lundi 8 octobre 2018

Essais de traction vapeur sur la ligne du Bois de la Cambre, 7 octobre 1875 ^^

L'ancienne presse belge numérisée regorge de détails parfois oubliés des historiens traminots, vu que ces "petites histoires" ne sont pas relatées dans les rapports annuels des sociétés de transport concernées. Aujourd'hui, partons à la découverte du premier essai de traction de voitures de tramways (encore hippomobiles, à cette époque-là) par une locomotive à vapeur, sur la ligne du Bois de la Cambre.

1er extrait: "Le Journal de Bruxelles" du 19 septembre 1875

"Il est question d'employer à la traction des omnibus américains du Bois de la Cambre des machines à vapeur qui seront reçues par l'administration dans les 8 jours. Reste à obtenir l'avis favorable de la ville pour les expériences."

Voici un dessin, probablement réalisé par Albert Jacquet dans les années 1920, qui nous présente le véhicule en question.





2ème extrait: "L'Indépendance Belge" du 8 octobre 1875

Cette fois, vous allez avoir tous les détails ^^

"La nouvelle machine locomobile pour la traction des omnibus de tramways par la vapeur a fait hier matin l'objet d'une seconde expérience sur la ligne du Bois de la Cambre, en présence du Roi et de M. le ministre des travaux publics.

La machine ayant été attachée à une voiture, le train s'est mis en marche à huit heure et quelques minutes. Le train a fait sans encombre le trajet du Bois à la rue Teniers, à Schaerbeek, et vice-versa.

A la hauteur de la place des Palais, le Roi est monté dans le compartiment de seconde classe avec monsieur le comte d'Oultremont, un de ses officiers d'ordonnance. Le Roi a fait une partie du trajet et a paru très satisfait.

M. Arthur du Roy de Blicquy
(1835-1907), ingénieur de la Société Métallurgique et Charbonnière, inventeur de la machine, a été présenté à Sa Majesté, qui l'a vivement félicité.


Comme aspect intérieur, le moteur renfermé dans une caisse de voiture ordinaire ne se révèle que par la présence sur l'impériale d'une cheminée de 50 centimètres environ de hauteur. Deux plates formes trop larges, mais qui n'ont été établies que pour les expériences, existent de chaque côté de la voiture. Dans l'avenir, ces plates formes seront supprimées ou du moins réduites à la place nécessaire au conducteur. Ce dernier est placé exactement comme le cocher actuel d'une voiture de tramway. Au lieu de guides, il tient d'une main un levier qui commande le mouvement, c'est à dire la mise en marche, l'accélération, le ralentissement ou l'arrêt et le démarrage. De l'autre main, il tient le frein comme le font les cochers. Il se sert, en outre, du sifflet en usage.

La machine est supportée par 4 roues dissimulées par des panneaux et un châssis très bas. Disons en passant que nous voudrions voir ce dernier adapté aux voitures ordinaires parce qu'il favorise singulièrement la montée et la descente des voyageurs, et qu'il sert en même temps à écarter les obstacles extérieurs et qu'il empêche les accidents provenant de chute sous les roues des voitures. A part certaines parties du mécanisme qui paraissent être le secret des inventeurs, la machine se compose de tubes indépendants les uns des autres et dont la nature n'aurait d'autre résultat que d'entourer pour un instant la machine d'un nuage de vapeur.

Le foyer est alimenté au coke ordinaire, dont la combustion ne produit que des gaz imperceptibles à la sortie de la cheminée. La vapeur met en mouvement un moteur à trois cylindres, du système Brotherhood, qui communique l'action aux roues par l'intermédiaire d'une vis sans fin et d'un arbre accessoires. A la sortie des cylindres, la vapeur est condensée dans un appareil tubulaire d'une forme spéciale. Nous avons fait remarquer, pendant le cours de l'expérience, que cette condensation n'était pas toujours parfaite et qu'il en résultait par moment quelques bouffées de vapeur blanche qui étaient visible à la sortie de la cheminée. Il nous a été répondu que cet inconvénient n'était que temporaire et qu'on le ferait disparaitre par une augmentation de la surface de condensation dans la machine définitive que la Société est en train de construire.

La chaudière est alimentée d'eau, d'une façon continue, par un petit cheval-vapeur dont le mouvement est indépendant de celui de la machine et permet ainsi l'alimentation pendant les stationnements.

L'ensemble de ces dispositions nous a paru réaliser d'une manière on ne peut plus satisfaisante les avantages suivants:
* L'aspect extérieur de la machine écarte les appréhensions que pourrait avoir le public de voir fonctionner à ses côtés un mécanisme quelconque;
* Le bruit est moins considérable que celui des chevaux attelés à un véhicule ordinaire;
* La mise en train, le ralentissement, l'arrêt et le démarrage sont exactement semblables, sinon même plus prompts et se produisent avec moins de secousses que ceux obtenus par les chevaux;
* Il n'y a ni fumée ni odeur;
* Quant aux nuages blancs, ils sont exceptionnels et doivent disparaître complètement à l'avenir.


Nous avons remarqué un certain effroi manifesté par quelques chevaux d'omnibus de tramway croisés par la machine. Nous avons entendu autour de nous que c'était une question d'habitude et il nous parait que les chevaux des tramways étant destinés à être remplacés par les machines mêmes, toute crainte doit être écartée en principe à cet égard. Quant aux chevaux circulant en dehors de la voie, ils ont généralement fait peu d'attention à ce nouveau concurrent.

Pendant le trajet, on parlait de ce qui arriverait en cas de déraillement en pleine rue, on demandait s'il n'était pas possible d'en faire l'expérience pour voir comment la machine se comporterait et l'on pourrait la remettre sur les rials aussi promptement qu'une voiture à chevaux.
L'expérience a été faite de la façon la plus complète et sans danger pour personne: à l'extrémité de la ligne, près de la rue Teniers, à Schaerbeek, se trouve une courbe à rayon très réduit nouvellement posée et conduisant dans les remises de la Société. La machine s'y engagea sans encombre pour aller prendre de l'eau, mais au retour elle dérailla. Il ne fallut guère plus de 3 minutes pour que le machiniste, sans le secours d'aucun outil, la remit sur les rails.


Nous joignons nos félicitations à celles que la Société Métallurgique et Charbonnière belge a reçu ce matin de tous ceux qui ont assisté à ces intéressantes expériences et nous le faisons d'autant plus volontiers que cette invention vaudra, nous l'espérons, à l'industrie belge l'honneur d'une nouvelle découverte qui est à notre sens le complément indispensable des tramways, non seulement dans les villes, mais encore plus peut-être dans les relations de banlieue et dans celles à créer par des chemins de fer vicinaux établis sur les accotements des routes si nombreuses de notre pays.
"


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