jeudi 7 février 2019

Projet de chemin de fer métropolitain, Bruxelles, 1896 ^^


Je vous propose de découvrir ce soir trois extraits issus d'anciens journaux et qui ont tous comme objet un projet de chemin de fer métropolitain qui, entre autre, relierait les gares du Nord et du Midi.

Ne vous étonnez pas, lors de votre lecture de découvrir des informations divergentes. Le prix du ticket passe ainsi de 10 centimes (classe unique) à 20 centimes en seconde classe et 30 centimes en première classe, et cela à deux mois d'intervalle.

Ne vous étonnez pas non plus que ce projet ait fait l'objet de réticences de la part des commerçants et des propriétaires riverains, inquiets d'une éventuelle dévaluation de leurs biens immobiliers.

Bonne lecture!


Extrait #1, issu du journal "Le Vingtième Siècle" du 7 février 1896:

"Nous sommes en mesure de donner aujourd’hui des renseignements précis et détaillés sur le vaste projet de chemin de fer métropolitain dans l’agglomération bruxelloise.

Il ne s’agit pas seulement d’établir un chemin de fer métropolitain mais de résoudre définitivement la question de l’aménagement des gares du Nord et du Midi et le raccordement des lignes qui aboutissent à la capitale.
A Schaerbeek et à Forest, il y a aura deux grandes gares de formation. La gare du Nord sera reliée directement à celle du Midi par six voies souterraines. La traction se fera à l’électricité sur deux de ces voies et à la vapeur sur les quatre autres.
Les gares du Nord et du Midi deviendront ainsi des gares de passages, tous les rebroussements seront supprimés. Une gare centrale sera établie au milieu de la Ville.
Il en résulte que tous les voyageurs, y compris ceux des trains internationaux, pourront être amenés au centre même de Bruxelles.

Pour le service de l’agglomération bruxelloise, un chemin de fer métropolitain de ceinture complète sera établi. La traction s’y fera à l’électricité.
Ce chemin de fer ne sera pas souterrain, mais il sera raccordé par deux voies souterraine à la gare centrale de Bruxelles.
Les habitants d’un point quelconque de l’agglomération pourront, moyennant 10 centimes (prix unique) se faire transporter de leur domicile au centre de Bruxelles ou à tout autre point.

L’ensemble de cette disposition est inspiré de l’organisation de Berlin. Le coût de ces énormes travaux est estimé à 70 millions de francs.
Les installations suffiront pour amener à Bruxelles 300.000 voyageurs par jour, sans qu’il y ait aucun encombrement.
L’établissement des lignes métropolitaines entre dans la dépense totale pour une somme de 30 millions de francs.
On estime que le mouvement sur ces lignes sera au minimum de 40 millions de voyageurs par an, ce qui correspond à une recette de 4 millions. En supposant que les frais d’exploitation s’élèvent à 2 millions, il reste 2 millions pour servir l’intérêt et l’amortissement des capitaux engagés, ce qui est largement suffisant, et laisse même une grande marge à l’imprévu dans l’évaluation des recettes ou des dépenses."


Extrait #2, issu du journal "L'Indépendance Belge" du 21 mars 1896:

"Le projet d’un chemin de fer souterrain à établir à Bruxelles, sous les boulevards du Centre, a provoqué de nombreuses protestations de la part des habitants et commerçants d cet important quartier de la Ville. Voici la pétition qui a été adressée au collège échevinal :

Messieurs,

Il parait qu’il est question de faire à Bruxelles un chemin de fer souterrain.
Nous venons appeler toute votre attention sur les graves inconvénients que semblable travail aurait pour le commerce de la capitale.

Bruxelles n’a pas une grande circulation. Cependant, le boulevard central et la rue du Midi commencent à prendre de la vie. Si l’on enlève, pour le mettre sous terre, le mouvement des piétons, que deviendront notre commerce et la valeur de nos propriétés ?
Pour les étrangers qui arrivent à Bruxelles, il est bien égal de débarquer à la gare du Nord ou à la gare du Midi, au lieu d’être transporté à une station centrale.  Il faudra tout de même que de là, ils se rendent aux hôtels.
Pour les voyageurs de Bruxelles qui se rendent aux gares, il est bien indifférent aussi d’aller au Nord ou au Midi, ou à une station centrale, pour prendre leur train.
Quant au mouvement des piétons, il est desservi par des trams et des omnibus. Il faut laisser ce mouvement à la surface, parce qu’il fait vivre les commerçants.
Les voyageurs venant de Hollande et allant en France sont transportés par la ligne de ceinture et ce n’est pas cinq minutes de parcours qui peuvent justifier une grosse dépense comme celle qu’il s’agit de faire et le dommage qui en résultera pour le commerce de la capitale.

Nous espérons donc, Monsieur le Bourgmestre, que vous prendrez énergiquement en main nos intérêts gravement menacés par un projet très beau, sans doute, sur le papier mais qui n’a d’intérêt pour personne.

Cette pétition est signée de 2.600 signatures recueillies parmi les habitants des boulevards Anspach, du Nord et du Hainaut, rue du Midi et rue Neuve."


Extrait #3, issu du "Journal de Bruxelles" paru en date du 10 avril 1896:

"Le métropolitain consisterait en un chemin de fer électrique souterrain.
Comme la topographie de notre ville se caractérise surtout par l’extrême inégalité de son sol, aucune communication entre le haut et le bas de la ville ne saurait être aussi rapide que le chemin de fer électrique souterrain qui ferait le tour complet de la ville en 15 minutes.
Ce chemin de fer circulerait dans un double tunnel en fer, creusé à une profondeur de 25 à 30 mètres et bien éclairé, où les collisions seraient impossibles, chacun des tunnels étant entièrement indépendant de l’autre. Il y aurait de nombreuses stations.
Les départs se feraient à 2 minutes ½ d’intervalle, de 6 heures du matin à minuit. On pourrait, au besoin, augmenter le nombre des trains et, en cas d’influence, les faire suivre à une minute d’intervalle. Le prix du parcours serait de 20 centimes en seconde classe et de 30 centimes en première classe."

dimanche 3 février 2019

Les conditions de travail des aiguilleurs de caniveaux, 1897-1898 ^^

L'ancienne presse belge numérisée regorge de détails parfois oubliés des historiens traminots, vu que ces "petites histoires" ne sont pas relatées dans les rapports annuels des sociétés de transport concernées. Aujourd'hui, je vous emmène à la découverte des conditions de travail des aiguilleurs de caniveaux, telles qu'elles nous sont décrites dans trois articles de presse de 1897 et de 1898.


Extrait #1: "Le Soir" du 5 octobre 1897:

Les nouveaux trams électriques ont amené la création d'emplois nombreux d'aiguilleurs. Les aiguilleurs du chemin de fer ont, au moins, une guérite pour s'abriter contre les intempéries. Les employés des trams, eux, doivent en certains endroits, restés exposés à tous les caprices du ciel, pendant toute une journée.

Il en quelques-uns qui sont réellement à plaindre et qui font pitié à ceux qui, passant souvent à l'endroit où ils sont de poste, les voient trempés et transis sous l'ondée. Ce sont les aiguilleurs de la ligne Bruxelles-Tervueren.

Ces malheureux commencent leur besogne à 7h du matin et ne la quitte qu'à 11h du soir, sans qu'ils aient, pendant ces heures de travail, joui de quelques minutes de liberté. Il faut même qu'ils prennent leur repas sur place.

Il suffira sans doute de signaler la situation de ces pauvres gens à la compagnie pour qu'elle y porte remède.

Les rêves d'un aiguilleur: un parasol et un éventail par temps chaud
ou un parapluie par temps pluvieux - dessin de 1898



Extrait #2: "Le Vingtième Siècle" du 30 janvier 1898:

La compagnie des Tramways Bruxellois vient de prendre une excellente mesure en faveur des aiguilleurs qui, jusqu'ici, passaient les heures de la journée aux croisement des voies, exposés à toutes les intempéries. Un modèle d'abri a été soumis par la compagnie à l'administration communale et a récemment été approuvé par elle.

Sous peu, donc, les aiguilleurs des Tramways Bruxellois auront, pour se garantir, une guérite mobile du genre de celles que l'on rencontre au bord de la mer, recouverte de toile imperméable.

De plus, les aiguilleurs recevront de vastes paletots en étoffe chaude, des cabans en cuir et des pèlerines en fourrure.

Il faut espérer que les autres sociétés de tramways qui emploient des aiguilleurs s'inspireront de l'exemple que leur donne la compagnie des Tramways Bruxellois.


Extrait #3: "Le Bleu du Petit Matin" du 23 août 1898:

Nos lecteurs se rappellent qu'à l'époque des pluies, nous avons signalé à la compagnie des Tramways Bruxellois le triste sort des aiguilleurs exposés, la journée durant, aux averses célestes.

Nous avions demandé pour eux des guérites. On a écouté notre appel. C'est ce qui nous engage à récidiver.

Sous ce soleil de plomb, les infortunés aiguilleurs seraient si confortablement abrités par des parasols.

M. Buls en a donné aux marchandes de fleur de la grand-place. N'y en t'il pas quelques-uns, inutilisés, mis en réserve, dont les pauvres aiguilleurs, rôtis par le soleil, s’accommoderaient à merveille, en ces temps de chaleur saharienne!

Un aiguilleur en poste au boulevard Adolphe Max, entre 1940 et 1942.
Ce n'est pas la même époque, mais les conditions de travail ne semble pas avoir changé.

mercredi 30 janvier 2019

L'Europe en anciennes cartes postales: l'Eglise des Pères Barnabites, avenue Brugmann, Bruxelles ^^

Notre tour d'Europe en cartes postales nous emmène à la découverte de l'Eglise des Pères Barnabites (autre nom désignant les Clercs Réguliers de Saint Paul), sise au 121 de l'avenue Brugmann, à Bruxelles, dont je vous avais déjà proposé une photo de la façade dans un précédent article.



Voyons maintenant les vues de l'intérieur de l'église ^^ 

L'avenue Brugmann



Le maitre autel

Vue intérieur de l'église


Vue intérieure de l'église


La chapelle


Le Christ du comte Schouwaloff


Le hall d'entrée



Notre Dame de la Providence


Statue de l'enfant Jésus


La chapelle de Sainte Thérèse de l'enfant Jésus


La bibliothèque

samedi 26 janvier 2019

Les accumulateurs "Eclair" du réseau la compagnie de Bruxelles-Ixelles-Boendael, automne 1897 ^^

L'ancienne presse belge numérisée regorge de détails parfois oubliés des historiens traminots, vu que ces "petites histoires" ne sont pas relatées dans les rapports annuels des sociétés de transport concernées. Après avoir découvert la traction par accumulateurs des années 1880, partons aujourd'hui à la découverte des essais de traction réalisés en 1897.

Présentons d'abord le contexte. Le cahier des charges de la ligne du Treurenberg prévoit que la traction électrique, entre le Treurenberg et l’entrée de la rue Joseph II, se ferait par accumulateurs ou par caniveaux, la société d'Ixelles-Boendael, qui a obtenu la concession de la ligne, commande deux motrices (271 et 272) équipées d’accumulateurs "Eclair".


On peut ainsi lire, dans "L'Echo du Parlement" du samedi 4 septembre 1897: "Un service d'essai de traction par accumulateurs a été inauguré mercredi (autrement dit, le 1er septembre) après-midi sur la ligne du tramway place de Louvain - Exposition. Deux voitures ont fait le trajet, aller et retour, de l'avenue de la Renaissance à la rue Royale, gravissant les rampes avec la plus grande facilité, et à la même allure que les trams à trolley."




Le texte ci-dessous, qui provient d'une publicité commerciale pour les accumulateurs "Eclair" parue dans le presse en octobre 1897, nous décrit plus amplement ces voitures.

"L'industrie des accumulateurs électriques commence à prendre un grand développement depuis que l'attention a été attirée de ce côté, dans presque tous les pays, par les immenses avantages que présente l'emploi de batteries d'accumulateurs pour la traction en général, et pour la traction des tramways en particulier.

Jusque dans ces derniers temps, l'accumulateur était employé principalement dans les installations d'éclairage électrique et paraissait devoir s'imposer bien lentement pour la traction. Mais les déboires nombreux auxquels donnent lieu chaque jour les installations couteuses de traction par câble aérien, et celles plus dispendieuses encore des caniveaux souterrains, sont venus apporter un stimulant nouveau à l'activité des partisans de l'accumulateur.

C'est surtout dans l'intérieur des villes que l'emploi des accumulateurs pour la traction tend à se généraliser, d'autant plus vite que, non seulement ce système écarte les dangers permanents qu'entraîne l'enchevêtrement des câbles et les courants aériens ou souterrains, mais qu'en outre, il débarrasse la voie publique de tous les poteaux disgracieux et des hideuses "
toiles d'araignées" qui sont suspendues au-dessus de la tête du passant comme autant de menaces perpétuelles.

Les réflexions qui précèdent nous ont été suggérées par la récente mise en service des deux premières voitures de la Société des accumulateurs "
Eclair". Ces voitures, que chacun peut voir en ce moment à Bruxelles, sur le réseau de la compagnie d'Ixelles-Boendael, sont élégantes et roulent sans la moindre trépidation. Elles accomplissent régulièrement le trajet de la place de Louvain à l'Exposition, avec la plus grande aisance, et à une allure plus rapide même que celle des tramways à trolley.

Comme on le voit, la Société "
Eclair" a choisi pour faire la démonstration de la supériorité de ces accumulateurs, une ligne particulièrement difficile, présentant dans les rampes les plus fortes une succession de courbes de petit rayon. Les mêmes voitures ont été soumises, avant leur mise en service, à des essais sur la ligne de l'Exposition à Tervueren, et le voyage d'aller et retour (soit environ 22 kilomètres) a été accompli sans difficulté, et à grande allure, le courant de décharge étant normalement de 63 ampères et atteignant parfois près de 20 ampères au kilo. Ceci est sans contredit une performance extraordinaire pour les éléments de 6 kilos et demi que la Société "Eclair" emploie pour ce service.

Le caractère essentiel du système "
Eclair" consiste en ce que chaque élément forme un tout compact, la matière active se trouvant soutenue de tous côtés et mise pour ainsi dire dans l'impossibilité de se détacher. C'est pourquoi cet accumulateur surpasse tous les autres systèmes comme solidité et résistance aux chocs et trépidations, et l'ensemble des qualités qu'il réunit en fait en quelque sorte "l'accumulateur-type" pour la traction, non seulement des tramways ordinaires, mais encore des omnibus et véhicules automobiles de tous genres."


Malgré cette publicité fort positive, le système se révèle décevant et est rapidement abandonné.

D'après l'extrait de presse du 4 septembre 1897, il semblerait même que la traction par accumulateur n'ait pas dépassé le stade des essais. Cela semble confirmé par le rapport annuel sur les transports en commun publié au Bulletin Communal de la Ville de Bruxelles, où l'on peut lire que: "Depuis quelques temps, un grand omnibus, mu par accumulateurs, circule sur la ligne à titre d’essai." De plus, les deux voitures 271 et 272 ne pouvaient suffire, à elles seules, à assurer le service sur le tronçon Treurenberg - Joseph II. On peut donc estimer que ce tronçon était
exploité depuis sa mise en exploitation le 1er juin 1897, avec un fil aérien.

Quant à la société "Eclair", elle est dissoute lors de son assemblée générale du 5 décembre 1898.

mercredi 23 janvier 2019

La traction par accumulateurs aux Tramways Bruxellois, façon 1888 ^^

L'ancienne presse belge numérisée regorge de détails parfois oubliés des historiens traminots, vu que ces "petites histoires" ne sont pas relatées dans les rapports annuels des sociétés de transport concernées. Nous avons, dans un précédent article, abordé la question de la traction par accumulateurs aux Tramways Bruxellois, telle qu'elle a été "testée" entre 1883 et 1890.
Je vous propose de continuer à approfondir les différents essais qui ont été réalisés. Après les essais des années 1883 et 1884, ainsi que ceux opérés en 1886, voyons maintenant 4 extraits relatant les essais réalisés en 1888.

Bonne découverte!



Extrait #1: L'Indépendance Belge du 30 mars 1888:

La société des ingénieurs belges a visité mercredi après-midi les installations de traction électrique des Tramways Bruxellois, situées rue Juste-Lipse. Les ingénieurs, qui étaient très nombreux, ont été reçus par Monsieur Michelet, administrateur-délégué de la Société des Tramways Bruxellois et par Monsieur Van Vloten, ingénieur, qui ont donné aux excursionnistes les explications les plus complètes sur les installations de la rue Juste-Lipse.

On sait qu'actuellement le matériel roulant électrique se compose de voitures de 40 places du type adopté depuis longtemps par la compagnie. Aucune modification essentielle n'a été faite à la caisse du véhicule, on s'est borné à employer utilement l'espace qui existait sous les banquettes et qui convient du reste parfaitement pour loger les éléments. La caisse ainsi aménagée vient se poser sur le châssis en fer qui a été étudié en vue de l'application de ce nouveau système.


La transmission du mouvement essayée d'abord consistait en un arbre intermédiaire attaqué au moyen de cordes par la dynamo-motrice et attaquant lui-même l'un des essieux par chaîne. On ne possède ainsi qu'un essieu moteur.
Le système actuellement en usage opère la transmission par engrenages et permet l'attaque des deux essieux, ce qui supprime le patinage des roues.
Les voitures en ordre de marche pèsent 5.480 kilos et la charge des voyageurs peut s'élever à 2.240 kilos.

La batterie de voiture est calculée en vue d'un trajet de 50 kilomètres, soit la moitié du parcours journalier du véhicule.

Les premiers essais de traction électrique n'ont peut être pas répondu à toutes les espérances de la société des Tramways Bruxellois. Il va de soi qu'un progrès de ce genre ne se réalise pas d'un coup, et que l'on n'ait pas encore résolu toutes les difficultés du problème. Comme la traction animale, la traction électrique a ses surprises et ses déceptions. Là cela sera par exemple une épizootie chevaline, ou bien une secousse violente dans le prix des fourrages. Ici, par un hiver comme celui qui vient de finir, l'accumulateur électrique aura été obligé de donner un coup de collier inattendu, et il a fallu une dépense de force beaucoup plus considérable qu'on ne pensait.

La traction électrique a t'elle déjà l'avantage du bon marché? Nous n'en répondrions pas. Mais l'avenir de ce mode nouveau de locomotion n'est pas douteux, et la société des Tramways Bruxellois par sa confiance et la persévérante énergie de son initiative aura puissamment contribué au succès.

Extrait #2: L'Indépendance Belge du 8 avril 1888:

Le bruit s'est répandu en ville depuis deux ou trois jours que la Compagnie des Tramways Bruxellois allait supprimer le service des voitures électriques de la rue de la Loi. Annonçons simplement que ladite société ajoute, à partir de dimanche matin, une quatrième voiture mue par l'électricité au parcours de la rue de la Loi. Ce qui est vrai, c'est que jusque à nouvel ordre, l'expérience de la traction électrique ne sera pas étendue aux autres lignes du réseau.
La voiture électrique 53 circulant lors de l'exposition de 1888 sur la ligne Exposition - Impasse du Parc
La gravure est issue du Patriote Illustré paru le 6 janvier 1889.


Extrait #3: L'Indépendance Belge du 8 septembre 1888:

La séance du 3ème congrès de l'Union internationale permanente des Tramways s'est terminée par une communication décrivant les installations faites par les Tramways Bruxellois pour la traction électrique. C'est surtout la préparation et l'emploi des accumulateurs qui ont été exposés au congrès avec des explications élémentaires.

Les premiers résultats, assez fâcheux, de la traction électrique provenaient de la dimension donnée aux accumulateurs qui se détruisaient trop vite. Maintenant, les plaques sont plus grandes et plus légères, et non plus en plomb, mais dans un alliage de plomb, d'antimoine et de mercure.

L'administration des Tramways Bruxellois détermine avec soin les dépenses afférant à ce service. Chaque batterie d'accumulateur a un compte spécial auquel on accorde 10 centime par kilomètre parcouru et l'on compare les boni ou mali de chacun de ces comptes. Pour l'approvisionnement des voitures, on sait que l'accumulateur fait 40 kilomètres et que la voiture fait 100 à 110 kilomètres en un jour. Il faut une année de cette comptabilité au moins, et des inventaires mensuels, pour déterminer les frais de renouvellement et le coût total du service. Mais il est certain que des perfectionnements importants sont prochains. On arrivera à remédier à l'inconvénient actuel de la chute des matières actives. Déjà, la compagnie des Tramways a reçu des offres de différents inventeurs. Mais pour le moment, malgré les économies que l'on a pu réaliser dans l'installation des dynamos, dans les transmissions et dans les dépenses d'entretien, la traction électrique sur les lignes bruxelloises coûte plus cher que le traction animale. Le président, Monsieur Victor Despret, avant de lever la séance, a remercié l'orateur avec une charmante affabilité.

L'après-midi a été consacrée a des visites de lignes et d'installations. A une heure et demie, des voitures spéciales des Tramways Bruxellois ont conduit les membres du congrès voir les installations créées par cette compagnie pour l'organisation de la traction électrique. Nous avons déjà, lors de l'ouverture du service électrique, décrit en détail, à cette place, ces installations qui ont vivement intéressé les visiteurs étrangers.

Après cet examen, les congressistes sont partis pour la porte de Ninove et ont parcouru les lignes et visité le matériel du chemin de fer vicinal de Bruxelles à Schepdael.
(Ndlr: Ce que les invités sont allés voir, c'est la première voiture à vapeur "Rowan" de la SNCV, qui faisait des essais sur la ligne Bruxelles-Schepdael. La voiture à vapeur, attelée à deux voitures pour voyageurs, parcourt la distance de 10 kilomètres en 20 minutes avec les congressistes à bord.)

Voiture à vapeur "Rowan" de la SNCV


Demain, le congrès des tramways terminera ses travaux pour se rendre, dimanche matin, à l'invitation de la Société nationale des chemins de fer vicinaux qui tient à montrer à nos hôtes de l'étranger ses lignes de la côte entre Ostende et Blankenberghe.


Extrait #4: L'Indépendance Belge du 13 septembre 1888:

Tramways électriques de Bruxelles.

Il y a deux lignes exploitées qui font un service régulier depuis deux ans. L'une va de la place Royale à l'extrémité de la rue Belliard, et l'autre de l'impasse du Parc au Rond-Point.

Chacune de ces lignes a une longueur de 3.600 mètres, à raison de 12 allers et retours par jour, soit 24 voyages. Chaque voiture parcourt donc 87 kilomètres environ. Le poids total d'une voiture, y compris 32 voyageurs au complet, est de 7.000 kilos.

Les accumulateurs sont au nombre de 100 et du système Julien. Il y a deux jeux d'accumulateurs qui se renouvellent, chacun d'eux n'ayant qu'une capacité d'énergie électrique de 50 kilomètres au maximum. Chaque batterie, de 100 accumulateurs Julien, pèse 1.500 kilos.

L'usine de charge est munie d'un moteur de 150 chevaux actionnant 4 dynamos pouvant donner chacune de 200 à 500 volts.

La transmission se fait par courroies, arbre intermédiaire et chaînes de Gall. La vitesse du moteur se règle en faisant varier la manière dont les accumulateurs sont montés sur le circuit.

La même société a également équipé la ligne allant de Rathhausmarkt à Bambek, exploitée par les tramways de Hambourg.

samedi 19 janvier 2019

La traction par accumulateurs aux Tramways Bruxellois, façon 1886 ^^

L'ancienne presse belge numérisée regorge de détails parfois oubliés des historiens traminots, vu que ces "petites histoires" ne sont pas relatées dans les rapports annuels des sociétés de transport concernées. Nous avons, dans un précédent article, abordé la question de la traction par accumulateurs aux Tramways Bruxellois, telle qu'elle a été "testée" entre 1883 et 1890.

Je vous propose de continuer à approfondir les différents essais qui ont été réalisés. Après les essais des années 1883 et 1884, voyons maintenant les essais réalisés en 1886.

Bonne découverte!



Extrait #1: la "Revue Industrielle" du 9 septembre 1886:

Le tramway électrique de l'exposition.

On vient d'expédier de Bruxelles un tramway électrique construit tout exprès pour faire le service entre le palais de l'Industrie et la place de la Concorde pendant l'Exposition des Sciences et Arts Industriels.

Cette voiture a été fabriquée par la société "L’Électrique" et sera mue par une batterie d'accumulateurs Julien. La voie, sur laquelle elle doit marcher, est établie depuis plusieurs jours déjà, l'expérience ne tardera donc pas à être faite.

Après avoir figuré à l'Exposition de Paris, ce tramway reviendra à Bruxelles, où il sera employé sur la ligne du quartier Léopold. 

La voiture à accumulateurs Julien des Tramways Bruxellois à l'exposition de Paris en 1886
  
Extrait #2: "L'Indépendance Belge" du 17 septembre 1886:

Une expérience de traction électrique a eu lieu mercredi. On a promené sur les boulevards du centre une grande voiture d'un confortable raffiné qui va partir pour New-York. Elle a été construite pour Monsieur Julien dans les ateliers des Tramways Bruxellois.

La force était fournie par des accumulateurs Julien, dont nous avons déjà expliqué le principe il y a quelques années. Depuis lors, des progrès marquants ont été introduits. Puis, les voitures que l'on avait essayées jusqu'ici étaient d'anciens trams à chevaux transformés pour l'emploi de l'électricité.

On conçoit facilement qu'une voiture qui a été construite de toutes pièces pour être mise en mouvement par le fluide électrique doive être plus parfaite. Celle qui nous a promenés mercredi a été faite pour un pays chaud, où l'on emploie pas de voitures ouvertes, où toutes les places sont toujours occupées et où, par conséquent, il s'agit d'avoir de l'air. Mais son poids est trop lourd pour que la compagnie des Tramways Bruxellois nous en donne de semblables. C'est dommage.

La question de la traction électrique des omnibus intéresse à la fois les compagnies et le public. Avec le système des chevaux, impossible de parer à un coup de feu. On ne peut nourrir les chevaux pendant toute la semaine pour qu'ils gagnent de l'argent le dimanche. Ce serait une opération financière déplorable. De même, s'il y a une heure le matin et une heure le soir où la circulation est très active, les chevaux ne gagneront pas leur avoine en ne travaillant que ces deux heures-là. Avec les voitures électriques, rien de pareil. Le matériel est toujours suffisant pour qu'on puisse lancer des voitures supplémentaires quand le besoin s'en fait sentir. Le public est donc mieux servi et la compagnie fait plus de bénéfices.

Puis, avec l'électricité, on marche à coup sûr. On n'a plus à craindre la morve et la farcin capables de dérouter toutes les prévisions de dépenses. Voilà donc un problème qui a de l'intérêt pour tout le monde. Est-il résolu? Si on interroge les ingénieurs de la compagnie, ils promettent de répondre le 31 décembre 1887, quand l'expérience aura été suffisante et se traduira par des chiffres précis.

Ce qui effraye dans cette question, c'est la perte de force. La machine à charbon, qui perd déjà pas mal de force, met en mouvement une dynamo. Admettons qu'elle garde 80% de la force. La dynamo agit sur les accumulateurs qui gardent 60%. Reste 48% de la force première, et dans la voiture, les accumulateurs agissent sur une dynamo qui ne prend encore que 80%. Reste donc 38% de la force produite par la machine à charbon. C'est effrayant, et encore, c'est l'estimation la plus favorable. Néanmoins, ce chiffre-là peut encore signifier bénéfice, quand il est traduit en francs et en centimes, mais l'avenir seul peut nous l'apprendre.

Nous avons profité de la circonstance pour aller visiter les ateliers de construction des Tramways Bruxellois. Ils sont établis rue du Vautour et ont été successivement agrandis.

L'organisation en est parfaite et fait le plus grand honneur à Monsieur Michelet, le directeur-ingénieur de la compagnie. D'intelligentes dispositions ont été prises pour parer au danger d'incendie. On a installé, d'accord avec le service des pompiers, une conduite indépendante du compteur et de même section que celle de la canalisation. En plusieurs points, il y a des bouches d'eau adaptées à la conduite et, en ouvrant une simple vanne, on est sûr d'avoir dans tous les ateliers une pression suffisante pour pouvoir combattre l'incendie efficacement.
La compagnie a trouvé son avantage non seulement à entretenir son matériel, mais à le construire elle-même. L'entretien coûte deux centimes par kilomètre. On travaille beaucoup en ce moment aux voitures électriques. Elle desserviront les lignes de la rue de la Loi et de la rue Belliard. Deux voitures ont été envoyées à Paris et font le service entre la place de la Concorde et le Palais de l'Industrie. Elles ont été très remarquées par le jury. Elles ont été mises hors concours et leur constructeur a été appelé à faire partie du jury. A la différence de la voiture destinée à new-York, dont les ressorts sont en caoutchouc, les voitures de Paris ont des ressorts qui sont des spirales en acier.

Le voyage de mercredi avait réuni plusieurs ingénieurs distingués, dont Monsieur de Preter, directeurs des Tramways de Prague et Monsieur Rodolphe Coumont, le sympathique président de la Compagnie.

mercredi 16 janvier 2019

La traction par accumulateurs aux Tramways Bruxellois, façon 1883 ^^

L'ancienne presse belge numérisée regorge de détails parfois oubliés des historiens traminots, vu que ces "petites histoires" ne sont pas relatées dans les rapports annuels des sociétés de transport concernées. Nous avons, dans un précédent article, abordé la question de la traction par accumulateurs aux Tramways Bruxellois, telle qu'elle a été "testée" entre 1883 et 1890.

Je vous propose de découvrir à partir d'aujourd'hui une série d'article qui a pour but d’approfondir les différents essais qui ont été réalisés. Nous commençons par 4 extraits relatant les essais opérés durant les années 1883 et 1884. Deux autres articles aborderons, dans les prochains jours, les essais réalisés en 1886 et 1888.

Bonne découverte!




Extrait #1:
L'Indépendance Belge, 24 septembre 1883:

Des essais de traction des trams par l'électricité auront lieu la semaine prochaine à Bruxelles, au moyen des accumulateurs dont on se sert actuellement à Paris.


Extrait #2:
L’Écho du Parlement, 19 octobre 1883

Des expériences ont été faites, mercredi soir, sur différentes lignes des tramways, par la voiture électrique que compte bientôt employer la compagnie.
La voiture, qui contenait 28 personnes, est partie à 10h et demi du soir du dépôt de la chaussée d'Anvers, a remonté la chaussée, a pris la ligne de la rue du Progrès, est allée, par la gare du Nord jusque la gare du Midi, et de là est revenue. A minuit, elle était rentrée au dépôt. De l'avis de tous, l'essai a été des plus satisfaisants.



Extrait #3:
L'Indépendance Belge, du 29 octobre 1883:

Tramways électriques.

La presse était conviée samedi soir à une expérience de traction électrique sur le réseau des Tramways Bruxellois. Nous sommes partis de l'usine de la Compagnie hollando-belge d'électricité, chaussée d'Anvers. On nous a conduits au pont de Laeken, et de là, par la rue du Progrès et le boulevard du Nord, jusqu'au point central. On a ensuite rebroussé chemin par la rue de Brabant et la place Liedts.

Tout a marché à merveille: les arrêts se font rapidement et sans chocs et les départs ne laissent rien à désirer. La voiture, qui contenait une quarantaine de personnes, a franchi les plus fortes courbes et des rampes assez sérieuses avec une remarquable facilité. On a gradué les vitesses suivant le caprice du conducteur et la voiture, avec une docilité exemplaire, a obéi à tout ce qu'on lui demandait.

La force motrice est donné par des accumulateurs qui transmettent le mouvement aux essieux par un système extrêmement simple: un axe central mû par deux poulies qui communiquent avec les pôles positif et négatif; un arbre de transmission relié aux essieux par de simples chaînes.

On connaît le principe de l'accumulateur. Pour le construire, on prend deux plaques de plomb, la plaque positive est enduite de minium et la plaque négative de litharge. On les plonge dans un liquide acidulé au dixième et l'on fait passer un courant. L'eau se décompose en oxygène et en hydrogène. L'oxygène se transporte sur la plaque positive et le minium devient peroxyde de plomb. L'hydrogène se porte sur la plaque négative et prend de l'oxygène à la litharge pour reformer de l'eau. L'accumulateur est alors chargé. C'est une véritable pile: dès que l'on joindra les deux plaques par un fil conducteur, l'opération inverse de celle que nous venons d'indiquer se produira. Le peroxyde  de la plaque positive restituera son oxygène qui ira se porter vers le plomb réduit de la plaque négative, et un courant s'établira.

Le rendement de l'électricité est égal à peu près à la moitié. Ainsi pour une voiture de tramway qui contient 60 accumulateurs, et qui est chargée à 40 chevaux, le rendement sera de 20 chevaux.

La voiture portant 30 personnes, la dépense sera de 3 chevaux par heure. La vitesse peut aller à 15 kilomètres à l'heure, mais c'est là une vitesse trop grande pour les tramways des villes. On ne dépassera pas d'ordinaire 10 kilomètres par heure.

Quant à la question financière, nous avons été insuffisamment éclairés, mais il parait que l'économie sur la traction par chevaux est notable. Le problème est considéré comme résolu par les gens compétents. On a réussi notamment à réduire le poids mort à ses plus minimes proportions.

Pour le voyageur, la voiture électrique a absolument le même aspect que la voiture ordinaire. Les accumulateurs sont placés sous les banquettes. La seule différence est que le tram est éclairé à l'électricité. Il fait aussi un peu plus de bruit, mais de la voiture on ne l'entend pas.

Les applications sont vraiment innombrables. En attendant que beaucoup d'entre elles soient réalisées, il est probable que bientôt, on ne verra plus à Bruxelles que des tramways électriques.

Monsieur Coumont, président du conseil d'administration des Tramways Bruxellois, assistait aux expériences et en était enchanté.



Extrait #4:
L'Indépendance Belge du 22 août 1884:

La question de la traction électrique des tramways va faire un grand pas en Belgique. Après les essais qui ont été faits sur les boulevards du centre de la ville, la compagnie générale d'électricité et la compagnie belge et hollandaise, d'accord avec la société des Tramways Bruxellois, va commencer sous peu l'exploitation de la ligne de la rue de la Loi.

Les chevaux seront remplacés par de petites locomotives électriques.
Deux types de constructions différentes seront mises en service. Ces véhicules contiendront les accumulateurs du système Faure, renfermés dans des boîtes rectangulaires en caoutchouc du type de 30 et de 60 kilogrammes actionnant un moteur de Gramme d'un tout nouveau modèle.

Indépendamment de l'économie que l'on espère réaliser, il est à remarquer qu'un des avantages les plus importants de ce nouveau système de traction, c'est que, le cas échéant, plusieurs voitures ordinaires pourront être remorquées par la locomotive.