mercredi 24 avril 2019

Albert Vaucamps et l'omnibus à vapeur, 1873-1874 ^^

L'ancienne presse belge numérisée regorge de détails parfois oubliés des historiens traminots, vu que ces "petites histoires" ne sont pas relatées dans les rapports annuels des sociétés de transport concernées. Aujourd'hui, partons à la découverte des essais de traction par la vapeur réalisés par la compagnie Vaucamps ^^


Les premiers essais de traction à vapeur avaient commencé dès décembre 1873. On peut ainsi lire, dans le journal "La Meuse" du 19 décembre 1873:

Dans la nuit de lundi à mardi, la compagnie des omnibus américains a fait, sur le boulevard Central, à Bruxelles, un nouvel essai d'une machine à vapeur destinée à remplacer les chevaux. Plusieurs membres de l'administration communale assistaient à cette expérience. La machine consiste en une locomobile dont la roue de devant est garnie de gutta-percha (= une gomme issue du latex) pour éviter le choc du pavé.

L'expérience n'a point paru concluante. En tous cas, nous engageons vivement nos édiles à ne pas autoriser à la légère la compagnie à opérer la substitution qu'elle recherche dans un but d'économie. Nous les engageons surtout à ne pas se décider d'après les expériences faites la nuit, alors que les voies sont absolument désertes. En effet, la solution du problème n'est pas dans la découverte d'une machine propre à trainer les omnibus, mais elle consiste surtout à éviter les dangers que semblable locomotion offrirait dans les rues de Bruxelles, où la circulation toujours croissante devient chaque jour plus difficile et plus dangereuse.

Les compagnies d'omnibus américains jouissent déjà de suffisamment de privilèges et d'avantages pour qu'on ait le droit de se montrer scrupuleux à leur égard, lorsqu'il s'agit de la sécurité de tous.




Une seconde série d'essais est réalisée quelques mois plus tard. On retrouve leur compte-rendu dans un article intitulé "Omnibus à vapeur", issu de "L'Echo du Parlement" du 11 avril 1874. Il annonce l'arrivée de la locomotive à Bruxelles:
La semaine dernière, on a fait l'essai, sur le chemin de fer de Manchester, Scheffield et Lincolnshire, d'une locomotive pour tramways construite par la compagnie des machines du Yorkshire, d'après le système breveté de L. Perkins. Cette machine est destinée à la Belgian Street Railway Omnibus Company de Bruxelles (société Vaucamps).

Le perfectionnement de cette locomotive consiste en ce qu'elle ne laisse dégager ni fumée ni vapeur et qu'elle fonctionne presque sans aucun bruit. La machine est mue par de la vapeur chauffée à la pression de 500 livres par pouce carré et, à la charge ordinaire, la pression a été maintenue sans aucune difficulté.

Cette locomotive est du système dit "composé". Elle dépense sa vapeur avec la plus stricte économie, les condensateurs à air placés de chaque côté de la machine. La locomotive marche indifféremment à l'arrière et à l'avant, ce qui évite l'emploi des plaques tournantes. La machine a marché à une vitesse de 15 milles à l'heure, à pleine charge, en franchissant des rampes dont l'inclinaison est de 1/200 à 1/80. Cette machine prodigieuse est attendue à Bruxelles sous très peu de jours.




Ce troisième extrait nous décrit la présentation de cette locomotive de tramway à la presse, et a été publié dans "L'Indépendance Belge" du 1er mai 1874:

L'honorable bourgmestre de la ville de Bruxelles a présenté une machine à vapeur "sans vapeur, sans fumée et sans bruit" dont on fera prochainement l'essai sur la lignes des tramways de la compagnie Vaucamps.

"
Sans vapeur" n'est pas précisément exact, la machine étant mue par la vapeur d'eau. Mais la vapeur ne sort pas de la cheminée, complètement privée de ce panache d'une blancheur tourbillonnante qui est l'ornement ordinaire des locomotives et qui, sans inconvénients en rase campagne pour les chemins de fer ou en pleine mer pour les steamers, offrirait de graves dangers dans une grande ville. On voit d'ici les chevaux épouvantés prenant le mors aux dents à l'aspect de ces monstres enfumés et soufflants qui traverseraient nos rues et nos boulevards. Rien de pareil à craindre. Pas de vapeur visible, pas de fumée et pas de bruit. Cette fois le prospectus est rigoureusement conforme à la vérité. On entend le bruit des roues naturellement, mais non le bruit de l'appareil de chauffage et de locomotion.

L'originalité de cette locomotive, dont la force est de 4 ou 5 chevaux, et dont les dimensions sont modestes, consiste dans un système de mouvement perpétuel qui ramène la vapeur dans des tuyaux de condensation pour la reverser à l'état d'eau refroidie mais non froide, dans la chaudière, ou plutôt dans les tuyaux d'ébullition, et ainsi de suite, si bien que c'est toujours la même eau qui fait marcher la locomotive.

Indépendamment de la suppression du panache dont nous parlions tantôt, l'avantage de ce système est d'éviter l'incrustation, l'encroûtement des tuyaux, et de rendre la chaudière non pas inusable sans doute, mais inexplosive.
Ces tuyaux de condensation disposés de chaque côté de la machine lui offrent un faux air de buffet d'orgue.

Nous avons pu constater que cette machine s'arrête facilement et instantanément, sur un simple mouvement de roue donné par le conducteur. Du reste, nous serons bientôt à même de juger plus complètement de ce perfectionnement dans la traction des tramways lorsque l'expérience sera faite, non plus comme aujourd'hui sous la remise de la rue du Vautour, mais sur une des lignes du réseau. Cette expérience aura lieu la nuit, entre une heure et quatre heures du matin, pour éliminer toute mauvaise chance.




Je n'ai pas trouvé de dessin ou de plan de cette locomotive. Par contre, ces recherches m'ont permis de réaliser qu'Albert Vaucamps était une "célébrité". La vente de son réseau bruxellois de tramways et d'omnibus à Simon Philippart, pour 8.2 millions de francs de l'époque, a fait de lui un homme (très) riche, d
'autant plus qu'il obtient la concession d'un chemin de fer de 16 kilomètres reliant Milan à Erba (Italie) en 1877.

On peut ainsi lire, dans "Le Soir" du 2 janvier 1901: "M. Albert Vaucamps, ancien sénateur libéral de Bruxelles, ancien bourgmestre de Huyssinghem près de Hal, est mort à Toulouse le 25 décembre 1900. Il était né le 1er avril 1837. Ce fut lui qui obtint la première concession des tramways du bas de la ville, qui lui avait rapporté une très grosse fortune."

Après son décès, ses chevaux, sa collection de tableaux, de marbres, bronzes, violons et violoncelles, ainsi que son domaine d'Huyzingen sont mis en vente. Le domaine, qui comprend un château, une ferme, un parc avec un lac, une chute d'eau et une vue pittoresque sur la vallée de la Senne, ainsi que des bois, est aujourd'hui la propriété de la province du Brabant-Flamand et est accessible au public, tant en été qu'en hiver.


Le château d'Albert Vaucamps à Huyzingen


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