samedi 14 septembre 2019

Histoire de la société anonyme du Chemin de fer à Voie étroite de Bruxelles à Ixelles-Boendael (1/10) ^^

Bruxelles, le 29 avril 1884 : la société anonyme du Chemin de fer à Voie étroite de Bruxelles à Ixelles-Boendael voit le jour en l’étude de Maître Van Halteren. Elle a pour but de construire et d’exploiter un chemin de fer à vapeur à voie métrique qui dessert principalement la commune d’Ixelles. 



Ce n’est pas la première fois que la commune d’Ixelles accorde une concession de tramway sur son territoire : la toute première remonte au 16 août 1872, lorsque les frères Becquet (déjà concessionnaires de la ligne des boulevards circulaires, avec embranchement vers le Quartier Léopold) reçoivent le droit d’établir et d’exploiter un réseau de chemin de fer américain autour de la place Sainte-Croix. Leur entreprise prend le nom de "Tramways des Faubourgs".


Après avoir reçu les autorisations nécessaires de la commune d’Etterbeek (26 février 1873) et l’accord de la Députation Permanente du Brabant (2 avril 1873), les frères Becquet se retrouvent ainsi, en 1874, avec deux lignes en exploitation:
  •  Avenue Marnix (coin de la rue du Luxembourg) au Bois de la Cambre, par la rue du Trône, la place de la Couronne, la rue Malibran, la place Sainte-Croix, la chaussée de Vleurgat, la chaussée de Waterloo et le rond-point de l’avenue du Longchamp;
  • Porte de Namur – Rond-point de la rue de la Loi., par la chaussée d’Ixelles, la chaussée de Wavre, la place Jourdan, la rue des Rentiers et l’avenue d’Auderghem.

L’exploitation (hippomobile) de ces lignes est vite déficitaire. Les difficultés viennent surtout de la traction chevaline: vu la déclivité des lignes, il faut atteler deux chevaux sur tout leur parcours, avec parfois un troisième cheval en renfort. Deux autres problèmes se posent rapidement:
  • Les terminus des boulevards de ceinture sont fort éloignés du centre-ville;
  • Le trajet des deux lignes ne dessert que des zones relativement peu peuplées.


Dès 1878, le "Tramways des Faubourgs" doit faire face à d’importantes difficultés financières. Les frères Becquet contactent les Tramways Bruxellois en vue de la reprise de leur réseau. La fusion intervient le 15 octobre 1879.

Les Tramways Bruxellois cessent d’exploiter les deux lignes le 31 décembre 1882, du fait qu’elles ne produisaient pas un trafic suffisant que pour couvrir les frais d’exploitation, et renoncent ensuite à ces deux concessions.

La commune d’Ixelles, ne souhaitant pas se retrouver privée de moyens de transport en commun, négocie dès septembre 1882 avec Félix Vellut, un ingénieur bruxellois, l’établissement d’une ligne de tramway à vapeur à voie étroite, partant de la porte de Namur et aboutissant au Bois de la Cambre, en passant par la place Sainte-Croix et en longeant les étangs d’Ixelles.

La concession des frères Becquets, dite « du Tramway des Faubourgs » ou « Tramway d’Ixelles – Etterbeek »,
telle qu’elle se présentait en 1874



La commune d’Ixelles ne reste donc pas longtemps sans tramway. Le 1er octobre 1883, le conseil communal déclare Félix Vellut concessionnaire des lignes de tramways à vapeur d’Ixelles pour un terme de 48 années. 

Cette concession comporte 4 lignes :
1. Une ligne partant de la Porte de Namur et aboutissant à la place Sainte-Croix, en passant par la chaussée d’Ixelles ;
2. Une ligne, prolongement de la précédente, aboutissant au rond-point de la Petite Suisse (actuel rond-point de l’Etoile), via l’avenue des Eperons d’Or et l’avenue de l’Hippodrome ;
3. Une ligne aboutissant près du Café du Lac, en suivant les chemins vicinaux 28 et 43 (actuelles avenues Buyl et du Pesage) ;
4. Une ligne partant de la Porte de Namur, suivant la chaussée de Wavre, la rue du Trône et la rue Malibran, pour aboutir à la place Sainte-Croix.


L’arrêté royal autorisant l’exploitation est signé le 11 février 1884. C’est ainsi que voit le jour, deux mois plus tard, la société anonyme du Chemin de fer à Voie étroite de Bruxelles à Ixelles-Boendael. Celle-ci est fondée par un acte reçu le 29 avril 1884 en l’étude du notaire Charles Van Halteren. Qui retrouve-t-on dans cette société? Rien que du beau monde:
  • La société générale des Railways à voie étroite, représentée par Messieurs Edmond Terlinden, Edouard Empain, Arthur du Roy de Blicquy, Alphonse Braemt et Henri Vanden Bogaerde de Ter Brugge. Monsieur Terlinden intervient en tant que président de la société générale des Railways à voie étroite, les 4 autres en tant qu’administrateurs.
  • Monsieur Félix Vellut, ingénieur, dont nous avons déjà parlé ci-avant;
  • Monsieur Emile André, ingénieur également;
  • Monsieur le comte Adrien d’Outrelmont, propriétaire;
  • Monsieur Arthur du Roy de Blicquy (1835-1907), ingénieur, en son nom personnel cette fois;
  • Monsieur Emile Mestreit, secrétaire du syndicat de la Bourse des Métaux;
  • Monsieur Eugène Bourson, ingénieur;
  • Monsieur Edouard Empain, ingénieur, en son nom personnel.


Le siège est établi à Ixelles, dans le dépôt de l’avenue de l’Hippodrome, dont nous reparlerons ultérieurement. La société a pour objet principal l’exploitation du tramway à vapeur à voie étroite dont la concession a été accordée à Monsieur Félix Vellut. La société pourra également établir, subsidier ou exploiter toute entreprise locale constituant un accessoire de nature à servir d’affluents à son trafic ou à développer ses recettes. Elle pourra également poursuivre l’octroi de nouvelles concessions, soit seule, soit en participation soit pour le compte de tiers. La durée de la société est limitée à la durée de la concession, c’est-à-dire 48 ans.

Le capital de la société est fixé à 1.200.000 francs, divisé en 2400 actions de 500 francs chacune. Afin de faire face à l’achèvement du réseau et des extensions éventuelles qu’il comportera, le conseil d’administration est autorisé à créer des obligations de 500 francs, rapportant 20 francs d’intérêt annuel, payables à raison de 5 francs par trimestre et remboursables au pair dans les délais de la durée des concessions.

Par acte notarié, Monsieur Félix Vellut fait apport à la nouvelle société du Chemin de fer à Voie étroite de Bruxelles à Ixelles-Boendael de la concession de tramway à vapeur qui lui a été accordée par délibération du Conseil communal d’Ixelles du 1er octobre 1883 et approuvée par l’arrêté royal du 11 février 1884. Il apporte également les éventuels avantages qui pourraient résulter de la demande d’extensions qu’il a déposée le 25 mars 1884 (il s’agit d’une ligne partant de la rue du Trône à destination de l’église Sainte-Gudule). Pour le prix de ces apports, Monsieur Félix Vellut reçoit 200 actions entièrement libérées.

Monsieur Vellut fait également apport, avec Monsieur Emile André et la compagnie générale des Railways à voie Etroite, de deux terrains situés à Ixelles, contenant ensemble 8.195 mètres carrés, avec les constructions qui s’y trouvent déjà établies. Il s’agit du dépôt de l’avenue de l’Hippodrome, dont les terrains avaient été acquis par Monsieur André en son nom propre. Les bâtiments qui s’y trouvent représentent une surface couverte de 1.630 mètres carrés et comprennent notamment : une remise à locomotives et à voitures, un atelier de peinture, un magasin, un hangar à combustible, une lampisterie, un château d’eau, une machine à vapeur avec pompes et accessoires, une fosse de visite et une grue hydraulique.

Le dépôt de l’avenue de l’Hippodrome. Lors de la mise en exploitation du réseau du Chemin de fer à Voie étroite de Bruxelles à Ixelles-Boendael, il ne comportait que 8 voies et ne permettait le remisage que d’une centaine de voitures.


Messieurs Vellut et André, pour la compagnie des Railways à voie étroite, font également apport des deux lignes qu’ils s’engagent à construire, à voie unique, avec des rails d’acier de 50 kilos. L’apport comprend également le matériel roulant destiné à l’exploitation de la ligne, qui se compose de 10 locomotives, de voitures pour passagers, de 2 wagons-plats de 8 tonnes pour le transport de rails et d’un  wagon plat de 8 tonnes pour le transport de charbon. Ces apports (= le dépôt et le matériel roulant) sont compensés par 2.150 actions entièrement libérées.


Revenons maintenant à la constitution de la société: Monsieur Vellut reçoit 200 actions pour l’apport de ses concessions. Les apports du dépôt et du matériel roulant sont compensés par 2.150 actions entièrement libérées. Quant au surplus du capital, il est souscrit par:
  • Monsieur le comte Adrien d’Outrelmont, à concurrence de 10 actions;
  • Monsieur Arthur du Roy de Blicquy, à concurrence de 10 actions;
  • Monsieur Emile Mestreit, à concurrence de 10 actions;
  • Monsieur Eugène Bourson, à concurrence de 10 actions;
  • Monsieur Edouard Empain, à concurrence de 10 actions.

Messieurs Empain, Terlinden, du Roy de Blicquy, André, Vellut et d’Outrelmont sont désignés comme administrateurs de la société nouvellement constituée. Il est peut être utile de s’intéresser aux relations qu’entretiennent messieurs Empain, Terlinden et du Roy de Blicquy. 


Monsieur Edouard Empain (20 septembre 1852 – 22 juillet 1929) est issu d’un milieu modeste, il entre à "La Métallurgique" comme dessinateur. C’est là qu’il rencontre Arthur du Roy de Blicquy, qui le prend sous son aile et lui permet de gravir les échelons: il devient, en rien de temps, chef du bureau d’étude, ingénieur en chef, puis administrateur. 

Il quitte "La Métallurgique" en 1878 pour se lancer, avec Edmond Terlinden, dans l’exploitation d’une carrière de pierres dans la province de Namur. En 1881, il revient à ses premières amours: les transports. Il crée une ligne vicinale entre Liège et Jemeppe, et fonde à cette occasion la société des Railways économiques de Liège-Seraing. 

En 1881, il crée son premier holding, la compagnie générale des Railways à voie étroite (qui aura pour vocation de "chapeauter" toutes les sociétés de transport "locales") et la banque Empain, qui deviendra, en 1919, la Banque Industrielle Belge. Le principe de cette banque est de mobiliser directement l’épargne des Belges: chaque citoyen peut confier son épargne, par l’intermédiaire de la banque à l’un des holdings créés par Edouard Empain. Chaque holding possède les titres des diverses entreprises qu’il contrôle, ce qui assure un certain rendement et limite les risques encourus en cas de défaillance de l’une ou l’autre société locale. On comprendra donc qu’en 1884, Monsieur Empain embarque dans l’aventure "BIB" ses amis de longue date.

le baron Empain

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