L’AFFAIRE PHILIPPART - Procès pour prévention d’escroquerie lors de l'émission des actions des Tramways Bruxellois - 1877 (1/7)
Simon Philippart (7 novembre 1826 – 4 mars 1900) nait dans une famille aisée de fabricants textiles de Tournai. Après le décès, en couches, de sa première épouse, son remariage va lui permettre d’entrer dans une famille fort aisée dont les alliances vont lui permettre de développer ses affaires. C’est après son remariage qu’il se lance dans les affaires ferroviaires, avec l’appui de la Banque de Belgique (qui patronnait déjà sa fabrique de laine peignée) et de la banque de Tournai (dont son beau-frère par alliance est le directeur). Il fonde sa première société ferroviaire, la Compagnie des Chemins de fer des Bassins Houillers du Hainaut, le 1er février 1866.
On peut résumer ses deux principales spécialités comme étant les suivantes :
• Construire des lignes de chemin de fer ;
• Et fusionner des sociétés.
En quelques années, il va se retrouver à la tête d’un réseau de plus de 1.000 kilomètres de voies ferrées, rien qu’en Belgique, qui concurrence directement le réseau des Chemins de fer de l’Etat. Il va aussi, au fur et à mesure de l’achat et de la restructuration des sociétés acquises, étendre ses relations en y joignant les directeurs des sociétés qu’il rachète. Ces directeurs se voient attribuer des postes plus importants que ceux qu’ils occupaient dans leur ancienne société, ce qui les amène à soutenir les projets de Philippart.
Il se tourne également vers l’étranger, et notamment le nord de la France, où il développe des lignes secondaires, reliant les principaux bassins industriels et destinées au transport des marchandises.
En 1874, ses affaires françaises vont assez mal, vu que Philippart doit faire face à de sérieux embarras financiers. Ses premières lignes en exploitation, sur ses divers réseaux construits en France, sont loin de couvrir les charges annuelles. Les dividendes à payer aux obligataires se transforment en un véritable gouffre financier. Les emprunts deviennent de plus en plus difficiles. Philippart et son réseau de connaissances vont racheter en masse les actions de la Banque Franco-Hollandaise, de la Banque Belge du Commerce et de l'Industrie et de la Banque Franco Autrichienne-Hongroise, et vont se faire élire au Conseil d’Administration de ces banques, en vue d’accéder à de nouvelles ressources financières. Celles-ci se trouvent cependant rapidement épuisées. De nouveaux moyens de crédit sont donc indispensables. Simon Philippart cherche donc à se les procurer…
C’est ainsi qu’il s’intéresse aux tramways. A Lille d’abord, et ensuite à Bruxelles. Morris souhaite vendre ses «Voies Ferrées Belges» afin d’investir ailleurs et approche Philippart par l’intermédiaire d’un agent de change. Philippart, dont une des spécialités est, comme nous l’avons dit, la fusion de sociétés, va approcher, lui aussi par divers intermédiaires, Auguste Vaucamps afin qu’il lui cède aussi son réseau. C’est dans ce contexte que va naître, le 23 décembre 1874, la société anonyme «Les Tramways Bruxellois».
Ne soyons pas naïfs : l’intérêt de l’opération est, avant tout, de «rapporter du cash» à la Compagnie des Chemins de fer des Bassins Houillers du Hainaut en écoulant les 40.000 actions privilégiées de 300 francs chacune émises grâce à la fusion des réseaux Morris et Vaucamps.
L’émission, dont la presse fait largement la publicité, s’accompagne d’une notice, dont on peut retrouver un résumé dans le «Journal de Bruxelles» du 3 janvier 1875. Comme les coupons ne seront pas payés à temps (et ne seront même payés qu’à concurrence de 7.5 francs au lieu de 15 !), certains actionnaires feront un procès contre Philippart et plusieurs de ses associés, pour prévention d’escroquerie du chef de l’émission des actions privilégiées des Tramways Bruxellois. Il lui est principalement reproché d’avoir relaté «de faux faits» dans la notice qui accompagnait l’émission. Le 30 juin 1877, la Chambre du Conseil prononce le non-lieu pour tous les accusés, à l’exception de Philippart qui est renvoyé devant le tribunal correctionnel. Son procès se tient du 2 au 9 août. Il est finalement acquitté le 11.
On vous raconte tout cela à l’aide de coupures de presse. Nous vous présenteront d’abord la souscription et sa notice, ensuite les comptes-rendu des audiences des 2, 3, 4, 9 et 11 août 1877.
Partie I: La souscription
On vous redactylographie le texte de la souscription, parce que le texte est quand même écrit "fort petit" sur l'extrait ci-dessus :
LES TRAMWAYS BRUXELLOIS (Société anonyme)
SOUSCRIPTION PUBLIQUE A 40.000 ACTIONS PRIVILEGIEES de 300 francs, remboursables à 400 francs (art. 22 et 24 des statuts) rapport par privilège 15 francs d’intérêt annuel (art.22 des statuts) ayant droit à une participation de 20 p.c. dans la répartition des bénéfices supplémentaires (art. 22 des statuts).
CAPITAL SOCIAL
Le capital social de la société Les Tramways Bruxellois, constituée par acte en date du 23 décembre 1874, par devant Maitre Van Halteren, notaire à Bruxelles, a été fixée à 15 millions de francs, représentés par :
40.000 actions privilégiées de 300 francs chacune, pour un total de 12.000.000 de francs
10.000 actions ordinaire de 300 francs chacune, pour un total de 3.000.000 de francs
50.000 actions de dividende, sans désignation de valeur
Total : 15.000.000 de francs
La Société s’interdit la création de nouvelles actions privilégiées (art. 4 des statuts)
RÉPARTITION DES BÉNÉFICES
Sur les premiers produits nets, il est attribué :
1° par privilège un intérêt annuel de 15 francs, par action privilégiées, après l’allocation des 5 p.c. destinés au fond de réserver légale ;
2° la somme nécessaire pour payer 15 p.c. au capital versé sur les actions ordinaires ;
L’excédent se partage de la manière suivante :
20 p.c. à attribuer aux 50.000 actions privilégiées et ordinaires à titre de second dividende ;
30 p.c. à appliquer à l’amortissement des actions privilégiées d’abord et des actions ordinaires ensuite, par voie de rachat à la Bourse, aussi longtemps que le cours ne dépassera pas 400 francs, soit ensemble :
50 p.c. du bénéfice revenant aux actions privilégiées et ordinaires.
Les 50 pc. Restants reviennent aux actions de dividende.
Les actions ordinaires ne reçoivent d’intérêt qu’après que le service d’intérêt des actions privilégiées des actions soit assuré. Il ne peut être procédé au rachat d’actions ordinaires qu’après rachat complet des actions privilégiées (art. 22 des statuts).
GARANTIES DE L’ACTION PRIVILÉGIÉE
Les recettes, actuellement constatée par les relevés mensuels constituent un produit brut annuel de 1.800.000 francs, laissant un revenu net de 660.000 francs, auxquels il faut ajouter l’intérêt à 5 p.c. du capital des actions ordinaires souscrites (3.000.0000 de francs), soit 150.000 francs.
L’ensemble du produit net actuel minimum est de 810.000 francs.
Le service de l’intérêt des actions privilégiées, seule charge sociale, s’élève à 600.000 francs.
L’excédent disponible est donc de 210.000 francs.
Le service des actions privilégiées est donc largement assuré, les recettes actuelles minimum dépassant de plus de 33 p.c. la seule charge sociale.
L’excédent disponible donne lieu à la distribution d’un second dividende et au fonctionnement immédiat du fond d’amortissement.
De plus, la société des Tramways Bruxellois, ayant ses concessions actuelles libres de toutes charges, avec le matériel, immeubles, dépôts et ateliers à disponible.
Un Capital de garantie de 3.480.000 francs qui forme une sûreté supplémentaire pour les actions privilégiées.
CONDITION DE L’ÉMISSION
Le prix d’émission est fixé à 300 francs, payables :
25 francs en souscrivant
100 francs à la répartition du 11 au 13 janvier 1875
100 francs du 5 au 10 février 1875
75 francs du 5 au 10 mars 1875, contre remise du titre définitif, coupons de l’exercice 1875 attachés
Soit 300 francs
Les souscripteurs pourront, à toute époque, anticiper les versements, avec bonification d’intérêt à 5 p.c.
Le titre libéré au moment de la répartition reviendra en conséquence à 299 francs.
La souscription est ouverte les mercredis 6 et 7 janvier 1875.
On souscrit A LA BANQUE BELGE DU COMMERCE ET DE L’INDUSTRIE
Rue des Douze-Apôtres 24 à Bruxelles
Si les demandes dépassent le nombre de titres mis en souscription, la répartition se fera proportionnellement. Les souscriptions de un à vingt titres pourront être avantagées.
Les versements en retards sont passibles d’intérêt, à raison de 6 p.c. Les actions privilégiées sur lesquelles les versements n’auraient pas été effectués pourront être revendues aux risques et périls des souscripteurs en retard, sans autre mise en demeure, trois mois après la date indiquée pour le dernier versement.
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