu’il convient de faire ressortir.

Le prospectus contient-il des faits faux ? Le Ministère public reconnait lui-même que pour plusieurs mentions de la notice, c’est une question d’appréciation. Les prévisions de M. Philippart étaient justes. Dira t’on que M. Philippart est un trompeur, un escroc ! Qu’on y prenne garde : à ce compte-là, il n’y aurait plus de prospectus possible. Il ne s’agit pas ici d’un faux bilan, mais d’une notice dont les promesses peuvent en partie ne pas se réaliser sans qu’il y ait pour cela un délit dans le fait de l’avoir rédigée.

Pas de trace de mauvaise foi chez M. Philippart. Il avait étudié les chemins de fer et les tramways. Il comprenait que les tramways étaient d’excellentes affaires. Il avait confiance dans les tramways bruxellois.

Le rachat des réseaux Morris et Vaucamps a eu lieu pour le compte des Bassins Houillers et non pour le compte personnel de M. Philippart. L’affaire Morris était brillante. En y joignant le réseau Vaucamps, l’opération devenait moins belle, et si Philippart eût voulu prélever des bénéfices personnels, l’affaire Vaucamps était une maladresse. Mais Philippart ne voyait qu’un but : la concentration des tramways de Bruxelles dans une même main.

M. Picard passe en revue les diverses phases des négociations relatives à la reprise du réseau Vaucamps. Il s’attache à établir que tout s’est passé une façon régulière, naturelle et que le prix n’était pas exagéré. La réduction de prix n’est pas autre chose que le résultat d’un marchandage.
En passant l’affaire à la Banque Belge, la société des Bassins Houillers avait fait son commerce. Elle était créée pour acheter et revendre des affaires.
Les commissions de 50.000 francs accordées par M. Vaucamps à MM. Dansaert et Moselli n’étaient pas hors de proportion avec l’importance du marché.
La Société des Tramways Bruxellois a été fondée par la Banque Belge. Celle-ci a porté les réseaux Morris et Vaucamps pour une valeur plus grande que le prix d’achat, mais qui était d’ailleurs la valeur réelle et représentait un capital sociale de 12 millions.

La mesure relative à un fond de réserve de 480.000 francs avait pour but d’assurer le dividende. Alors où est le délit ?

M. Picard répète que Philippart est resté étranger à la rédaction de la notice. Au surplus, cette notice a été trouvée correcte sous sa première forme par le juge d’instruction lui-même. Cette première forme est la seule que le prévenu ait inspirée. Si la rédaction est ensuite devenue amphibologique, par suite de corrections auxquelles nous sommes restés étrangers, ce n’est pas notre faute.
Si cette notice est justement incriminée, comment se fait-il que l’absent soit seul au banc des prévenus et que ceux dont on trouve l’écriture sur les épreuves ne soient pas là pour répondre d’un fait que pour ma part, je ne trouve aucunement reprochable ? En voyant le prospectus, qui était le commentaire de ses idées, Philippart a dû l’apprécier autrement que le premier venu. Au point de vue de la bonne foi du prévenu, ce point est essentiel.

De même celui devrait croire que les actions privilégiées étaient parfaitement garanties. Si le dividende a diminué, c’est le fait de l’administration nouvelle, qui, d’après M. Philippart, a voulu avantager les porteurs d’actions de dividende. En effet, ceux-ci n’entraient qu’après les actions privilégiées et ordinaires dans le partage des bénéfices et prenaient le risque de ne rien toucher pendant plusieurs années au cas où les recettes seraient trop limitées.

La transaction intervenue aux procès en paiement de dividende n’est même pas un indice de mauvaise foi, puisque le prévenu avait accepté et fait plaider ces procès.

L’abandon de l’instruction judiciaire pendant plusieurs mois prouve combien l’affaire qui nous occupe était douteuse aux yeux des magistrats.
M. le Substitut fait remarquer qu’il n’y a jamais eu à proprement parler d’interruption dans l’instruction.
M. Picard : On l’a abandonnée pendant plusieurs mois. Le défenseur entre dans la discussion des termes de la notice et des corrections qu’on y a faites. Il explique qu’en supposant le caractère délictueux de la pièce, Philippart n’encourait de ce chef aucune responsabilité.

Il n’y a pas eu de mauvaise foi dans l’émission, dans les nombreux achats d’actions privilégiées par les agents de change, dans la publication tardive des statuts, dans l’évaluation de l’ingénieur Marsillon, et le chiffre de 1.800.000 francs auquel la notice évalue les recettes brutes.

M. Picard aborde l’examen des points de droit du procès. La plaidoirie de M. Ed. Picard ne s’est terminée qu’à 6 heures du soir.

dimanche 5 août 2018

Un peu de tourisme (Belle Epoque) à Bruxelles, 5 août 2018 ^^

Petite sortie "touristique" à travers le centre-ville de Bruxelles, en ce dimanche 5 août. On commence par l'exposition d'affiches Belle Époque organisée à la Maison du Roi (Grand-Place). Tout juste exceptionnel, tant par la qualité que par la quantité des affiches proposées. Que du bonheur! Bien évidemment, mon choix de photo est tout à fait subjectif ^^
L'exposition est accessible jusqu'au 2 septembre.












On quitte la Grand-Place pour la rue de Violette et pour le Musée de la Dentelle et du Costume. L'exposition "LOL" présente le travail d'étudiants en stylisme à La Cambre.



C'était également l'occasion de découvrir le nouvel espace dédié à la dentelle et à son travail.



Nous quittons le bas la Ville et prenons la direction du Parc: le Palais est en effet ouverts aux visiteurs (jusqu'au 2 septembre).





Et une dernière photo, prise place Royale: le bus 10005 circulant sur la ligne numérotée "33" qui relie la rue Dansaert à la place Louise. 



Bonne soirée,

Callisto

samedi 4 août 2018

L'Affaire Philippart - Procès pour prévention d’escroquerie lors de l'émission des actions des Tramways Bruxellois - 1877 (5/7) ^^

L'Affaire Philippart - Procès pour prévention d’escroquerie lors de l'émission des actions des Tramways Bruxellois - 1877 (5/7)

LE PROCÈS - AUDIENCE DU 4 AOÛT – AUDITION DES TEMOINS (suite)

Slosse, avocat à Bruxelles, connait vaguement les transactions intervenues au procès intenté à M. Philippart par certains souscripteurs à l’émission d’actions des Tramways. M. Philippart mettait une certaine légèreté à accepter des transactions. Il croit que celles dont il s’agit ont été consenties afin que les réclamations des demandeurs ne nuisent pas aux affaires que M. Philippart négociait en France.
Les curateurs des Bassins Houillers sont décidés à contester la légitimité des prétentions des souscripteurs.
Maître Picard : M. Philippart avait-il l’habitude d’agir frauduleusement en affaire?
R – Je dois dire d’abord que dans le rapport que j’ai fait comme curateur des Bassins Houillers, la question de la banqueroute frauduleuse a été écartée. Le principal mérite de M. Philippart est d’avoir mis toute sa fortune dans ses affaires, où il s’est montré du reste imprudent. Nous concluons à la banqueroute simple.
M. Philippart a toujours fait preuve d’une entière bonne foi.
M. Philippart avait une fortune de 28 millions. Aujourd’hui, il en doit 30, ayant tout abandonné à ses créanciers.

Van Halteren, Charles
, notaire à Bruxelles, a rédigé les statuts de la Société anonyme des Tramways Bruxellois. Il y a eu quelques jours de retard dans la publication au Moniteur, mais elle a été faite da,s les conditions ordinaires.
Maître Ed. Picard : Il n’y a donc pas eu de fraude, de mauvaise foi ?
R – Non.
D – Philippart a-t-il jamais montré de mauvaise foi dans les actes notariés ?
R – Jamais.
Interrogé sur les modifications aux statuts de la société des Tramways, le témoin dit qu’elles n’étaient pas le fait de Philippart.

Lhoest, Emile, avocat à Bruxelles. Le témoin rédige le bulletin financier de l’Echo du Parlement et est rédacteur en chef à l’Economie financière.
Le témoin a pris pour base d’appréciation les données du prospectus. La question qu’il devait examiner était celle de savoir s’il était régulier de capitaliser à 5 p.c. le résultat que l’on accusait. Les chiffres du prospectus ont été considérés par lui comme représentant des recettes effectuées et non pas des estimations des recettes futures.
M. le Président : Et comment envisagiez-vous les 5 faits dont parle la notice ?
R – Comme étant de nature à faire admettre d’abord le maintien et ensuite la progression ultérieure des recettes.
Maître Ed. Picard : Quel était le chiffre que l’on devait indiquer pour 1874 ?
R – Celui des recettes effectuées dans des conditions normales. On ne pourrait capitaliser une recette extraordinaire semblable par exemple à celle que les tramways eussent donnée, s’ils avaient existé en 1870, quand Bruxelles donnait asile à 50.000 Français qui sont repartis. C’est là une recette extraordinaire et anormale.
Mais il paraît que pendant les huit premiers mois de l’exploitation, en 1874, on n’avait pas construit les 33 kilomètres des tramways. Donc le chiffre normal était fourni par les quatre derniers mois et l’on pouvait dire dans la notice que les derniers relevés devaient être considérés comme donnant les chiffres acquis.
Le prospectus aurait dû être plus clair et mentionner toutes les circonstances.
M. le Substitut : Ainsi l’on pouvait capitaliser comme résultat acquis une progression obtenue pendant les quatre derniers mois ?
R – Oui, comme représentant des recettes effectivement encaissées en raison d’une cause normale et permanente.

L’audition des témoins est terminée.

M. Philippart demande à exposer les faits. Je désire, dit-il, donner des explications sur une affaire que j’ai traitée trop légèrement jusqu’ici, puisqu’elle m’amène sur le banc de la police correctionnelle, alors que je m’étais refusé de la prendre au sérieux. Je déclare d’abord avoir des connaissances théoriques et pratiques très complètes en matière d’exploitation de chemins de fer et de tramways. J’ai examiné l’affaire des tramways parisiens, et chose curieuse, le travail hypothétique que j’avais fait à cette occasion a concordé exactement avec l’examen approfondi de M. Marsillon. Je cite ce fait pour établir ma compétence personnelle.
Je déclare avoir toujours considéré les Tramways Bruxellois comme une très belle opération. Dans le but de reprendre le réseau Vaucamps, j’ai envoyé à celui-ci M. Marsillon, afin qu’il fit une expertise préalable.

M. Philippart rappelle les négociations relatives au rachat de la ligne Morris, qui s’est fait par l’entreprise de Montefiore, et les négociations préliminaires au rachat des lignes Vaucamps.

M. Philippart a repris la ligne du Bois pour 2 millions. Elle valait, dit-il, 3 millions et demi. Mon opération était donc très avantageuse. Je n’avais pas besoin des lignes Vaucamps pour faire une affaire, comme m’en accuse le Ministère public, je n’avais qu’à mettre la ligne du Bois en société.
Mais je jugeais qu’il conviendrait de réunir dans une même main les tramways de Bruxelles.
J’entendais acheter le réseau Vaucamps à un prix capitalisé à raison de 5 p.c. du bénéfice net actuel.

Je me suis servi, pour la vérification du matériel et les négociations, de M. l’ingénieur Marsillon qui connaissait ma manière de faire.
J’avais indiqué à mes collègues les grandes du traité à conclure. Je leur ai dit que l’on pouvait compter sur 1.800.000 francs de recettes brutes.
M. Marsillon a fait la vérification indiquée. Elle a justifié en tous points mes évaluations et mes prévisions.
J’ai fait tous mes efforts pour obtenir le réseau Vaucamps au prix de 8 millions.

Cette concession obtenue, je n’ai pas eu un seul instant l’idée de mettre en poche les 300.000 francs de diminution sur le premier prix de M. Vaucamps. J’en ai fait un fond de provision destiné à parer à toutes les éventualités de dépenses premières. Et vous avez vu que les ingénieurs qui ont expérimenté le matériel après la reprise du réseau ont déclaré qu’il y avait beaucoup de réparations à faire.

Quant à la confection des statuts, elle a été faite par l’avocat Joris sur mes indications. J’ai moi-même indiqué l’intérêt, les parts de bénéfice et comment les apports devaient se faire. Une partie de ceux-ci devait être affectée à la création du fond de réserve.

Le 19 décembre, je suis parti pour Paris et j’y suis resté jusqu’au 23. M. Joris a été mon mandataire pour me représenter à l’acte des statuts.
La notice a été rédigée par M. de Laveleye.
Je n’ai pas su que, dans les statuts, on avait fait passer le fond de réserve de 480.000 francs du compte général au compte particulier. Je n’ai plus ensuite relu les statuts.

M. de Laveleye a dit qu’il tenait de moi les indications générales relatives à la question de la notice. Je ne sais pas si le tribunal a remarqué ce fait qu’il résulte des dépositions des témoins qu’en mon absence, cette malheureuse notice s’est faite toute seule ? M. de Laveleye avoue l’avoir mise en bon français. Il a consulté, dit-il, beaucoup de personnes, et aucun témoin ne reconnait avoir donné d’avis à cet égard.
M. de Laveleye a donc dû faire tout seul la notice et les corrections aux épreuves.

Le 25 décembre, j’étais de retour. On ne m’a pas parlé de la notice. Le 28, on m’a dit, aux Bassins Houillers, que M. Brugman signalait une erreur dans la notice. Ce jour-là, j’ai lu le prospectus et j’ai demandé à celui qui l’avait rédigé ce qu’il avait voulu dire dans le passage relatif aux actions privilégiées. Il n’a pu m’expliquer ce paragraphe, ce qui ne signifie rien, bien que les chiffres soient exacts. La circulaire était alors lancée, il n’y avait plus à la corriger.
C’est sur une observation de M. Brugman que j’ai décidé d’interdire l’émission d’obligations des tramways, et non pas sur celle de M. Reisse, comme ce témoin l’a dit ce matin.

Pour expliquer les tramways, il me fallait savoir le coût quotidien d’une voiture, détail essentiel. M. Vaucamps m’a refusé ce renseignement pendant plusieurs semaines. C’était pour lui une question d’amour-propre et pour moi une base d’exploitation. En demandant cela, je n’avais pas pour but d’arriver à 1.800.000 francs de recettes brutes, je tenais à exploiter dans les meilleures conditions possibles. Ces considérations générales n’ont pas trait directement au procès, mais elles intéressent beaucoup de monde.

J’ai laissé la direction des tramways au mois de mai. J’ai bondi, je l’avoue, quand, au mois de décembre, la nouvelle administration a décidé qu’on ne distribuerait aux porteurs d’actions qu’un dividende de 7,50 francs au lieu de 15.
On m’a opposé les statuts, et c’est alors que j’ai vu que l’article avait été modifié à mon insu sur ce chapitre. J’ai eu à ce sujet, avec M. Joris, une scène désagréable. Il m’a déclaré n’avoir rien modifié personnellement aux statuts.

Le bilan de 1874 une fois arrêté, quelques actionnaires m’ont fait des procès que je considère comme des procès de chantage. Mes avocats m’ont déclaré que le gain de ma cause était assuré. Mais j’ai un cousin qui est un peu la mouche du coche, qui a l’habitude d’aller aux renseignements partout, et qui est venu me conseiller de transiger. J’ai été fort étonné quand mon conseil, M. Joris, m’a donné le même avis. J’avais alors l’espoir de sauver ma situation en France et de remettre à flot la Banque Belge, c’est pourquoi j’ai transigé sur les procès des Tramways, après avoir refusé d’abord de payer la faute de ceux qui avaient fait la notice et changer les statuts.

Alors seulement j’ai eu l’idée qu’il y avait quelque chose d’incorrect ou de mal exprimé dans la notice. Ma première pensée a été de disculper mes collègues chez le juge d’instruction. Grand avait été mon étonnement en lisant, à Paris, dans les journaux, que j’étais sous le coup d’une poursuite correctionnelle.
Quand mon avocat, M. Picard m’a montré le passage incriminé dans la notice, la question de savoir si le chiffre de 1.800.000 francs doit s’appliquer à l’année 1874, les bras m’en sont tombés. Je ne voulais pas y croire. Il est impossible de se tromper sur le sens de la rédaction.
Le capital disponible de 3 millions était bien réellement un capital disponible. Cette notice, que je n’ai pas rédigée, remarquez-le, ne pouvait pas me paraître incorrecte.

Les cinq conditions mentionnées comme causes d’augmentation de recettes avaient trait à un avenir illimité et non pas à l’exercice 1875 seulement.
Le rédacteur de la notice ne pouvait donner des résultats acquis pour 1874, alors que cette année n’était pas clôturée. Il s’agissait d’un bénéfice calculé sur la situation actuelle.

On a discuté à l’audience sur la qualité de l’action privilégiée. Eh bien, je n’hésite pas à dire qu’à mon avis une action privilégiée vaut mieux qu’une obligation.
M. le Substitut : Par exemple !
M. Philippart : Permettez-moi d’exposer ma théorie. Outre que l’action privilégiée est garantie sur les premières recettes, le porteur du titre, à la différence d’un obligataire, a le droit de se présenter aux assemblées du conseil d’administration et de s’opposer à toute décision qui lui paraîtrait de nature à nuire aux intérêts de la société et à diminuer la valeur de son gage. L’obligataire, au contraire, est désarmé aussi longtemps qu’on lui paie ses intérêts. J’ai donc le droit de dire que, dans les mains du porteur, une action privilégiée a une valeur supérieure à l’obligation.

Messieurs, j’en ai fini avec la notice, et c’est tout ce que j’avais à dire au tribuna
l.

vendredi 3 août 2018

L'Affaire Philippart - Procès pour prévention d’escroquerie lors de l'émission des actions des Tramways Bruxellois - 1877 (4/7) ^^

L'Affaire Philippart - Procès pour prévention d’escroquerie lors de l'émission des actions des Tramways Bruxellois - 1877 (4/7)

LE PROCES - AUDIENCE DU 3 AOÛT – AUDITION DES TEMOINS (suite)

Bara, Jules, représentant et avocat à St-Josse ten Noode. M. Bara a été l’avocat de M. Vaucamps. Il n’a rien connu du rachat du réseau de M. Vaucamps. Mais il sait que M. Vaucamps considérait l’affaire comme très brillante par M. Philippart et qu’il estimait que ses lignes de tramways valaient plus de 8 millions.

Hollevoet, juge d’instruction à Bruxelles, a entendu plusieurs témoins relativement à la notice. La plupart et les plus compétents, notamment M. Emile Lhoest, ont déclaré qu’ils ne trouvaient pas de différence entre le projet de notice et la notice définitive. Les deux corrections que l’on y a faites ont plutôt rendu le prospectus plus loyal.

Gendebien, Félix, propriétaire à Ixelles, a vu la notice chez M. le juge d’instruction. A son grand étonnement, il a vu sur cette épreuve quelques mots de sa main. Il croit se rappeler qu’il a trouvé cet exemplaire pendant une séance du conseil et que, par désœuvrement, il a crayonné quelques notes dans le but de compléter certains renseignements insuffisants de la notice.

M. Gendebien ignore tout ce qui se rapporte au rachat des tramways Vaucamps par M. Philippart.

M. Gendebien n’a vu la notice définitive que pendant l’instruction judiciaire. Il croit que, d’après la rédaction de la notice, les porteurs d’actions privilégiées devaient se croire garantis. C’est sa façon d’interpréter l’alinéa qui promet aux souscripteurs un chiffre certain de 1.800.000 francs de bénéfices bruts en 1875. En donnant le chiffre des recettes brutes de 1874, on aurait menti. C’est alors que l’on aurait trompé le public, car il y avait un écart de 300.000 francs entre les deux chiffres, et on aurait fait croire que les recettes progressaient – d’une façon normale – de 300.000 francs par a, tandis qu’il s’agissait d’un fait exceptionnel.

Quant aux améliorations signalées pour l’avenir : l’ouverture de nouvelles lignes, etc., le témoin croit qu’elles avaient pour but d’expliquer l’augmentation future des recettes et le chiffre de 1.800.000 francs promis aux actionnaires.
« On est arrivé, en effet, à ce chiffre de 1.800.000 francs de recettes, dit M. Gendebien, on n’avait donc pas trompé le public. A mon avis, la notice était honnêtement rédigée. »
M. Gendebien dit qu’en matière de chemins de fer et de tramways, on peut, ne se basant sur le produit d’une période d’exploitation normale, calculer les recettes futures d’une façon à peu près certaine.

Au résumé, M. Gendebien trouve qu’en promettant un chiffre de recettes de 1.800.000 francs en 1875, la circulaire était parfaitement correcte. « Je l’aurais signée des deux mains, dit-il, il n’y a rien du tout de frauduleux là-dedans. »
Quant à l’alinéa relatif aux recettes brutes, il n’y a rien d’ambigu d’après le témoin. Les cinq conditions signalées dans la notice étant énumérées comme formant autant d’élément de l’augmentation des recettes. On ne pouvait interpréter autrement et comme devant fournir un nouveau supplément de recette, par exemple.


Du Roy de Blicquy, Arthur
, ingénieur à Bruxelles, a été chargé par M. Joris de faire une expertise du matériel Vaucamps. Il a trouvé que tout était en bon état. Il a fait une évaluation que M. Joris ne lui avait pas demandée. Cette évaluation du réseau des tramways montait à 6 millions.
Les recettes de M. Vaucamps étaient de 100.000 francs par mois et les dépenses de 60.000 francs. – 40.000 francs de bénéfices.
C’étaient des mois d’été, mais on pouvait les accepter comme moyenne, parce que l’exploitation n’était pas complète.

Bataille, ingénieur à Schaerbeek, a vu les écuries et le matériel de M. Vaucamps, à la demande de M. Joris. Une inspection superficielle ne permet pas au témoin de faire une évaluation sérieuse. Il estimait le matériel à 3 millions.

Ch. Weber, directeur de la Banque des Travaux Publics à Bruxelles, est interrogé sur la notice. Le rédacteur est M. Georges de Laveleye. Le témoin croit que celui-ci tenait ses données de M. Philippart. M. Weber ignore s’il y a eu plusieurs épreuves de la circulaire.

La notice définitive a été soumise au conseil d’administration de la Banque Belge. M. Philippart a signalé une erreur, si les souvenirs du témoin sont exacts. Il avait été question de recommencer le tirage et de remettre la souscription. Mais comme l’erreur était visible par tout le monde et l’époque favorable à la souscription, on a passé outre.

L’affaire des tramways a été proposée à la Banque Belge par M. Philippart, qui a fourni des renseignements exacts. La Banque, devant une probabilité de progression continue dans les recettes, a trouvé l’affaire impeccable.

M. Weber n’assistait pas à la réunion ou fut débattue la question du rachat des tramways Vaucamps par M. Philippart.
L’emploi des 3 millions d’actions ordinaires, souscrites mais non versées, était justifié par la construction de nouvelles lignes projetées : le tramway de la rue haute, celui de la rue de Schaerbeek, etc.

Le témoin, comme M. Gendebien a été prié de le faire, donne son interprétation sur le sens de la notice incriminée. Il croit que les cinq motifs d’amélioration énumérés dans le prospectus devaient faire monter encore le chiffre des recettes brutes. La mention de ces cinq circonstances avait pour but de fournir au public des éléments d’appréciation. Le public ne pouvait croire que le chiffre de 1.800.000 francs s’appliquait à un exercice clôturé (1874 ne l’était pas) et représentait des recettes réalisées.

Maitre Ed. Picard : Quel était le sens des mots : « capital disponible de 3 millions ? »
R – Cela voulait dire que ce capital pouvait toujours être réalisé.
D – Une action privilégiée pouvait –elle être confondue avec une obligation.
R – Evidemment, non.
M. le Substitut : C’est fort douteux. Le commun du public pouvait confondre.
Maitre Ed. Picard : Le commun des imbéciles, oui !
M. le Président : Malheureusement, en pareille matière, c’est le plus grand nombre. Et je vous ferai remarquer que la notice s’adressait, non pas aux hommes d’affaires, mais à tout le monde. On eût bien fait de la rédiger plus clairement. Beaucoup de personnes y ont été prises.
Maitre A. Picard : Tant pis pour elles ! Ces gens-là n’ont pas besoin de faire des affaires.


Joris, Gustave, avocat à St-Gilles. M. De Laveleye a rédigé la notice. Il tenait les données de M. Philippart. Je ne suis intervenu pour corriger aucune épreuve.
Le contrat Vaucamps a été fait au nom de M. Philippart. Celui-ci m’a parlé de la négociation Dansaert et Moselli. Il m’avait dit qu’il était disposé à racheter les tramways Vaucamps en capitalisant sur le pied de 5 p.c.
La mission que j’ai confiée à MM. Bataille et du Roy de Blicquy avait pour but d’établir la valeur du matériel. Je n’ai pas eu connaissance de la mission de M. l’ingénieur Marsillon, et je comprends que M. Philippart ait omis de nous en parler, puisque M. Marsillon, dans son évaluation, capitalisait à 6 p.c.

M. Philippart m’a parlé du contrat. Il m’a dit qu’il allait être obligé de faire certaines dépenses supplémentaires, des frais de premier établissement pour les tramways. Pour ces frais extraordinaires, l’art. 9 des statuts sociaux créait un fond de provision, de réserve, afin que les 15 francs fussent en tout cas distribués aux actions privilégiées. Dans cette comme de 480.000 francs était comprise la diminution de 300.000 francs consentie par Vaucamps, de sorte que cette diminution et l’apport de garantie procédaient d’une même cause.

D – M. Philippart était-il présent à la séance ou l’on a vu la notice ?
R – Je pense que oui.
Maitre Ed. Picard : Une action privilégiée ne peut-elle pas être assimilée à une obligation ?
R – Il me semble qu’elle a la même valeur.
D – Qu’est-ce qu’un capital disponible ?
R – Un capital que l’on peut toujours exiger.
D – A-t-on commis une faute en mentionnant l’intérêt de ce capital pour 1875 ?
R – Pas le moins du monde.
D – Pouvait-on croire que l’on avait fait 1.800.000 francs de recettes en 1874 ?
R – C’était impossible.
M. le Président. Lors du procès plaidé devant le tribunal de commerce, Maitre Weber, avocat de M. Philippart, a conseillé à son client de transiger avec ses adversaires parce que ce procès eût pu nuire aux négociations que M. Philippart poursuivait alors en France. Il n’y a pas eu d’autre motif à l’acquiescement de M. Philippart, et le procès qu’on lui faisait n’était pas fondé.
Le témoin est interrogé sur la négociation Vaucamps. Il explique la diminution de prix d’achat par l’évaluation de la valeur réelle de la ligne.
Il ne se souvient pas que cette diminution ait été le résultat d’un marchandage.
Maitre Ed. Picard : M. Philippart n’a-t-il pas apporté à la Banque Belge le bénéfice de 300.000 francs réalisé sur l’achat des tramways ?
R – Oui, et si c’eût été un homme cupide, il aurait pu les empocher.
Maitre A. Picard : M. Philippart a-t-il jamais touché des commissions ?
R – Non. Malheureusement, il en a beaucoup payé.


Van Meerbeeck, banquier à Bruxelles, donne des renseignements sur la négociation relative à la reprise des Tramways Vaucamps, sur le prix convenu et sur les chiffres contenus dans la notice que l’on a lancée lors de l’émission des actions de la société. Le témoin confirme ce qui a été dit dans les dépositions précédentes.
Comme les autres témoins, M. Van Meerbeeck estime que les circonstances mentionnées comme devant influer sur l’exploitation du réseau avaient pour but d’éclairer le public, tout en lui laissant sa liberté d’appréciation.
Le témoin voyait avec plaisir la Banque Belge coopérer à une affaire exclusivement belge, celle des tramways.
Le public ne pouvait attribuer le chiffre de 1.800.000 francs à l’année 1874.
Il était convenu que le capital de 3 millions devait être appelé sous peu en vue de l’extension et de l’amélioration du réseau.
La Banque Belge n’a pas autorisé la reprise par des agents de change de 9.000 actions dans les 13.046 actions souscrites, mais elle n’avait pas à le faire. Ce procédé s’emploie fréquemment en vue de soutenir le cours.
M. le Président : Eh bien, je déclare que si j’étais Ministre des Finances, je n’userais jamais de ce procédé-là pour les fonds d’Etat.

Wilmart, conseiller communal à Schaerbeek. Le témoin ne s’est pas occupé de la confection de la notice, ni du rachat du réseau Vaucamps.
Mais il se rappelle avoir assisté en 1875 à une discussion entre MM. Philippart et Coumont au sujet de l’apport de 480.000 francs faits par les Bassins Houillers aux Tramways. Cet apport devait servir de capital de réserve.
L’examen de la comptabilité Vaucamps a été fait par l’ingénieur André. Celui-ci trouvait, comme M. Marsillon, que les chiffres donnés par M. Vaucamps ne représentaient pas exactement la valeur du réseau.
M. le Substitut : La réduction de prix n’était-elle pas motivée par des frais à faire, frais causés par l’excès de l’économie de l’administration Vaucamps ?
R – C’est très possible.
Le témoin n’avait pas d’opinion personnelle sur la qualité de l’opération des Tramways Bruxellois.

Michelet, ingénieur à Bruxelles, est entré dans les Tramways Bruxellois en même temps que M. Coumont. L’apport des 480.000 francs des Bassins Houillers devait être appliqué à des dépenses d’exploitation. Cet emploi paraissait illégitime au témoin. Il a réservé ce capital pour l’ouverture de nouvelles lignes.
Le capital de 480.000 francs ne pouvait, aux termes des statuts, être appliqué au paiement du dividende de 15 francs.
Le témoin est actuellement l’administrateur délégué pour la direction des Tramways Bruxellois. Il dit qu’il y a progression dans les recettes brutes, mais elle est très irrégulière.
Maitre Ed. Picard : M. Philippart n’a-t-il pas paru au témoin d’être d’une entière bonne foi ?
R – Oui, certainement.
Maitre Picard : Et la notice ?
R – On a incriminé, parait-il le chiffre de 1.800.000 francs. Je ne comprends pas que l’on puisse appliquer ce chiffre à l’année précédente. On ne promet pas un chiffre quand on l’a.
M. le Substitut : Mais Philippart n’avait-il pas une intention de fraude ?
R – Cela ne me parait guère possible. La recette de 1.800.000 francs était une supputation, elle était calculée pour l’avenir et devait donner un bénéfice de 600.000 francs.
M. le Substitut : Pouvait-on faire ces promesses en se basant sur les chiffres de l’année 1874 ?
R – Oui, en tenant compte des conditions qui devaient influer sur l’avenir. La nouvelle administration des tramways n’a distribué qu’un dividende de 7.50 francs.

M. Parvillez, Alfred, secrétaire de la société des Tramways Bruxellois. L’état de l’exploitation Vaucamps était assez bon, quoiqu’il y eût à redire au matériel roulant et aux chevaux.
Le témoin a cru d’abord qu’il n’y aurait pas d’appel de fonds immédiat sur les actions des Tramways, mais il a changé d’avis lorsqu’il fut question de la reprise du tramway brésilien.

Lévy, Emile, propriétaire à Paris, était employé à la Banque Belge lors du rachat du réseau Vaucamps. Il a dit alors à Philippart qu’à la Bourse on trouvait le prix trop élevé. Celui-ci répondit que c’étaient là des bruits malveillants, et il expliqua pourquoi l’affaire était bonne.
La notice a été lue et modifiée à la Banque Belge. Le témoin croit que M. Philippart assistait à la séance. M. Philippart n’a jamais parlé à M. Lévy de l’estimation Marsillon.
Le témoin a été chargé par le conseil d’administration de la Banque Belge de la publicité relative aux Tramways. M. Philippart surtout donnait des instructions.
L’avenir des tramways se présentait sous le jour le plus favorable. L’opinion personnelle du témoin est que les conditions énumérées dans la notice devaient exercer une bonne influence sur les recettes.
M. Philippart avait le plus grand intérêt à représenter l’opération comme bonne et à donner les chiffres comme certains, sans quoi il n’eût pas pu endosser l’affaire à la Banque Belge.

Michaux, agent de change à Bruxelles, dit que la commission de la Bourse a fait retirer les actions privilégiées des Tramways Bruxellois de la cote officielle pour les transférer aux actions diverses. Il ignore le motif de cette mesure.
M. le Président : Le motif, c’est que les coupons n’étaient pas payés à l’échéance.
P. Philippart : c’est évidemment une erreur.

Demolder, Alfred, directeur des Tramways Bruxellois. L’état du matériel Vaucamps, à l’époque de la reprise par les Tramways, n’était pas mauvais. Mais les chevaux étaient usés et il y avait beaucoup de réparations à faire aux voitures.

Vanderhaegen, Ch, propriétaire à saint-Gilles. Le témoin dit que la ligne Morris a été reprise pour un prix inférieur à sa valeur. La moyenne annuelle des recettes brutes étaient de 484.000 francs. Le bénéfice net était de 185.000 francs par année.

Doucquié, avocat à Bruxelles, a plaidé pour quelques demandeurs qui réclamaient le remboursement de leur dividende. Le témoin nie avoir adressé aucune menace au défendeur dans sa plaidoirie. M. Philippart a fait spontanément sa proposition de remboursement des actions et des intérêts.

jeudi 2 août 2018

L'Affaire Philippart - Procès pour prévention d’escroquerie lors de l'émission des actions des Tramways Bruxellois - 1877 (3/7) ^^

L'Affaire Philippart - Procès pour prévention d’escroquerie lors de l'émission des actions des Tramways Bruxellois - 1877 (3/7)

Partie 3: Le procès

TRIBUNAL CORRECTIONNEL (6ème Chambre) – Audience du 2 août – Présidence de M. Khnopff

AFFAIRE PHILIPPART

Prévention d’escroquerie du chef de l’émission des actions privilégiées des Tramways Bruxellois.


L’audience s’ouvre à 10 heures.
Le tribunal est composé de MM. Khnopff, juge faisant fonctions de président, Stinglhamber et de Foulon, assesseurs. Le siège du Ministère public est occupé par M. Janssens, substitut du Procureur du Roi. M. Lambert remplit les fonctions de greffier.
M. Philippart est au banc des prévenus. Il a pour avocats Maîtres Albert Picard, Edmond Picard et Gheude.
M. Philippart, Simon, 51 ans, propriétaire à Saint-Gilles, Bruxelles, répond aux questions relatives à son identité. On fait appeler les témoins cités par le Ministère public ; ils sont au nombre de 61 parmi lesquels figurent M. Vaucamps et un grand nombre d’agents de change bruxellois.

Aux termes de la citation, M. Philippart est prévenu d’avoir à Bruxelles ou ailleurs en Belgique en novembre et décembre 1874, et en 1875, dans le but de s’approprier des choses appartenant à autrui, en employant des manœuvres frauduleuses, pour persuader l’existence d’un crédit imaginaire ou pour abuser autrement de la crédulité, spécialement, par la publication faite de mauvaise foi de faits faux, obtenu ou tout au moins tenté d’obtenir des souscriptions ou des versements à ou sur des actions privilégiées de la Société anonyme « Les Tramways Bruxellois » soit en exécutant ce délit, soit en coopérant directement à son exécution ou en prêtant, par un fait quelconque pour son exécution une aide telle que sans son aide il n’eût pas été commis.

M. JANSSENS, substitut du Procureur du Roi – Messieurs, je crois utile de vous rappeler d’abord la disposition pénale dont j’aurai à requérir l’application : l’article 132 de la loi du 18 mai 1873 sur les sociétés anonymes.
Philippart est prévenu d’avoir tenté d’obtenir par la publication de faits faux, des souscriptions ou des versements sur les actions privilégiées des Tramways Bruxellois. L’article 132 a pour but de réprimer la fraude dans l’exploitation des sociétés anonymes. La création de ces sociétés a été rendue libre, et c’est pourquoi le gouvernement a voulu garantir la loyauté des opérations.
M. le substitut donne lecture d’un extrait du discours prononcé par M. Pirmez à la Chambre.

Vous saisissez l’idée qui a présidé à l’élaboration  de la loi sur les sociétés anonymes, ajoute l’organe du Ministère public. Les formalités nécessaires pour la constitution de ces sociétés sont soigneusement formulées dans la loi.
Philippart ayant racheté pour 2.200.000 francs la ligne Morris (ligne du Bois), MM. Dansaert et Moselli offrirent à M. Vaucamps de céder son réseau à Philippart. Celui-ci, qui ne voulait pas vendre, demanda d’abord 10 millions, puis s’arrêta à 8.500.000 francs. Dansaert et Moselli vinrent trouver Philippart et lui proposèrent l’affaire. Philippart consenti, à condition que l’on garantirait 5 p.c. sur l’exploitation.
L’affaire se conclut plus tard.
MM. Dansaert et Moselli reçurent chacun une commission de 50.000 francs. Il en fut de même de Montefiore, qui était intervenu.

L’affaire faite, il s’agissait d’obtenir de l’argent. M. Philippart parvint à acheter l’affaire sans la payer, et il l’a revendue en se faisant payer.
Philippart était parvenu à s’emparer de l’administration de la Banque Belge. Il vint dire à cet établissement : vous allez avancer les fonds nécessaires pour payer les tramways. Vous recevrez des actions en échange, et vous vous en débarrasserez au moyen d’une souscription publique qui vous fera rentrer dans vos avances.
C’est alors que l’acte constitutif de la société anonyme des Tramways Bruxellois a été constitué devant le notaire Van Halteren, de Bruxelles, au capital de 15 millions de francs divisé en trois catégories d’actions.
L’affaire avant été cédée à la Banque Belge pour le prix de 12.000.000 de francs qui furent divisés en 40.000 actions privilégiées.
Il y avait en outre 10.000 actions ordinaires.
Les actions de dividende formaient la 3ème catégorie de titres.
Les actions ordinaires ne recevaient d’intérêts qu’après que les actions privilégiées avaient touché 15 francs. Celles-ci prenaient encore 20 p.c. sur le surplus des bénéfices. Les actions de dividende venaient en 3ème ordre.

M. le substitut fait connaître les apports faits à la société anonyme des Tramways Bruxellois.
Il lit ensuite les lettres adressées par la Banque Belge à M. Philippart.
Les conventions avec la Banque belge, dit l’orateur, étaient bonnes pour le cas où l’affaire eût marché. Mais il n’en fut pas ainsi, et la Banque belge fut forcée de reprendre les titres dont le public n’avait pas voulu.
Un premier syndicat s’est formé entre les Tramways et la Banque belge, qui avait cette position privilégiée, à savoir que l’on offrait d’abord au public les actions privilégiées qu’elle avait reçues.
Ce syndicat s’est ensuite subdivisé : la Banque a offert à un certain nombre de personne de rentrer dans l’affaire.
Quand il s’est agi d’écouler les actions, des agents de change se sont dit que la Banque belge soutiendrait forcément les cours et qu’ils pourraient l’obliger à racheter leurs titres. C’est là du tripotage et il est bon, dit le ministère public, que l’on connaisse ces manœuvres.
La société une fois constituée, le public apprit bientôt que l’affaire n’allait pas et que les intérêts ne seraient pas payés. On fit à la Banque Belge un procès qui s’est plaidé avec assez de fracas. Il s’est terminé par la menace faite par un avocat d’adresser une plainte au procureur du Roi.
Le lendemain, Philippart faisait offrir aux souscripteurs de les désintéresser et de rembourser le capital et les intérêts.

Le point principal de la prévention, c’est la fabrication, en 1875, d’une notice destinée à tromper le public sur la situation des tramways et à lui faire croire que le bénéfice était assuré.
Dans cette notice, il est parlé d’un capital disponible. Or, en termes de banque, on appelle un capital disponible un capital qui n’existe pas, mais qu’à tout moment, on est en droit de demander en vertu des statuts. Le public ignore ce détail.
Le paragraphe relatif aux recettes brutes est rédigé d’une façon ambigüe et doit encore abuser le lecteur sur le chiffre des recettes.
Enfin, la notice présente le revenu donnant 9,50% du capital à garantir. C’était un mensonge flagrant, d’après l’organe du Ministère public. Dans l’esprit de M. Philippart, dit-il, la situation n’était point telle en 1874, mais en 1875 elle eût pu l’être sans diverses causes imprévues qui ont nui à l’exploitation des tramways.

Quand M. Joris alla proposer à M. Vaucamps, de la part de M. Philippart, le rachat de ses lignes de tramways, celui-ci fit carrément ses conditions. Il réalisait en 1874 une moyenne de 100.000 francs de bénéfices par mois. C’est sur cette donnée que Philippart proposa à la Banque Belge la négociation dont il est parlé plus haut. Toutefois, M. Marsillon fut avant tout chargé d’une vérification. Il évaluait les recettes brutes des tramways Vaucamps à 600.000 francs seulement et les recettes annuelles à 400.000 francs environ. Le réseau valait en décembre 16.000.000 d’après M. Marsillon.
L’affaire fut discutée aux Bassins Houillers où eut lieu une conférence. Là on s’aperçut que Dansaert et Moselli n’avaient pas fait connaître les vraies intentions de Philippart à Vaucamps. Celui-ci menaçait de rompre la négociation, mais sur l’intervention de MM. Dansaert et Moselli, Vaucamps consentit à rabattre ses prétentions et à conclure la vente pour 8.200.000 francs.

M. le substitut du Procureur du Roi accuse le prévenu d’avoir trompé la banque Belge et le public sur le chiffre des bénéfices des Tramways Bruxellois. Philippart, il est vrai, nie avoir pris aucune part à la confection de la notice incriminée, mais devant M. le juge d’instruction, il a dit voir vu les premiers exemplaires tirés et fait corriger quelques erreurs qui s’y trouvaient.

AUDITION DES TEMOINS


De Laveleye, Georges, rue de Stassart à Ixelles, a rédigé la notice des Tramways Bruxellois. Il l’a faite dans la forme habituelle. Il a écrit un projet qui a été modifié plusieurs fois.
M. Le Président. De qui teniez-vous le chiffre des recettes brutes ? – Réponse : de M. Philippart et de plusieurs autres.
D – A quelle époque aurait été tirée la première épreuve ?
R – le 18 ou le 20 décembre.
M. Philippart – N’a-t-il pas fallu un bon à tirer pour qu’on ait tiré 1.900 exemplaires de la notice incriminée ?
R – Je crois que le texte de la notice était alors considéré comme définitif, sauf rectification.
Maitre A. Picard : Aurait-on envoyé de ces exemplaires à des agents de change, si la rédaction de la notice n’était pas définitive ?
R – Non, à moins qu’on ne le fit à titre confidentiel.
M. le Substitut : N’est-il pas possible que M. Philippart, vu l’urgence, ait approuvé la première rédaction à titre provisoire ?
R – c’est possible
M. le Président : Quand M. Philippart vous a donné les chiffres des recettes des tramways, vous a-t-il fourni des détails ?
R – non
D. Vous a-t-il parlé de la vérification Marsillon ?
R – non
D – Comment avez-vous apprécié le chiffre ?
R – J’ai cru que ce n’était pas le chiffre définitif des recettes encaissées. J’ai compris que c’était un chiffre dont on pouvait compter sur l’avenir.
D – Pouviez-vous garantir le revenu de 15 francs par action privilégiées ?
R – Je considérais ce revenu comme certain.
Maitre A. Picard : ce n’est pas le langage des affaires.
M. le Président : Nous sommes ici sur un autre terrain.
Maitre A. Picard : Le prospectus dit que l’on a examiné certaines recettes mensuelles, mais non pas toutes celles de l’année.
Le témoin : La notice ne dit pas que l’on eût encaissé une recette de 1.800.000 francs, mais que cette recette était certaine.
M. le Substitut : Pourquoi alors n’avez-vous pas précisé et dit « quelques relevés mensuels » et « recette probable » ?
R – Je n’avais en vue que de faire connaître l’allure des affaires.
Maitre Ed. Picard : Les faits que vous mentionnez comme devant exercer une influence sur les recettes, devaient-ils les augmenter ou les diminuer, dans votre pensée ?
R – Ils devaient les augmenter. C’était ma première impression, elle a été modifiée par d’autres personnes.
M. le Substitut : Pourquoi avez-vous supprimé, dans le projet de notice, le chiffre des recettes annuelles ? Était-ce sur une indication de M. Philippart ?
R – Je l’ai supprimée parce qu’il était inutile et compliquait la rédaction.
D – Avez-vous été en relations suivies aux Philippart pour cette notice ?
R – Non. Je crois ne l’avoir vu qu’une fois ou deux à l’origine.
Maitre Ed. Picard : Que vous a dit M. Philippart en indiquant le chiffre de 1.800.000 francs ?
R – Ce chiffre était la base de l’affaire : 1.800.000 francs de produit brut, 600.000 francs de produit net.

Vaucamps, Charles
, 40 ans, industriel à Huysinghem à Londerzeel. Le témoin a vendu son réseau à M. Philippart par l’intermédiaire des agents de change Moselli et Dansaert. L’affaire s’est négociée au Bassins Houillers du Hainaut, dans des réunions. Des propositions avaient été faites d’abord par MM. Dansaert et Moselli. J’ai d’abord demandé 10 millions dit-il, puis j’ai fait une concession : je me contentais de 8.500.000 francs.
M. Philippart voulait traiter l’affaire sur un calcul de 5 p.c. de bénéfices. Sur mes observations, il a décidé que M. Marsillon examinerait mes libres. Celui-ci est venu chez moi avec M. Joris, et je lui ai fait voir les frais d’exploitation et les recettes du mois d’octobre que je considérais comme une moyenne. Je lui ai exposé aussi les bénéfices probables pour l’avenir et les améliorations possibles.
M. Marsillon a fait ses calculs d’après 4 mois de recette.
Dans une seconde réunion, on a trouvé trop élevé le prix de 8.500.000 francs. M. Marsillon avait fait toutes sortes d’objections. D’acheteur à vendeur, on marchande.
Je considérais l’affaire comme rompue, quand après de nouvelles négociations, j’ai consenti à une nouvelle diminution de 300.000 francs. L’affaire a été conclue pour 8.200.000 francs.
M. le Président : M. Philippart faisait-il une bonne affaire ?
R – Certainement.
Maitre Ed. Picard : Quelle devait être la recette présumée du mois de janvier 1875 ?
R – 100.000 francs par mois.
D – Combien cela devait-il donner de bénéfice net ?
R – Je ne suis pas à même de le dire.

Gaudron, Louis, employé à Schaerbeek. Le témoin est comptable chez M. Vaucamps. Il évalue les recettes brutes de l’année 1874 à 1.050.000 francs environ. Le coefficient était de 63 p.c.
M. le Président : Peut-on exploiter avec un coefficient de 63 p.c. au minimum ?
R – oui.
M. le Substitut : Les recettes, à ce moment-là, permettaient-elles de promettre une augmentation de recettes ?
R – oui

Willems, Joseph
, Ingénieur à Schaerbeek. Le témoin a été employé dans les concessions Vaucamps. Le matériel des tramways était entretenu avec beaucoup d’économie, mais très convenablement.
D – Quelle était la valeur du réseau ?
R – Je ne pourrais pas le dire. Je ne m’occupais que des voies. L’exploitation est très variable ; je crois que le coefficient peut être évalué à 70 ou 75 p.c. pour l’année 1873.

Dansaert, Eugène, sans profession, à Bruxelles. A été l’intermédiaire entre MM. Philippart et Vaucamps. Celui-ci avait fait les premières avances. J’en parlai à M. Moselli, dit-il, et nous fîmes une démarche après de M. Vaucamps, qui nous reçut d’abord assez mal, mais qui nous accorda l’option pour 10 millions.
Le témoin confirme les détails que l’on a lus plus haut : M. Vaucamps a rabattu ses prétentions et finalement l’affaire a été conclue pour 8.200.000 francs. J’avais traité pour ce prix, dit-il, et M. Philippart a approuvé le prix que j’avais fait.
M. le Substitut : Cette diminution de prix de 300.000 francs, n’était-elle pas accordée parce que M. Vaucamps comptait être payé en argent au lieu de l’être en actions de dividende des Tramways, comme c’était convenu d’abord ?
R – Je ne saurais le dire.
M. Philippart : C’était le résultat d’un marchandage, voilà tout.

Moselli, agent de change à Bruxelles, confirme la déposition précédente. MM. Philippart et Dansaert d’une part et Vaucamps de l’autre, ont marchandé. On a conclu l’affaire pour 8.200.000 francs.

Marsillon, ingénieur civil à Paris, a été chargé par M. Philippart de constater le bénéfice des tramways Vaucamps pendant l’année 1874.
La comptabilité m’eût éclairé sur les dépenses, dit-il, mais M. Vaucamps s’est énergiquement refusé à me laisser voir ses livres. Il avait l’air de considérer ma mission comme inutile.
J’ai fini par évaluer, à l’aide d’autres éléments, le bénéfice pour 1874 à 400.000 francs. De là, débat entre M. Vaucamps et moi. Il prétendait qu’il ne fallait se baser que sur les mois où exploitation avait été normale. Et il indiquait 480.000 francs pour le bénéfice annuel.
J’évaluais la valeur du réseau à 6.000.000 de francs. L’exploitation avait été bien faite par M. Vaucamps.
J’ai dit à M. Philippart que, d’après moi, le prix demandé par M. Vaucamps était trop élevé.
Maitre Ed. Picard : Y a-t-il quelque chose d’exagéré dans les chiffres de la notice de M. Philippart ?
R – le chiffre de 1.800.000 francs de recettes brutes  pour une année normale est exact d’après moi.

Lucien André
, employé à l’administration des chemins de fer, donne des renseignements sur la façon dont la notice a été faite. Il ignore si M. Philippart a eu communication du projet ou des épreuves.
M. Philippart reconnait avoir eu la notice sous les yeux le 25 décembre, jour où le prospectus a été répandu dans le public.
Le témoin s’est trouvé à la réunion qui a eu lieu au local des Bassins Houillers pour la négociation relative à la reprise par M. Philippart du réseau des tramways Vaucamps. C’étaient les recettes probables quand certains obstacles à l’exploitation disparaitraient et que certaines améliorations se réaliseraient.
Nous n’acceptions pas le chiffre de M. Vaucamps dit le témoin. Mais après une assez longue et assez vive discussion, les parties ont fini par se mettre d’accord sur le prix de vente de 8.200.000 francs.

Ruyters, Victor, avocat à Bruxelles, était secrétaire de la Banque Belge à l’époque de la constitution de la société anonyme des Tramways Bruxellois. Il ignore comment s’est faite la notice, mais il lui parait probable que M. Philippart a dû avoir connaissance de ce prospectus.
Il n’a jamais été question à la Banque Belge de faire « mousser » l’affaire : on la considérait comme bonne.

Romedenne, Edouard, changeur à Liège, a été sollicité de prendre participation dans l’affaire.