jeudi 25 mai 2017

Les conditions de travail aux "Tramways Bruxellois", 1890-1899 ^^

Je me suis posé la question de savoir quel était le quotidien des conducteurs et receveurs de tramways de la "Belle Epoque". Pour avoir vu les conducteurs du Musée du Tram conduire les anciennes motrices 984 et 1305 debout, dans le vent, la pluie et la neige, ou encore sous un soleil de plomb, la première réponse qui me vient à l'esprit est que leurs conditions de travail étaient vraisemblablement pénibles.

Un équipage formé d'un conducteur et de deux receveurs, entre 1905 et 1915. Lieu et auteur inconnu.


Mais une "première impression" n'a rien de scientifique, alors j'ai fait des recherches. Et voici ce que j'ai trouvé...


Les premières informations que j'ai réussi à compiler étaient de nature technique: il a fallu attendre
1880 pour voir apparaître les premières voitures munies de portelles à la plate-forme avant et 1890 pour que les voitures ouvertes soient munies d'écrans vitrés placés aux deux extrémités.


J'ai ensuite retrouvé une lettre adressée par les Tramways Bruxellois à la Ville de Bruxelles, datée du 30 avril 1898, ainsi libellée:

"Ainsi que nous l'avons déjà déclaré dans notre lettre du 14 décembre 1897, comme minimum de salaire et comme maximum d'heures de travail à notre personnel les conditions qui lui sont consenties actuellement.

Nous garantissons également le maintien de tous les avantages accessoires qui sont assurés au personnel.

Nous déclarons en même temps que les heures supplémentaires à faire éventuellement par nos agents seront payées proportionnellement aux salaires de chaque catégorie d'agents avec minimum de 40 centimes de l'heure.

La journée est, en réalité, ainsi que vous pourrez le constater, de 10 heures pour notre personnel. Les quelques minutes dont la durée moyenne par dépôt dépasse ces 10 heures sont une conséquence inévitable du genre de service que nous effectuons. En ce qui concerne le dépôt de la chaussée d'Anvers, dont la moyenne de travail dépasse celle des autres dépôts, des ordres sont donnés pour réduire cette moyenne à ce qu'elle est dans ces autres dépôts.

Il est d'ores et déjà décidé que la majoration de salaire de 25 centimes par jour aux agents attachés au service des voitures électriques sera étendue aux lignes à armer par la traction électrique en telle manière que, d'une façon générale, les agents faisant le service sur les voitures électriques aient une paie supérieure de 25 centimes par jour à la paye des agents desservant les voitures à traction chevaline.

Nous nous engageons également, indépendamment du minimum de salaire, du maximum d'heures de travail et des autres conditions reprises ci-dessus, à ne jamais rapporter les mesures qui seraient prises en faveur du personnel dans le futur en vue d'améliorer encore les conditions de leur travail. 

Nous sommes absolument résolus, Messieurs, dans l'avenir, comme nous l'avons toujours fait dans le passé, à rendre meilleures les conditions générales du travail de notre personnel à mesure que notre entreprise se développera."


Dépôt de l'avenue de l'Hippodrome, entre 1905 et 1915.  Auteur inconnu.



Il convient d'attirer l'attention du lecteur sur le fait qu'à Bruxelles, les Tramways Bruxellois font office de "premier de classe" en matière de conditions de travail. Les agents des autres compagnies de transport en commun de l'époque n'étaient pas aussi bien lotis...

A. Durée du travail.

La durée de la journée, était initialement de 16 heures en 1875, lors de la constitution de la société des Tramways Bruxelles. Le règlement pour receveur de 1897 fixe la durée de la journée de travail à 12 heures. Cette durée est à nouveau réduite en 1898 afin de passer à 10 heures et un quart. Ces 10 heures de prestation sont interrompues par un repos permettant aux agents de prendre leur repas. Ce repos ne pouvait pas être inférieur à une heure et atteignait parfois trois heures. Jusqu'en 1886, les agents n'étaient pas remplacés à l'heure des repas. La voiture se garait simplement et laissait passer un départ. Pendant ce temps, les agents pouvaient rapidement prendre leur repas qu'on leur apportait de chez eux.

Cependant, cette pause-repas ne pouvait pas se faire dans la voiture: le règlement pour receveur mentionnant très explicitement (chapitre IV - article 14) que "défense est faite au receveur de s'asseoir sur la rampe du garde-boue ou dans sa voiture, en quelque endroit que ce soit. Il lui est également défendu d'y prendre ses repas ou de s'y coucher, même aux extrémités des lignes".

De plus, bien que la moyenne générale de la durée du travail aux Tramways Bruxellois est de 10 heures et quart par jour en 1898, on ne compte les heures de travail qu'à partir du moment où le cocher et le receveur partent avec la voiture et jusqu'au moment où ils rentrent au dépôt. Mais ce n'est pas là réellement le commencement et la fin de la journée. En effet, les receveurs doivent arriver plus tôt au bureau, afin de prendre et de vérifier leurs coupons et de faire viser leur feuille de service. Lorsqu'ils rentrent au dépôt, ils doivent faire leurs comptes. Il faut donc compter au moins une demi-heure supplémentaire par jour.


On rajoutera que lorsque le receveur était porté "de réserve non payé" ou lorsque c'était son jour de repos, il devait quand même se présenter à son pôt à l'heure indiquée sur le feuille de service et qu'il ne pouvait quitter son dépôt qu'après avoir reçu l'autorisation de l'employé chargé de la surveillance du départ des voitures (règlement pour receveur - chapitre III - article 4).


B. Salaires.

En ce qui concerne les salaires, les receveurs des Tramways Bruxellois reçoivent à leur admission un salaire journalier de 3 francs 25. Ce salaire est porté par augmentations successives et à périodes fixes à 3 francs 50, 3 francs 75, 4 francs et 4 francs 25 après 32 mois de présence. Les agents desservant les voitures électriques reçoivent en plus un supplément journalier de 25 centimes.


Notons que le stage d'admission (d'une durée de 5 à 10 jours) n'était pas rémunéré et que les receveurs étaient tenus, les jours où ils étaient en congé, d'accompagner les receveurs des lignes dont ils ne connaissaient pas le tarif, afin d'être à même de pouvoir également le faire en cas de nécessité (règlement pour receveur- chapitre II - article 7).



C. Autres avantages.

Les agents des Tramways Bruxellois bénéficiaient d'un jour (ou de deux demi-jours) de congé par semaine de 7 jours. Néanmoins, lorsqu'un receveur ou un cocher était en congé, il devait quand même se présenter au dépôt ce jour-là, afin de s'assurer si le remplaçant éventuel était présent, comme nous l'avons déjà mentionné ci-avant. Lorsque le remplaçant n'était pas là, le receveur devait quand même prendre le service. On ne peut donc pas dire que l'employé en congé jouissait, dans ces conditions, d'un repos complet, puisqu'il ne pouvait pas disposer à son gré de sa journée de congé.

Il existait des secours en cas de maladie, mais limités dans le temps (15 à 75 jours en fonction de l'ancienneté) et à un pourcentage du salaire (25 à 50%). En cas de décès, un secours de 500 francs était apporté à la veuve ou aux ayants droits du défunt.


La Société des Tramways Bruxellois avait organisé une Caisse de Pension au bénéfice de ses employés. Tout agent ayant 60 ans d'âge et 25 ans de service, avait droit, à sa demande, à être mis à la pension de retraite. Tout agent ayant au moins 10 années de service et frappé, par la suite, de vieillesse, de maladie ou d'accident arrivé en service, d'une incapacité permanente de travail, avait droit à une pension d'invalidité. Ces pensions étaient de 365 francs par an et viagères. Cependant, très peu d'agents devaient toucher une telle pension de retraite: l'espérance de vie à la naissance, pour un homme, en 1899 est de 47 ans.

On notera que les employés des Tramways Bruxellois recevaient également une allocation de 10 centimes par jour, à verser sur son compte de masse d'habillement, pour leur uniforme. Cet uniforme comprenait un veston, un gilet, un pantalon, un képi, un pardessus, une écharpe et un épingle. Les receveurs et conducteurs recevaient, gratuitement dans tous les aubettes surveillées, du café chaud en hiver et des boissons rafraichissantes en été. Ces aubettes tenaient également une brosse à habit, de l'eau, du savon et un essuie-main à l'attention des receveurs qui en auraient besoin.

1 commentaire:

  1. MON GRAND PERE ET MON PERE ETAIENT DES CONDUCTEURS DE TRAM AVANT LA GUERRE, PENDANT LA GUERRE ET APRES

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