lundi 7 novembre 2016

Des chevaux des Tramways Bruxellois ^^

Depuis plusieurs mois, je collecte les informations relatives aux chevaux des Tramways Bruxellois. On parle souvent des motrices et des baladeuses, des conducteurs, des contrôleurs, mais on ne parle pas souvent des chevaux. Collecter ces informations a été assez long et laborieux, et je suis heureuse de pouvoir (enfin!) les partager avec vous.

1. Préambule.

L'exploitation de tramways par "cavalerie" était un investissement très lourd et couteux, car celle-ci se devait d'être nombreuses et en bonne santé. La qualité du transport dépendait en grande partie de l'état des chevaux. Qui dit chevaux dit "logement", "nourriture", "soins", "harnachement" et j'en passe. Il n'est pas étonnant que remplacer le "moteur à crottin" par un moteur électrique ou à explosion a été l'une des préoccupations majeures des sociétés de transport de la fin du 19ème siècle!

Une voiture d'omnibus de la ligne Bourse - Place communale d'Ixelles.


2. Naissance et immatriculation.

Les chevaux étaient "immatriculés" dès la naissance et ils avaient des papiers. Un peu selon le même principe qu'avec nos voitures actuelles. Il y avait également une taxe sur les chevaux, dont les propriétaires devaient s'acquitter.

En dehors de cette immatriculation "standard", les chevaux des Tramways Bruxellois recevaient également un numéro d'ordre. Comme on peut le voir sur le document suivant, les numéros 1 à 539 ont été donnés aux animaux provenant des compagnies Morris et Vaucamps qui, après fusion, ont donné naissance à la Société Anonyme des Tramways Bruxellois.

Etat de services des chevaux des Tramways Bruxellois, au 31 décembre 1882


Au long des années, les numéros attribués aux chevaux ont dépassé les 6000, du fait que ces numéros n'étaient pas réutilisés. Ce n'est qu'en 1921 que les deux derniers quadrupèdes ont été vendus. Ils ne remorquaient alors plus de voitures d'omnibus, mais des camions du service des voies et travaux.

Je vous ai fait un petit tableau vous reprenant le nombre de chevaux en service, année par année (pour autant que j'ai été en mesure de retrouver l'information, car j'ai encore des données qui manquent, notamment entre 1889 et 1899):


Attention: ce tableau de tient pas compte des fluctuations "saisonnières". J'ai lu, par exemple, que les TB avaient acheté 100 chevaux supplémentaires dans le cadre de la desserte du Grand Concours des Sciences et de l'Industrie de 1888, et qu'ils les ont revendus au cours de la même année, une fois l'exposition terminée. Autrement dit, ces chevaux ont du recevoir un numéro d'ordre, mais n'apparaissent pas dans le décompte annuel.

2. La vie dans l'écurie. 

Les chevaux, forts et musclés, sont des bêtes du pays ou bien des percherons français, mis en service vers l’âge de 6 ans. Ils travaillent 5 à 6 années dans le service des omnibus, ou 10 à 12 années dans le service des camions des voies et travaux. On les nourrit au moyen d’avoine, de paille hachée, de mélasse, de son, de foin et d’un barbotage d’orge cuit et de graine de lin. Comme cela est précisé dans le rapport annuel de l'année 1898, la ration journalière d'un cheval coute 1.52 francs. Évidemment, le cout d'une ration journalière varie d'une année en année en fonction des variations des prix des matières premières!

Pour nourrir sa cavalerie, les Tramways Bruxellois achètent en gros. En très gros même. On peut ainsi lire, dans le "Journal de Bruxelles" du 6 mars 1898:
"La société anonyme Les Tramways Bruxellois achète:
1. de 40.000 à 500.000 kilos d'avoine;
2. de 10.000 à 500.000 kilos de foin.
Pour les conditions, s'adresser rue du Vautour 53 à Bruxelles.
"


Chaque cheval avait sa propre bride, avec son numéro d'ordre inscrit dessus ainsi qu'éventuellement le numéro du dépôt dont il dépendait. Ce même numéro d'ordre était également noté sur son box.

 
Le nombre de palefreniers dans un dépôt varie suivant le travail qu'ils ont à faire. Lorsqu'ils sont chargés du pansage, du lavage des harnais, du harnachement et des relais, on compte un palefrenier pour 10 chevaux. A la Compagnie Brésilienne, chaque palefrenier a 12 chevaux à soigner, vu qu'il ne fait pas les relais et que ce sont les cochers qui attellent. Les relais sont faits par des enfants sous la conduite d'un palefrenier ou d'un laveur.

A côté des palefreniers, on retrouve également
des relayeurs, nourrisseurs, selliers, veilleurs, infirmiers, vétérinaires et maréchaux-ferrants. Tour cela pour dire que non seulement les chevaux coutent cher en nourriture, mais aussi en personnel et en soins. J'ai même retrouvé trace, dans un ancien document, de frais de "cours destinés aux chevaux"!


Outre les écuries et les remises pour les voitures, on trouve dans les dépôts une maréchalerie, une forge, une sellerie, un atelier de bourrellerie, un grenier à fourrage et une infirmerie pour les chevaux. Les fers devaient être vérifiés fréquemment et changé, selon les parcours, tous les 8 à 20 jours.
Quant aux fumiers, ils étaient déposés dans un bâtiment isolé et leur évacuation était réalisé par des entreprises spécialisées.


3. Au travail!

Un cheval parcourt à l'époque un maximum de 30 kilomètres par jour. Si l'on considère qu'il tracte son tramway à une vitesse de croisière de 8 kilomètres / heure, cela signifie qu'il ne reste que 4 à 5 heures en ligne (en comptant les temps de repos). Comme le service est généralement assuré de 6 à 22 heures (soir pendant 16 heures par jour), avec des voitures à deux chevaux, on arrive déjà à 8 chevaux par voiture, auxquels il faut encore rajouter une moyenne de 15% de chevaux au repos ou malades. Bref, deux chevaux qui tirent une voiture = +/- 8 chevaux au repos.


Une autre voiture d'omnibus de la ligne Bourse - Place communale d'Ixelles.

4. Fin de carrière.

Une fois sa carrière finie, vers l’âge de 12 ans dans le service des omnibus, le cheval était réformé et vendu, en général en milieu privé, dans l’agriculture. Il fallait aussi compter avec les chevaux qu’il fallait réformer précocement, épuisés, devenus incapables d’un travail valable, et bons seulement pour l’abattoir, ainsi qu’avec ceux qui mourraient pendant leurs années de service, d’accident ou de maladie.



5. Et les épidémies?


Un lecteur m'a écrit pour me signaler que le tram hippomobile de Douglas (Isle de Man) a dû suspendre ses services le 9 mai 2017 à cause d’une épidémie d’infection respiratoire dans sa cavalerie. Un service limité doit reprendre à partir du 24 mai. Il me pose la question de savoir comment les Tramways Bruxellois géraient ce genre de “problème” à l’époque.

Voici le début de réponse que j'ai trouvé: en 1892, lorsque la cavalerie des Tramways Bruxellois est victime d'une épidémie de fièvre typhoïde, de nombreux chevaux en décèdent, tandis que beaucoup d'autres sont immobilisés, devant être soignés et "mis au vert".

Cela a engendré des frais importants (honoraires des vétérinaires, médicaments, location de prairies pour la convalescence des animaux,...) ainsi que des diminutions de recettes (vu que les services furent fortement réduits).

Donc, en gros, disons qu'ils géraient "au mieux" ^^



Sources:
* Rapports annuels des Tramways Bruxellois, 1875-1914.

* "Le mécanisme de fonctionnement des grandes entreprises de transport urbain" un article rédigé par Victor Soyer et paru dans la revue du Touring Club de Belgique, 1914.
* "Le tramway et sa cavalerie, une machine lourde et couteuse" un article rédigé par Henri Le Brigand et paru en 1985 dans « La Vie du Rail », numéros 2008 et 2009.
* "Les Tramways Urbains, 1930", fascicule édité par les Tramways Bruxellois à l'occasion du centenaire de la Belgique.



Liens:
 
* On peut se faire une idée d'à quoi ressemblaient ses écuries, à partir des photos prises dans le dépôt de la Chaussée de Haecht: vue extérieure - façade arrière - vue du rez-de-chaussée, avec la forge du maréchal-ferrant. Le bâtiment, connu aujourd'hui sous le nom des "Ecuries van de Tram" a été rénové et est actuellement occupé par l'asbl Maison Fondée. Vous pouvez retrouver, sur leur site web, de nombreuses photos du bâtiment ainsi que de la forge (elle aussi rénovée).* Les Tramways Bruxellois possédaient aussi un manège, qui était situé rue de l'Amazone à Saint Gilles. Le bâtiment est aujourd'hui démoli, mais vous pouvez en retrouver une vue intérieure ici.


* Pour retrouver les dispositions du règlement pour cocher relatives à la cavalerie, il suffit de cliquer ici.


Bonne soirée,

Callisto

2 commentaires:

  1. Claire: As always I love to see all those parts of your blog.
    Friend always.
    Elvira in South Carolina.
    PS: I will send you a private message today, November-11-2016.

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