Bruxelles, boulevard Anspach, 12 novembre 1900. Les
travaux relatifs au « test grandeur nature » d’éclairage et
d’alimentation électrique par voie aérienne de la ligne de tramway des
boulevards du centre se terminent, laissant place à un aménagement de l’espace
urbain qu’il n’est pas courant de retrouver sur les anciennes cartes postales
bruxelloises:
Tout commence le 10 mai 1900, quand la
Société des Tramways Bruxellois propose d'adopter la traction aérienne par
trolley pour la ligne de Schaerbeek à Forest par la gare du Nord, la Bourse et
la gare du Midi, en vertu des dispositions de la convention de 1899 qui lui
impose d’électrifier toutes ses lignes endéans les 5 ans.
L’aménagement que les TB proposent est le
suivant : sur tout le parcours compris entre les boulevards circulaires,
la double voie occuperait le centre du boulevard. Ces voies seraient écartées
de deux mètres, de manière qu'une rangée de poteaux, séparés entre eux de 40
mètres, puissent porter les câbles aériens. Ces poteaux seraient surmontés de
lampes à arc puissantes qui éclaireraient les boulevards.
Les poteaux seraient placés sur des petits
terre-pleins qui serviraient de refuge aux piétons traversant la chaussée pour éviter
les voitures.
Les refuges sont bien visibles autour des poteaux |
La Société des
Tramways Bruxellois propose également de prendre à sa charge les frais
d’éclairage des lampes électriques depuis la tombée de la nuit jusqu'à l'heure
de la cessation du service des Tramways. Elle évalue alors ces frais
d’éclairage à 25,000 francs l'an.
Le 23 juillet
1900, la Société des Tramways Bruxellois, désireuse de voir résoudre la
question d'esthétique que soulève l'installation de la traction électrique
aérienne et de poteaux dans les boulevards du centre, demande au Collège de la
Ville de Bruxelles de l'autoriser à placer entre la place de Brouckère et la
rue de l'Evêque, à titre expérimental, quatre poteaux commandés à Paris.
Ces poteaux
avaient été choisis par l’Echevin Leurs, en charge des travaux publics, qui,
préoccupé par l’esthétique de la Ville, était parti à Paris et en Allemagne à
la recherche de mâts offrant une forme gracieuse qui ne choquât pas. A la suite
de ses voyages, l’Echevin Leurs recommanda au Directeur des Tramways Bruxellois
les mâts provisoires qui soutenaient les fils de la ligne de tramways électriques
Bastille-Charenton-Vincennes, qui pouvaient être combinés avec des mats
d’éclairage.
Le Collège de la
Ville de Bruxelles, désireux de mettre tous ses concitoyens à même de juger des
résultats de l'établissement de l'équipement aérien, décide alors que, pour que
l'expérience soit concluante, il convenait qu'elle se fasse sur les 300 mètres
qui séparent la place de Brouckère de la place de la Bourse et que les poteaux soient
placés sur les refuges prévus, conformément au projet définitif.
Les poteaux
seraient reliés par les fils disposés pour la traction électrique et qui
serviraient provisoirement de conducteurs pour les lampes à arc supportées par
les poteaux. Les Tramways prendraient la charge de tous les travaux
indistinctement, et celle de l'éclairage pendant la durée de l'expérience, le
courant étant fourni par l'usine d'électricité de la Ville de Bruxelles.
La Société des
Tramways Bruxellois accepte ces conditions, et commande effectivement les mâts
à Paris. Il lui fallut trois mois pour en recevoir livraison. Les moules
existaient mais, faute de temps, les armes de la Ville de Paris ne furent pas
remplacées par celles de la Ville de Bruxelles.
Les travaux de
voies, d'érection des poteaux, d'équipement de la ligne, d'établissement des
trottoirs-refuges sont exécutés avec la plus grande célérité : ils commencent
le 5 novembre 1900 pour s’achever le 12 novembre de la même année, sans que la
circulation des tramways ne soit supprimée et sans trop entraver la circulation
des boulevards du centre.
La Chronique des travaux publics du 11 novembre
s'exprime alors comme suit: « Les premiers mats porte-lumière de la
traction électrique ont été placés cette semaine et le public leur a fait un
succès ».
Si les Tramways Bruxellois ont une nette préférence
pour l’électrification des boulevards du centre par voie aérienne, il n’en va
pas de même pour le Collège de la Ville, qui préfèrerait que soit établie une
traction souterraine par caniveaux afin d’éviter « les vilaines toiles
d’araignées ».
Le gros « souci » des boulevards du
centre, c’est qu’ils surplombent le voutement de la
Senne, et qu’il ne reste, en de nombreux endroits que la hauteur voulue pour
construire les caniveaux sur l’intrados de la voûte.
La Compagnie des Tramways Bruxellois met alors au point un nouveau type de caniveau de moindre profondeur pouvant se loger aux endroits où cela s’avérerait nécessaire.
La Compagnie des Tramways Bruxellois met alors au point un nouveau type de caniveau de moindre profondeur pouvant se loger aux endroits où cela s’avérerait nécessaire.
Une "vraie" photo des mâts, avec en plus une très belle vue de l'omnibus 372, qui s'engage sur le boulevard Anspach en vue de rejoindre la place de la Bourse. |
Le 25
février 1901, la Compagnie des Tramways Bruxellois écrit au Collège de
la Ville de Bruxelles :
« Messieurs
les Bourgmestre et Echevins de la ville de Bruxelles,
L'étude
approfondie que nous avons faite de tous les systèmes de traction appliqués aux
tramways nous avait confirmé dans la conviction que, seule, la traction
électrique par câble aérien peut assurer la marche régulière et certaine de
lignes à trafic aussi intense que celle du bas de la Ville.
Lorsque
nous vous en avons fait part, vous avez exprimé la crainte que l'effet des
poteaux fût nuisible au boulevard Central, et nous avons alors fait, avec votre
autorisation, l'installation d'essai qui existe encore.
L'établissement
de la traction souterraine paraissait au surplus inapplicable à cause de
l'existence dans le sous-sol du boulevard Anspach des voûtes de la Senne et de
l'espace nécessaire au logement des caniveaux.
Notre
principale objection reposait sur les perturbations de service à craindre des
servitudes inhérentes à ce système, d'ailleurs le seul possible, actuellement
encore, en dehors du fil aérien.
Mais
certaines modifications dans l'établissement et le mode de construction du
caniveau et les sondages récents opérés par les services techniques de la Ville
semblent indiquer que strictement l'on peut insérer les caniveaux au-dessus des
pieds droits des voûtes au boulevard Central.
Déférant
aux désirs exprimés, notre Compagnie a informé M. le Ministre de l'Agriculture
qu'elle est disposée à installer ce mode de traction au boulevard du Centre, si
la Ville le préfère au câble aérien pour cette grande artère.
Si
la Ville de Bruxelles préfère pour le boulevard Central les caniveaux, nous
comptons qu'elle voudra bien, éventuellement, déplacer à ses frais les
canalisations croisant ce boulevard au-dessus desquelles ne se trouverait point
l'espace nécessaire pour le logement du caniveau.
Nous
apporterons toute la célérité et tous les soins possibles à l'exécution des
travaux, perfectionnés d'ailleurs par de nouvelles méthodes, et le réseau des
Tramways Bruxellois serait ainsi constitué de façon analogue à ce qu'est
aujourd'hui le réseau de Berlin, où les accumulateurs étant supprimés, le
caniveau seul existera encore en quelques points du centre.
Veuillez
agréer, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.
L’Administrateur-Directeur général,
L. JANSSEN. »
Voici une seconde carte postale où l'on aperçoit ces fameux "mâts parisiens"... et même la ligne aérienne ^^ |
Le 16 mars 1901, la Section des travaux publics, après avoir pris connaissance d’un rapport, au nom du Collège, relatif à la demande de transformation en traction électrique de la traction chevaline actuellement en usage sur le réseau de la Compagnie des Tramways Bruxellois, émet, à l'unanimité, un avis favorable à l'adoption des propositions introduites le 25 février 1901 par la dite Compagnie (autrement dit à la traction par caniveau souterrain) et émet également à l'unanimité un vote favorable à l'établissement sur la voirie de refuges entre les deux voies des lignes de tramways lorsque la largeur des artères le permet et que l'intensité de la circulation les rend nécessaires pour la sécurité des piétons.
La traction souterraine devient une réalité sur les
boulevards centraux le 28 juin 1903, au lendemain de l’inauguration de la
centrale électrique des Tramways Bruxellois du quai Demets à Anderlecht.
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