vendredi 3 août 2018

L'Affaire Philippart - Procès pour prévention d’escroquerie lors de l'émission des actions des Tramways Bruxellois - 1877 (4/7) ^^

L'Affaire Philippart - Procès pour prévention d’escroquerie lors de l'émission des actions des Tramways Bruxellois - 1877 (4/7)

LE PROCES - AUDIENCE DU 3 AOÛT – AUDITION DES TEMOINS (suite)

Bara, Jules, représentant et avocat à St-Josse ten Noode. M. Bara a été l’avocat de M. Vaucamps. Il n’a rien connu du rachat du réseau de M. Vaucamps. Mais il sait que M. Vaucamps considérait l’affaire comme très brillante par M. Philippart et qu’il estimait que ses lignes de tramways valaient plus de 8 millions.

Hollevoet, juge d’instruction à Bruxelles, a entendu plusieurs témoins relativement à la notice. La plupart et les plus compétents, notamment M. Emile Lhoest, ont déclaré qu’ils ne trouvaient pas de différence entre le projet de notice et la notice définitive. Les deux corrections que l’on y a faites ont plutôt rendu le prospectus plus loyal.

Gendebien, Félix, propriétaire à Ixelles, a vu la notice chez M. le juge d’instruction. A son grand étonnement, il a vu sur cette épreuve quelques mots de sa main. Il croit se rappeler qu’il a trouvé cet exemplaire pendant une séance du conseil et que, par désœuvrement, il a crayonné quelques notes dans le but de compléter certains renseignements insuffisants de la notice.

M. Gendebien ignore tout ce qui se rapporte au rachat des tramways Vaucamps par M. Philippart.

M. Gendebien n’a vu la notice définitive que pendant l’instruction judiciaire. Il croit que, d’après la rédaction de la notice, les porteurs d’actions privilégiées devaient se croire garantis. C’est sa façon d’interpréter l’alinéa qui promet aux souscripteurs un chiffre certain de 1.800.000 francs de bénéfices bruts en 1875. En donnant le chiffre des recettes brutes de 1874, on aurait menti. C’est alors que l’on aurait trompé le public, car il y avait un écart de 300.000 francs entre les deux chiffres, et on aurait fait croire que les recettes progressaient – d’une façon normale – de 300.000 francs par a, tandis qu’il s’agissait d’un fait exceptionnel.

Quant aux améliorations signalées pour l’avenir : l’ouverture de nouvelles lignes, etc., le témoin croit qu’elles avaient pour but d’expliquer l’augmentation future des recettes et le chiffre de 1.800.000 francs promis aux actionnaires.
« On est arrivé, en effet, à ce chiffre de 1.800.000 francs de recettes, dit M. Gendebien, on n’avait donc pas trompé le public. A mon avis, la notice était honnêtement rédigée. »
M. Gendebien dit qu’en matière de chemins de fer et de tramways, on peut, ne se basant sur le produit d’une période d’exploitation normale, calculer les recettes futures d’une façon à peu près certaine.

Au résumé, M. Gendebien trouve qu’en promettant un chiffre de recettes de 1.800.000 francs en 1875, la circulaire était parfaitement correcte. « Je l’aurais signée des deux mains, dit-il, il n’y a rien du tout de frauduleux là-dedans. »
Quant à l’alinéa relatif aux recettes brutes, il n’y a rien d’ambigu d’après le témoin. Les cinq conditions signalées dans la notice étant énumérées comme formant autant d’élément de l’augmentation des recettes. On ne pouvait interpréter autrement et comme devant fournir un nouveau supplément de recette, par exemple.


Du Roy de Blicquy, Arthur
, ingénieur à Bruxelles, a été chargé par M. Joris de faire une expertise du matériel Vaucamps. Il a trouvé que tout était en bon état. Il a fait une évaluation que M. Joris ne lui avait pas demandée. Cette évaluation du réseau des tramways montait à 6 millions.
Les recettes de M. Vaucamps étaient de 100.000 francs par mois et les dépenses de 60.000 francs. – 40.000 francs de bénéfices.
C’étaient des mois d’été, mais on pouvait les accepter comme moyenne, parce que l’exploitation n’était pas complète.

Bataille, ingénieur à Schaerbeek, a vu les écuries et le matériel de M. Vaucamps, à la demande de M. Joris. Une inspection superficielle ne permet pas au témoin de faire une évaluation sérieuse. Il estimait le matériel à 3 millions.

Ch. Weber, directeur de la Banque des Travaux Publics à Bruxelles, est interrogé sur la notice. Le rédacteur est M. Georges de Laveleye. Le témoin croit que celui-ci tenait ses données de M. Philippart. M. Weber ignore s’il y a eu plusieurs épreuves de la circulaire.

La notice définitive a été soumise au conseil d’administration de la Banque Belge. M. Philippart a signalé une erreur, si les souvenirs du témoin sont exacts. Il avait été question de recommencer le tirage et de remettre la souscription. Mais comme l’erreur était visible par tout le monde et l’époque favorable à la souscription, on a passé outre.

L’affaire des tramways a été proposée à la Banque Belge par M. Philippart, qui a fourni des renseignements exacts. La Banque, devant une probabilité de progression continue dans les recettes, a trouvé l’affaire impeccable.

M. Weber n’assistait pas à la réunion ou fut débattue la question du rachat des tramways Vaucamps par M. Philippart.
L’emploi des 3 millions d’actions ordinaires, souscrites mais non versées, était justifié par la construction de nouvelles lignes projetées : le tramway de la rue haute, celui de la rue de Schaerbeek, etc.

Le témoin, comme M. Gendebien a été prié de le faire, donne son interprétation sur le sens de la notice incriminée. Il croit que les cinq motifs d’amélioration énumérés dans le prospectus devaient faire monter encore le chiffre des recettes brutes. La mention de ces cinq circonstances avait pour but de fournir au public des éléments d’appréciation. Le public ne pouvait croire que le chiffre de 1.800.000 francs s’appliquait à un exercice clôturé (1874 ne l’était pas) et représentait des recettes réalisées.

Maitre Ed. Picard : Quel était le sens des mots : « capital disponible de 3 millions ? »
R – Cela voulait dire que ce capital pouvait toujours être réalisé.
D – Une action privilégiée pouvait –elle être confondue avec une obligation.
R – Evidemment, non.
M. le Substitut : C’est fort douteux. Le commun du public pouvait confondre.
Maitre Ed. Picard : Le commun des imbéciles, oui !
M. le Président : Malheureusement, en pareille matière, c’est le plus grand nombre. Et je vous ferai remarquer que la notice s’adressait, non pas aux hommes d’affaires, mais à tout le monde. On eût bien fait de la rédiger plus clairement. Beaucoup de personnes y ont été prises.
Maitre A. Picard : Tant pis pour elles ! Ces gens-là n’ont pas besoin de faire des affaires.


Joris, Gustave, avocat à St-Gilles. M. De Laveleye a rédigé la notice. Il tenait les données de M. Philippart. Je ne suis intervenu pour corriger aucune épreuve.
Le contrat Vaucamps a été fait au nom de M. Philippart. Celui-ci m’a parlé de la négociation Dansaert et Moselli. Il m’avait dit qu’il était disposé à racheter les tramways Vaucamps en capitalisant sur le pied de 5 p.c.
La mission que j’ai confiée à MM. Bataille et du Roy de Blicquy avait pour but d’établir la valeur du matériel. Je n’ai pas eu connaissance de la mission de M. l’ingénieur Marsillon, et je comprends que M. Philippart ait omis de nous en parler, puisque M. Marsillon, dans son évaluation, capitalisait à 6 p.c.

M. Philippart m’a parlé du contrat. Il m’a dit qu’il allait être obligé de faire certaines dépenses supplémentaires, des frais de premier établissement pour les tramways. Pour ces frais extraordinaires, l’art. 9 des statuts sociaux créait un fond de provision, de réserve, afin que les 15 francs fussent en tout cas distribués aux actions privilégiées. Dans cette comme de 480.000 francs était comprise la diminution de 300.000 francs consentie par Vaucamps, de sorte que cette diminution et l’apport de garantie procédaient d’une même cause.

D – M. Philippart était-il présent à la séance ou l’on a vu la notice ?
R – Je pense que oui.
Maitre Ed. Picard : Une action privilégiée ne peut-elle pas être assimilée à une obligation ?
R – Il me semble qu’elle a la même valeur.
D – Qu’est-ce qu’un capital disponible ?
R – Un capital que l’on peut toujours exiger.
D – A-t-on commis une faute en mentionnant l’intérêt de ce capital pour 1875 ?
R – Pas le moins du monde.
D – Pouvait-on croire que l’on avait fait 1.800.000 francs de recettes en 1874 ?
R – C’était impossible.
M. le Président. Lors du procès plaidé devant le tribunal de commerce, Maitre Weber, avocat de M. Philippart, a conseillé à son client de transiger avec ses adversaires parce que ce procès eût pu nuire aux négociations que M. Philippart poursuivait alors en France. Il n’y a pas eu d’autre motif à l’acquiescement de M. Philippart, et le procès qu’on lui faisait n’était pas fondé.
Le témoin est interrogé sur la négociation Vaucamps. Il explique la diminution de prix d’achat par l’évaluation de la valeur réelle de la ligne.
Il ne se souvient pas que cette diminution ait été le résultat d’un marchandage.
Maitre Ed. Picard : M. Philippart n’a-t-il pas apporté à la Banque Belge le bénéfice de 300.000 francs réalisé sur l’achat des tramways ?
R – Oui, et si c’eût été un homme cupide, il aurait pu les empocher.
Maitre A. Picard : M. Philippart a-t-il jamais touché des commissions ?
R – Non. Malheureusement, il en a beaucoup payé.


Van Meerbeeck, banquier à Bruxelles, donne des renseignements sur la négociation relative à la reprise des Tramways Vaucamps, sur le prix convenu et sur les chiffres contenus dans la notice que l’on a lancée lors de l’émission des actions de la société. Le témoin confirme ce qui a été dit dans les dépositions précédentes.
Comme les autres témoins, M. Van Meerbeeck estime que les circonstances mentionnées comme devant influer sur l’exploitation du réseau avaient pour but d’éclairer le public, tout en lui laissant sa liberté d’appréciation.
Le témoin voyait avec plaisir la Banque Belge coopérer à une affaire exclusivement belge, celle des tramways.
Le public ne pouvait attribuer le chiffre de 1.800.000 francs à l’année 1874.
Il était convenu que le capital de 3 millions devait être appelé sous peu en vue de l’extension et de l’amélioration du réseau.
La Banque Belge n’a pas autorisé la reprise par des agents de change de 9.000 actions dans les 13.046 actions souscrites, mais elle n’avait pas à le faire. Ce procédé s’emploie fréquemment en vue de soutenir le cours.
M. le Président : Eh bien, je déclare que si j’étais Ministre des Finances, je n’userais jamais de ce procédé-là pour les fonds d’Etat.

Wilmart, conseiller communal à Schaerbeek. Le témoin ne s’est pas occupé de la confection de la notice, ni du rachat du réseau Vaucamps.
Mais il se rappelle avoir assisté en 1875 à une discussion entre MM. Philippart et Coumont au sujet de l’apport de 480.000 francs faits par les Bassins Houillers aux Tramways. Cet apport devait servir de capital de réserve.
L’examen de la comptabilité Vaucamps a été fait par l’ingénieur André. Celui-ci trouvait, comme M. Marsillon, que les chiffres donnés par M. Vaucamps ne représentaient pas exactement la valeur du réseau.
M. le Substitut : La réduction de prix n’était-elle pas motivée par des frais à faire, frais causés par l’excès de l’économie de l’administration Vaucamps ?
R – C’est très possible.
Le témoin n’avait pas d’opinion personnelle sur la qualité de l’opération des Tramways Bruxellois.

Michelet, ingénieur à Bruxelles, est entré dans les Tramways Bruxellois en même temps que M. Coumont. L’apport des 480.000 francs des Bassins Houillers devait être appliqué à des dépenses d’exploitation. Cet emploi paraissait illégitime au témoin. Il a réservé ce capital pour l’ouverture de nouvelles lignes.
Le capital de 480.000 francs ne pouvait, aux termes des statuts, être appliqué au paiement du dividende de 15 francs.
Le témoin est actuellement l’administrateur délégué pour la direction des Tramways Bruxellois. Il dit qu’il y a progression dans les recettes brutes, mais elle est très irrégulière.
Maitre Ed. Picard : M. Philippart n’a-t-il pas paru au témoin d’être d’une entière bonne foi ?
R – Oui, certainement.
Maitre Picard : Et la notice ?
R – On a incriminé, parait-il le chiffre de 1.800.000 francs. Je ne comprends pas que l’on puisse appliquer ce chiffre à l’année précédente. On ne promet pas un chiffre quand on l’a.
M. le Substitut : Mais Philippart n’avait-il pas une intention de fraude ?
R – Cela ne me parait guère possible. La recette de 1.800.000 francs était une supputation, elle était calculée pour l’avenir et devait donner un bénéfice de 600.000 francs.
M. le Substitut : Pouvait-on faire ces promesses en se basant sur les chiffres de l’année 1874 ?
R – Oui, en tenant compte des conditions qui devaient influer sur l’avenir. La nouvelle administration des tramways n’a distribué qu’un dividende de 7.50 francs.

M. Parvillez, Alfred, secrétaire de la société des Tramways Bruxellois. L’état de l’exploitation Vaucamps était assez bon, quoiqu’il y eût à redire au matériel roulant et aux chevaux.
Le témoin a cru d’abord qu’il n’y aurait pas d’appel de fonds immédiat sur les actions des Tramways, mais il a changé d’avis lorsqu’il fut question de la reprise du tramway brésilien.

Lévy, Emile, propriétaire à Paris, était employé à la Banque Belge lors du rachat du réseau Vaucamps. Il a dit alors à Philippart qu’à la Bourse on trouvait le prix trop élevé. Celui-ci répondit que c’étaient là des bruits malveillants, et il expliqua pourquoi l’affaire était bonne.
La notice a été lue et modifiée à la Banque Belge. Le témoin croit que M. Philippart assistait à la séance. M. Philippart n’a jamais parlé à M. Lévy de l’estimation Marsillon.
Le témoin a été chargé par le conseil d’administration de la Banque Belge de la publicité relative aux Tramways. M. Philippart surtout donnait des instructions.
L’avenir des tramways se présentait sous le jour le plus favorable. L’opinion personnelle du témoin est que les conditions énumérées dans la notice devaient exercer une bonne influence sur les recettes.
M. Philippart avait le plus grand intérêt à représenter l’opération comme bonne et à donner les chiffres comme certains, sans quoi il n’eût pas pu endosser l’affaire à la Banque Belge.

Michaux, agent de change à Bruxelles, dit que la commission de la Bourse a fait retirer les actions privilégiées des Tramways Bruxellois de la cote officielle pour les transférer aux actions diverses. Il ignore le motif de cette mesure.
M. le Président : Le motif, c’est que les coupons n’étaient pas payés à l’échéance.
P. Philippart : c’est évidemment une erreur.

Demolder, Alfred, directeur des Tramways Bruxellois. L’état du matériel Vaucamps, à l’époque de la reprise par les Tramways, n’était pas mauvais. Mais les chevaux étaient usés et il y avait beaucoup de réparations à faire aux voitures.

Vanderhaegen, Ch, propriétaire à saint-Gilles. Le témoin dit que la ligne Morris a été reprise pour un prix inférieur à sa valeur. La moyenne annuelle des recettes brutes étaient de 484.000 francs. Le bénéfice net était de 185.000 francs par année.

Doucquié, avocat à Bruxelles, a plaidé pour quelques demandeurs qui réclamaient le remboursement de leur dividende. Le témoin nie avoir adressé aucune menace au défendeur dans sa plaidoirie. M. Philippart a fait spontanément sa proposition de remboursement des actions et des intérêts.

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