La génèse des tramways de Charleroi - 1877 à 1881

L’idée d’établir un réseau de tramways à Charleroi remonte à 1873. Deux tentatives de mise en adjudication, faites à cette époque par le Conseil communal, restèrent sans résultat.

A la suite de ces essais infructueux, MM. Gilles et Gouzée demandent, le 1er juillet 1874, la concession d’un réseau de tramways à établir sur le territoire de Charleroi et destiné à le relier à ses communes suburbaines. Après de nombreux pourparlers, et en date du 3 aout 1874, la Ville de Charleroi conclut avec messieurs Eugène Gouzée et Désiré Gilles, un contrat visant à établir et à exploiter un réseau de chemins de fer américain à traction par chevaux ou autre système de locomotion pour le transport des voyageurs et des marchandises, sur la voie publique du territoire de Charleroi. Cette convention fut ratifiée le 15 septembre 1874.

Après l’octroi de cette concession, MM. Gilles et Gouzée obtinrent des communes de Damprémy, Lodelinsart, Gilly et Montigny sur Sambre, le droit de construire et d’exploiter sur leur territoire un chemin de fer américain aux mêmes conditions que celles imposées par le cahier des charges de la Ville de Charleroi.

Que prévoit le cahier des charges (30 décembre 1873)?

- les itinéraires prévus par les articles 1 et 28 sont les suivants:

   1. D’une ligne partant de la Grand'rue et rue Neuve, depuis l’extrémité du faubourg, jusqu’à la place de ville haute, par le boulevard du Centre,

   2. D’une ligne se détachant de la première à la place de ville haute et passant par le rue de France, le boulevard de l’Entre Ville et la rue prolongeant ce boulevard pour aboutir route de Mons, à l’angle du chemin de Heigne,

   3. D’une ligne se détachant de la première à la place de ville haute et passant par la rue d’Orléans, le boulevard de l’Entre Ville, la rue dite du Pont, la rue de l’Ecluse, le quai de Brabant, le quai de Flandre, la rue de Beaumont, la rue de la Prison et la nouvelle route de Bruxelles,

   4. D’une ligne se détachant de la troisième a l’intersection de la rue dite du Pont, et du prolongement de la rue de Montigny, passant par la rue de Montigny prolongée et la route de Montigny, pour aboutir à la limite du territoire de Charleroi, à proximité du Charbonnage du Poirier,

   5. D’une ligne se détachant de la troisième à l’intersection de la rue de Marcinelle et de la rue de l’Ecluse, passant rue de Marcinelle prolongée et traversant le pont métallique.

    6. (Article 29) des embranchements pour le service des marchandises pourront être établis jusqu’aux stations et rivages.

   7. (Article 40) les concessionnaires pourront, avec l’autorisation du collège, établir des voies de raccordement avec les usines et les magasins qui se trouveront dans une zone de 100 mètres et plus de part et d’autres des voies principales, à condition d’en soumettre les plans.

- les rails seront profilés et fixés de manière à ne produire aucune entrave pour la circulation des voitures ordinaires, aucun danger pour les piétons et les chevaux, aucun obstacle pour l’écoulement des eaux pluviales (article 41)

- la disposition, la forme et les dimensions des voitures devront être approuvées par le collège. Leur largeur maxima, y compris toute saillie quelconque, sera de 2,20 mètres. L’entrée et la sortie des voitures seront établies à l’avant et à l’arrière, il ne pourra y avoir ni portière ni marche pieds sur les côtés (articles 44 à 47).

- les voitures circulant sur terrain plat pourront contenir 60 personnes au maximum, et celles roulant sur les terrains à pente ne pourront en contenir que 40. Chaque voiture portera l’inscription du nombre de personnes qu’elle pourra contenir. L’intérieur sera divisé en 2 compartiments, l’un de première et l’autre de seconde classe. Les balustrades de l’impériale devront être établies de façon à prémunir les voyageurs contre tout danger. Elles auront au moins 1,20 mètre de hauteur et seront munies d’un treillage de 60 cm de hauteur en partant du bas (articles 48 à 51).

- l’itinéraire que suivront les voitures sera indiqué à l’extérieur de celles-ci par une inscription succincte et lisible à distance. Les voitures seront munies de lanternes à l’avant et à l’arrière. Chaque voiture aura son numéro d’ordre peint sur l’avant, sur l’arrière et sur les 2 côtés. Chaque voiture devra être pourvue de freins capables de permettre, en toute sécurité, la descente des plus fortes pentes du réseau. Le conducteur devra pouvoir, sans quitter son siège, effectuer la manoeuvre des freins. Lorsque la voiture roulera sur une pente, le receveur ou tout autre agent devra se tenir à portée du frein de derrière (articles 52 à 55).

- la durée de la concession est de 35 ans (article 10);

- le cautionnement est fixé à 8.000 francs, et devra être porté à 16.000 francs dans le cas de substitution d’une société anonyme (article 23);

- le chemin de fer sera exécuté à simple voie avec des voies de garage (article 27);

- les chevaux devront réunir les qualités requises pour satisfaire entièrement aux exigences du service (article 57);

- les conducteurs de trains seront munis de sifflets au moyen desquels ils devront annoncer leur approche aux abords des rues débouchant sur leur route, et dès qu’ils apercevront des voitures ordinaires, près desquelles ils devront passer (article 88);

- les voitures ne pourront marcher à une vitesse de plus de 12 km par heure (article 90);

- le service des voyageurs commencera assez tôt pour être en activité sur tout le parcours au plus tard à 7h30 du matin en été et à 8h en hiver. Il finira au plus tôt à 10h du soir en été et à 9h du soir en hiver (article 94). Les transports de grosses marchandises s’effectueront par des trains spéciaux qui ne pourront circuler que de 11h du soir à 7h du matin (article 95).

Tarifs (articles 96 à 100)

Les prix pour les voyageurs sont de 10 centimes par kilomètre pour la 1ere classe et de 8 centimes pour la seconde classe, avec un prix minimum de 15 centimes pour la 1ere classe et de 10 centimes pour la seconde. Les prix peuvent être arrondis par fraction de 5 centimes pour faciliter la perception.

Les places d’impériales sont assimilées aux places de 2eme classe. Les plates formes, à l’avant et à l’arrière, sont assimilées aux places de 1ere classe. Les enfants de 3 à 7 ans paient le demi-tarif.

En cas de circulation exceptionnelle, les prix pourront être doublés après 9h du soir en hiver et après 10h du soir en été. 

Les concessionnaires sont tenus de publier à leurs frais, et sont autorisés à vendre au prix maximum de 10 centimes, des livrets renfermant toutes les indications relatives aux heures de départ et d’arrivée, aux points d’arrêt, à l’application des taxes et à tous les renseignements concernant le chemin de fer américain qui seraient de quelque utilité pour le public.

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Les concessionnaires satisfirent aux obligations qui leur étaient prescrites. Ils versèrent le cautionnement de 8.000 francs qui leur était demande et firent la remise de leurs plans le 15 novembre 1874.

Ces plans furent transmis au Gouvernement par la Ville de Charleroi, qui insistait pour obtenir les autorisations de traverser la grande voirie, désirant mettre ces voies en exploitation au printemps 1875.

Le Gouvernement refusa de reconnaitre la convention, et exige que la procédure prévue par la loi du 9 juillet 1875 et par son arrêté royal d’exécution du 10 septembre 1875, soit respectée.

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En 1877, un nouveau cahier des charges prévoit une concession d’une durée de 50 ans au profit de messieurs Eugène Gouzée et Désiré Gilles. Il s’agit toujours d’un tramway à une seule voie avec voies de garage, mais le réseau ne comporte plus que 2 lignes, au départ de la station des chemins de fer de l’Etat de la ville basse:

1. L’artère principale traversera la ville du sud au nord, c’est à dire de la station de l’état par la place de la ville basse, la place de la ville haute, puis se dirigera vers les 4 Bras de Gilly. Sa longueur sera de 4.938 mètres.

2. L’autre ligne, s’embranchant à l’extrémité de la rue de Montigny, suivra la route pour aboutir à la place communale de cette localité. Elle aura une longueur de 2.497 mètres.

Les rails seront en fer laminés du type à patin dit rails Vignole, et pesant au minimum 15kg le mètre courant. Ils seront reliés par des éclisses et solidement fixés sur leurs supports. Le maximum de distance entre les supports sera en moyenne de 1 mètre.

Ce réseau ne verra jamais le jour et un 3ème cahier des charges sera publié par le Ministère des Travaux publics, en vue de la construction et de l’exploitation d’un tramway destiné à desservir la ville de Charleroi ainsi que les communes de Gilly et de Montigny sur Sambre, en 1881.