mercredi 9 octobre 2019

Histoire de la société anonyme du Chemin de fer à Voie étroite de Bruxelles à Ixelles-Boendael (7/10) ^^

Le matériel roulant commandé, en 1896, à la société Métallurgique et Charbonnière (ateliers de Nivelles), dans le cadre de l'électrification des lignes du réseau de la société de Bruxelles-Ixelles-Boendael et l'exploitation de la ligne Treurenberg-Cinquantenaire-Tervuren, consiste en:

1. Soixante-huit voitures fermées à truck indépendant de la caisse, numérotées de 200 à 227 (à deux moteurs Electricité & Hydraulique de 25 chevaux) et de 231 à 270 (à deux moteurs Walker de 25 chevaux), à trolley Dickinson et avec des roues de 82 centimètres de diamètre. La caisse de ces voitures mesurait à peu près 6.50 mètres, et était terminée par deux plates-formes d’environ 1 mètre. Chaque voiture était divisée en deux compartiments, identiques, de 10 places assises chacun, et chaque plate-forme offrait 8 places debout. La capacité d’une voiture était donc de 36 places.

Les deux compartiments sont identiques. La première classe est pourvue de coussins de velours rouges que l’on peut transporter d’un compartiment à l’autre en bout de ligne, de façon à avoir toujours la première classe à l’arrière de la voiture. Les 6 fenêtres étaient pourvues de châssis mobiles et de persiennes. Avant la reprise du réseau d’Ixelles-Boendael par les Tramways Bruxellois, ces voitures n’avaient pas de paravents vitrés à leurs plates-formes.

Diverses photos des motrices 263, 265 et 269 sont reproduites un peu plus loin cet article.



2. Comme le cahier des charges de la ligne du Treurenberg prévoit que la traction électrique, entre le point de départ et l’entrée de la rue Joseph II se ferait par accumulateurs ou par caniveaux, deux motrices (271 et 272) équipées d’accumulateurs "Eclair" sont également commandées. Ce système se révèle décevant et est abandonné. Afin de ne pas interrompre le service, la société demande et obtient l’autorisation de réaliser l’alimentation en courant électrique par fil aérien.



3. Dix voitures fermées de seconde classe, dont la caisse est identique à celles des 70 voitures motrices (fenêtres, persiennes, capacité,…), mais sans cloison médiane. Ces voitures n’ont pas non plus de paravents vitrés à leurs plates-formes.

(La motrice 263 et) la remorque 497, devant le dépôt de Woluwe © Coll. Mupdofer


4. Cent-douze voitures ouvertes surbaissées (autrement dit, sans marchepied) offrant 24 places assises sur 6 banquettes transversales pouvant recevoir chacune 4 personnes et disposées de façon à former trois vis-à-vis. Après la reprise par les Tramways Bruxellois, des panneaux vitrés furent placés à chacune des extrémités de ces voitures. En hiver, ces voitures ouvertes étaient remplacées par les anciennes voitures de seconde classe autrefois remorquées par les locomotives à vapeur.

La motrice 265 et une des 112 voitures ouvertes surbaissées du BIB, circulant sur la ligne
Place de Louvain - Exposition de Tervueren


5. Dix luxueux wagons-bars de 1ère classe, numérotés de 401 à 410, dont la plate-forme unique a des dimensions fort étroites, à tel point que six voyageurs seulement peuvent s’y tenir. A droite, en y pénétrant, se trouve un buffet avec des étagères garnies de verres. Plus loin, à droite toujours, se trouvent une série de trois vis-à-vis donnant place à six personnes en tout. A gauche, quatre vis-à-vis pour 4 personnes chacun donnent 16 places, soit un ensemble de 22 places au total. Si l’on y ajoute les 6 places de la plate-forme, on arrive à une capacité de 28 places. Tout le mobilier, les parois et le plafond sont en sycomore et acajou polis. L’éclairage est assuré par d’énormes baies à glaces dormantes, et des rideaux beiges ornés du monogramme de la compagnie abritent les voyageurs des rayons du soleil. 

Ces voitures circulent principalement sur la ligne "Treurenberg-Tervueren".  On peut y déguster du porto et du champagne (à raison de 60 centimes le verre) ou de la bière (pour 15 centimes seulement). Le bar est tenu par un garçon en tenue impeccable, qui distribue aussi des jeux de cartes aux voyageurs, de manière à les occuper durant pour la durée du parcours (environ une heure).

La motrice 269 et le wagon-bar 401, photographiés à la gare de Tervueren


La vente de boissons alcoolisées à bord de ces wagons-bar suscite l'ire des cabaretiers, qui accusent les tramways de concurrence déloyale, ceux-ci n'étant pas soumis à la taxe de patente. On peut ainsi lire dans le "Petit Bleu du Matin" du 22 septembre 1897: 

"Les cabaretiers protestent: la création sur certaines lignes de tramways des wagons-bars, qui a eu l'heur de plaire au public, a provoqué dans la corporation des cabaretiers une véritable tempête de protestations. Des meetings ont été organisés, des pétitions ont été signées, et les administrations communales sur le territoire desquelles circulent les cabarets ambulants, se sont vues inondées de paperasses indignées.

Les réclamants demandaient que certaines taxes spéciales fussent mises à charge des compagnies intéressées, du chef du "commerce" auquel elles se livrent. A la suite de ces plaintes, plusieurs communes sont entrées en négociation avec la compagnie concessionnaire pour arriver à appliquer à chaque wagon-bar en circulation la taxe mise sur les débits de boissons. Celle-ci serait fixée d'après un taux à établir de commun accord avec les parties intéressées.
"



Outre l'acquisition de nouveau matériel roulant, la Société anonyme du Chemin de fer à Voie Etroite de Bruxelles à Ixelles-Boendael doit également aménager une centrale électrique dans son dépôt de l’avenue de l’Hippodrome. Les travaux sont réalisés par la société "Electricité et Hydraulique" de Charleroi. Cette société est spécialisée dans la livraison d’équipements complets de tramways électriques, en Belgique et à l’étranger. On notera que suite à de sérieuses difficultés financières, la société est rachetée par Edouard Empain qui la renomme "Ateliers de Construction électriques de Charleroi" (ACEC) en 1904.


La centrale électrique de l’avenue de l’Hippodrome alimente en électricité les lignes :
  • Place de Louvain – parc du Cinquantenaire, longue d’environ 3350 mètres et desservie par 14 trains de 23 tonnes, composé chacun d’une motrice et de deux remorques;
  • Porte de Namur – parc du Cinquantenaire, longue d’environ 2900 mètres et sur laquelle circulent 12 trains de 20 tonnes en service simultané.

L’usine électrique comporte trois groupes électrogènes alimentés par des chaudières. L’alimentation des chaudières en charbon se fait à partir d’une soute pouvant contenir 100 tonnes de charbon. Cette soute est elle-même alimentée par des wagons, amenés sur une voie longeant extérieurement le bâtiment de la chaufferie. Quant à l’alimentation en eau, elle se fait:
  • à partir d’une petite citerne recevant l’eau de la distribution communale d’Ixelles;
  • d’une grande citerne d’une capacité de 100 mètres cubes;
  • des caniveaux d’eau chaude servant à la décharge des condensateurs des machines à vapeur.


L’usine comprend également, outre les machines à vapeur et leurs condensateurs, des dynamos et un tableau de distribution. L’atelier de réparation est contigu à la salle des chaudières et contient deux voies avec fosse de visite pour quatre voitures, un transbordeur à fosse, et des machines-outils électriques. La remise des voitures a la forme d’un rectangle. Elle fait 115 mètres de long sur 32 mètres de large, et comprend 11 voies dont 9 passent au-dessus d’une fosse de visite. Le prolongement de deux des voies passe dans un atelier de peinture et de menuiserie. Le site comprend également une forge.


La construction d’une nouvelle remise et d’une centrale électrique est également nécessaire afin de permettre la desserte de la ligne de Tervueren. On notera, qu’en attendant l’achèvement complet de l’électrification de la ligne de Tervueren, l’exploitation fut partiellement assurée, depuis le Cinquantenaire, par des trams à vapeur. La ligne est relativement difficile à exploiter vu sa longueur (à l’époque, le trajet complet Treurenberg – Tervueren représentait un voyage de près d’une heure) et du fait que la fréquentation est fort dépendante de la météo.

Le dépôt de Woluwe en 1897 : à gauche, les remises, desservies par une unique voie d’accès. Au centre droit, on devine l’usine électrique et  son imposante cheminée. A droite, le bâtiment administratif.




La presse est invitée à venir découvrir le nouveau dépôt et son usine électrique. On peut lire le compte rendu de cette visite dans le journal "Le Peuple" du 20 septembre 1897:
La compagnie des Chemins de fer à Voie étroite de Bruxelles à Ixelles-Boendael avait invité, samedi dernier, les membres de l’Union permanente des tramways, ainsi que la presse, à visiter ses installations électriques.

Au départ, à 10 heures du matin, six trains composés de deux voitures chacun, ont transporté les invités, au nombre de 120 environ, jusqu’à l’arrêt des étangs de Tervueren où l’on a visité l’installation de distribution de force motrice. Il y a là trois dynamos faisant mouvoir de gigantesques volants faisant 550 tours à la minute et représentant une force de 1.000 chevaux.

Faisons remarquer en passant que toutes les mesures de précautions ne sont pas prises là pour sauvegarder la vie des travailleurs qu’on y occupe et qu’il serait de la plus élémentaire prudence d’entourer les machines de garde-fous protecteurs.


Quelques jours plus tard, le 28 septembre 1897, la traction électrique aérienne remplace la traction à vapeur sur la ligne de la porte de Namur à Boitsfort. Le 15 octobre 1897, c’est tout le réseau "non vicinal" de la société d’Ixelles Boendael qui est électrifié, grâce à un équipement du système Dickinson, qui permet la captation sur un fil désaxé par rapport au rail, un peu comme une perche de trolleybus. On vous illustre cela sur la photo suivante :

Les motrices 233 et 235, avenue de Tervueren.


Quant au personnel employé à cette époque par la société d’Ixelles-Boendael, il se compose de mécaniciens, d’ouvriers et de receveurs. Les mécaniciens et les ouvriers, payés à l’heure, reçoivent de 35 à 45 centimes de l’heure. La journée de travail est de 10 à 14 heures au maximum, en fonction des lignes sur laquelle ils travaillent. Les receveurs sont payés au mois et ils reçoivent dès leur entrée un traitement minimum de 90 francs. Ce traitement comprend 6 jours de congé par mois. Leur journée de travail comprend de 12 à 14 heures de travail.



Le "Journal de Bruxelles" du 25 octobre 1897 publie le compte-rendu de l’assemblée générale de la société des Railways à voie étroite, qui est l’un des holdings du groupe Empain, dont fait partie la société d’Ixelles-Boendael. On y lit: 
Depuis notre dernière assemblée, la société Ixelles-Boendael a repris les lignes de la porte de Namur et de la place de Louvain au Parc du Cinquantenaire, concédées à Monsieur Edmond Parmentier et à cette société, ainsi que celle de la place Saint-Josse à Tervueren, concédée à Edmond Parmentier. Notre compagnie (des railways à voie étroite) a prêté à la société Ixelles-Boendael le concours de tout son personnel pour lui permettre de mener à bien et d’achever à temps cette importante entreprise.

L’ancien réseau d’Ixelles-Boitsfort, de même que la nouvelle ligne de l’avenue de la Couronne et du boulevard Militaire, vont être exploitées prochainement par la traction électrique. Les lignes vicinales de la place Sainte-Croix à Saint-Josse et Schaerbeek et de la place Saint-Josse au cimetière d’Evere seront également transformées, pour être exploitées par moteur électrique dans un avenir prochain. Le réseau se composera alors de 35 kilomètres à l’électricité et de 30 kilomètres de lignes vicinales exploitées à la vapeur.

Dans le courant de cet exercice, notre société a également repris pour son compte, et moyennant indemnité, l’exploitation de notre réseau d’Ixelles, affermée à la société Liège-Seraing jusqu’en 1904.

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