samedi 19 janvier 2019

La traction par accumulateurs aux Tramways Bruxellois, façon 1886 ^^

L'ancienne presse belge numérisée regorge de détails parfois oubliés des historiens traminots, vu que ces "petites histoires" ne sont pas relatées dans les rapports annuels des sociétés de transport concernées. Nous avons, dans un précédent article, abordé la question de la traction par accumulateurs aux Tramways Bruxellois, telle qu'elle a été "testée" entre 1883 et 1890.

Je vous propose de continuer à approfondir les différents essais qui ont été réalisés. Après les essais des années 1883 et 1884, voyons maintenant les essais réalisés en 1886.

Bonne découverte!



Extrait #1: la "Revue Industrielle" du 9 septembre 1886:

Le tramway électrique de l'exposition.

On vient d'expédier de Bruxelles un tramway électrique construit tout exprès pour faire le service entre le palais de l'Industrie et la place de la Concorde pendant l'Exposition des Sciences et Arts Industriels.

Cette voiture a été fabriquée par la société "L’Électrique" et sera mue par une batterie d'accumulateurs Julien. La voie, sur laquelle elle doit marcher, est établie depuis plusieurs jours déjà, l'expérience ne tardera donc pas à être faite.

Après avoir figuré à l'Exposition de Paris, ce tramway reviendra à Bruxelles, où il sera employé sur la ligne du quartier Léopold. 

La voiture à accumulateurs Julien des Tramways Bruxellois à l'exposition de Paris en 1886
  
Extrait #2: "L'Indépendance Belge" du 17 septembre 1886:

Une expérience de traction électrique a eu lieu mercredi. On a promené sur les boulevards du centre une grande voiture d'un confortable raffiné qui va partir pour New-York. Elle a été construite pour Monsieur Julien dans les ateliers des Tramways Bruxellois.

La force était fournie par des accumulateurs Julien, dont nous avons déjà expliqué le principe il y a quelques années. Depuis lors, des progrès marquants ont été introduits. Puis, les voitures que l'on avait essayées jusqu'ici étaient d'anciens trams à chevaux transformés pour l'emploi de l'électricité.

On conçoit facilement qu'une voiture qui a été construite de toutes pièces pour être mise en mouvement par le fluide électrique doive être plus parfaite. Celle qui nous a promenés mercredi a été faite pour un pays chaud, où l'on emploie pas de voitures ouvertes, où toutes les places sont toujours occupées et où, par conséquent, il s'agit d'avoir de l'air. Mais son poids est trop lourd pour que la compagnie des Tramways Bruxellois nous en donne de semblables. C'est dommage.

La question de la traction électrique des omnibus intéresse à la fois les compagnies et le public. Avec le système des chevaux, impossible de parer à un coup de feu. On ne peut nourrir les chevaux pendant toute la semaine pour qu'ils gagnent de l'argent le dimanche. Ce serait une opération financière déplorable. De même, s'il y a une heure le matin et une heure le soir où la circulation est très active, les chevaux ne gagneront pas leur avoine en ne travaillant que ces deux heures-là. Avec les voitures électriques, rien de pareil. Le matériel est toujours suffisant pour qu'on puisse lancer des voitures supplémentaires quand le besoin s'en fait sentir. Le public est donc mieux servi et la compagnie fait plus de bénéfices.

Puis, avec l'électricité, on marche à coup sûr. On n'a plus à craindre la morve et la farcin capables de dérouter toutes les prévisions de dépenses. Voilà donc un problème qui a de l'intérêt pour tout le monde. Est-il résolu? Si on interroge les ingénieurs de la compagnie, ils promettent de répondre le 31 décembre 1887, quand l'expérience aura été suffisante et se traduira par des chiffres précis.

Ce qui effraye dans cette question, c'est la perte de force. La machine à charbon, qui perd déjà pas mal de force, met en mouvement une dynamo. Admettons qu'elle garde 80% de la force. La dynamo agit sur les accumulateurs qui gardent 60%. Reste 48% de la force première, et dans la voiture, les accumulateurs agissent sur une dynamo qui ne prend encore que 80%. Reste donc 38% de la force produite par la machine à charbon. C'est effrayant, et encore, c'est l'estimation la plus favorable. Néanmoins, ce chiffre-là peut encore signifier bénéfice, quand il est traduit en francs et en centimes, mais l'avenir seul peut nous l'apprendre.

Nous avons profité de la circonstance pour aller visiter les ateliers de construction des Tramways Bruxellois. Ils sont établis rue du Vautour et ont été successivement agrandis.

L'organisation en est parfaite et fait le plus grand honneur à Monsieur Michelet, le directeur-ingénieur de la compagnie. D'intelligentes dispositions ont été prises pour parer au danger d'incendie. On a installé, d'accord avec le service des pompiers, une conduite indépendante du compteur et de même section que celle de la canalisation. En plusieurs points, il y a des bouches d'eau adaptées à la conduite et, en ouvrant une simple vanne, on est sûr d'avoir dans tous les ateliers une pression suffisante pour pouvoir combattre l'incendie efficacement.
La compagnie a trouvé son avantage non seulement à entretenir son matériel, mais à le construire elle-même. L'entretien coûte deux centimes par kilomètre. On travaille beaucoup en ce moment aux voitures électriques. Elle desserviront les lignes de la rue de la Loi et de la rue Belliard. Deux voitures ont été envoyées à Paris et font le service entre la place de la Concorde et le Palais de l'Industrie. Elles ont été très remarquées par le jury. Elles ont été mises hors concours et leur constructeur a été appelé à faire partie du jury. A la différence de la voiture destinée à new-York, dont les ressorts sont en caoutchouc, les voitures de Paris ont des ressorts qui sont des spirales en acier.

Le voyage de mercredi avait réuni plusieurs ingénieurs distingués, dont Monsieur de Preter, directeurs des Tramways de Prague et Monsieur Rodolphe Coumont, le sympathique président de la Compagnie.

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