jeudi 23 mars 2017

Le dépôt et la gare des Tramways du Bois de la Cambre, 1869-1908 ^^

Sans doute par déformation professionnelle, je me suis posé la question de savoir à quoi pouvait bien ressembler le tout premier dépôt de trams de Bruxelles. Je n'arrivais pas bien à visualiser où il se trouvait... et encore moins ce à quoi il pouvait ressembler. Alors j'ai fait des recherches. Et voici ce que j'ai trouvé...

La toute première description de ce dépôt se trouve dans l'acte de constitution de la Société Anonyme des Tramways Bruxellois, passé le 23 décembre 1874 devant le notaire Charles Paul Marie Van Halteren à Bruxelles et publié dans les annexes du Moniteur Belge du 12 janvier 1875.

On y lit que: "
Monsieur William Morris fait apport à la présente société, quittes et libres de toute charge, pour en jouir et en disposer à partir du 1er janvier 1875 :
(...)
4. Des bâtiments, écuries, bureaux, etc, établis à Bruxelles, place semi-circulaire à l’extrémité de l’avenue et près du Bois de la Cambre, avec le terrain sur lequel ces constructions se trouvent. (...)"

Autrement dit, il s'agit d'un ensemble de bâtiments composé d'une remise pouvant abriter les 26 voitures de tramway à impériale commandées aux ateliers Geo Starbuck de Birkenhead (UK) et desservant la ligne Bois-Teniers, d'un atelier d'entretien, d'écuries pour les chevaux, d'une maréchalerie, de magasins et de bureaux. Bref, il s'agit d'un dépôt "comme les autres".

"L'entrée du Bois de la Cambre", gravure publiée dans l'hebdomadaire belge
"L'Illustration Européenne" en date du 17 août 1872.

Le dépôt du bois de la Cambre a probablement été construit après la mise en service de la ligne, vu qu'il existe une trace de l'avis favorable donné à M. William Sheldon, qui représente William Morris, quant à la demande introduite à l'automne 1869 en vue de pouvoir construire des écuries, des remises et des ateliers dans le fond de la propriété sa propriété, située place semi-circulaire et longeant le Bois de la Cambre.

Je me suis alors lancée dans la lecture des rapports annuels de la SA des Tramways Bruxellois.

* Pour l'année 1886, nous pouvons lire que "nous avons complété, au dépôt du Bois de la Cambre, nos installations pour l'embarquement des voyageurs. Ces nouvelles dispositions ont été généralement approuvées par le public."

* En 1901, nous lisons: "L'exercice 1901 est le premier qui porte la charge des intérêts et de l'amortissement du capital de deux millions de francs payés à l'Etat, en exécution de la convention de 1899, pour être affecté à des travaux de voiries et à la création d'une avenue le long de la lisière gauche du Bois de la Cambre". Donc, dès 1899, les Tramways Bruxellois sont parfaitement informés du sort réservé à l'un de leurs plus anciens dépôts. 

* En 1902, on parle de la "fermeture prochaine du dépôt du Bois de la Cambre".

* En 1906, nous lisons cette fois que "par suite de l'accroissement du nombre de voitures motrices et de remorques, nous avons été obligés de créer de nouvelles remises. A cet effet, nous avons transformé les locaux précédemment occupés par les usines à vapeur de la rue Brogniez et de l'avenue de l'Hippodrome. Dans ce dernier dépôt, appelé à recevoir le matériel du dépôt du Bois de la Cambre, dont la démolition est prochaine, nous avons érigé des remises sur les terrains que nous avions acquis à cette intention. Ces travaux sont en voie d'exécution."

* Le rapport de l'année 1907 mentionne: "Les plans de transformation du dépôt du Bois, nécessitée par la création de la nouvelle avenue, sont soumis à l'approbation des pouvoirs publics".

* En 1908, nous lisons que "un arrêté royal du 31 décembre 1908 nous a donné une concession de lignes au boulevard de la Cambre: elles sont indispensables aujourd'hui pour réaliser les nouveaux aménagements du dépôt du Bois de la Cambre".


Le dépôt a vraisemblablement été démoli en 1908, mais les rapports annuels ne le mentionnent pas. La création de cette "avenue nouvelle" (qui s'appelle "avenue des Tramways" de 1910 à 1919, et ensuite "avenue Lloyd George") s'inscrit dans un contexte assez large, qui est celui de l'aménagement des quartiers de la Cambre, du Solbosch et de Boendael, ainsi (et surtout) de l'Exposition universelle de 1910.

La façade principale de l'Exposition universelle de 1910

Outre le prolongement de l'Avenue Louise vers le rond-point de la Petite-Suisse (aujourd'hui respectivement avenue Émile De Mot et rond-point de l’Étoile), les communes de Bruxelles et d'Ixelles vont s'entendre pour:
- redessiner leur limite communale (Ixelles cèdant 62 hectares à Bruxelles),
- réaménager le quartier de l'Abbaye de la Cambre,
- et raccorder le Boulevard Militaire (aujourd'hui le boulevard Général Jacques) et le rond-point de la Petite Suisse (aujourd'hui, rond-point de l’Étoile) au Bois de la Cambre.

Après avoir obtenu l'accord du pouvoir législatif sur ces projets de réaménagements urbains, les arrêtés d'expropriation provisoires et définitifs, ainsi que l'enquête publique, relatifs au prolongement de l'Avenue Louise sont publiés durant le premier semestre de l'année 1907. Voici à quoi devait ressembler le dépôt du Bois avant cette fameuse expropriation:




J'ai indiqué, sur le plan ci-dessus, le pavillon de l'Octroi le plus proche en vert, les limites de la propriété des Tramways Bruxellois en noir et les bâtiments en jaune:
* en haut à droite: les bureaux, écuries et magasins, avec la sortie couverte vers le boulevard de la Cambre
* en bas à droite, juste en dessous du bâtiment précédent: la remise pour les voitures
* en bas à gauche, à proximité du bâtiment de l'Octroi: les installations destinées aux voyageurs.

Le dépôt du Bois, vers 1907. Sur la gauche, l'entrée du dépôt, et sur la droite, les installations destinées aux voyageurs.
On peut apercevoir, au fond à gauche, les faîtes des toitures des remises qui abritaient le matériel roulant.


Le dépôt donnait directement sur l'avenue Semi-Circulaire. La carte postale ci-dessous donne un excellent aperçu de cette avenue. La carte postale n'a pas voyagé, mais la photo a dû être prise avant 1910, vu qu'on y aperçoit l'entrée des installations destinées aux voyageurs, entre le restaurant et le pavillon de l'Octroi.

 


On notera que les deux pavillons de l'Octroi se trouvaient initialement à la Porte de Namur. L’ "octroi" était une taxe perçue par les villes sur la valeur des marchandises qui entraient sur leur territoire ou en sortaient. Cette taxe servait à financer les travaux d’entretien des fortifications et les travaux d’utilité publique. Les deux pavillons de la Porte de Namur furent démontés et reconstruits à l'entrée du Bois après l'abolition des octrois dans les années 1860.

L'entrée du Bois de la Cambre, dans les années 1890, avec les deux pavillons de l'Octroi.
Le dépôt du Bois se trouve juste à gauche de la carte postale.


J'ai profité d'une froide après-midi de janvier pour aller faire des photos actuelles de l'avenue Semi-Circulaire et de l'entrée du Bois de la Cambre. Je vous les ai montées sous forme de collages "avant/après" afin de pouvoir comparer les anciennes cartes postales avec la situation actuelle.

1. L'entrée du Bois de la Cambre



2. L'avenue Semi-Circulaire



3. La gare du Bois



Un mot d'explication sur le dernier "avant/après": l'actuelle avenue Lloyd George (anciennement "avenue des Tramways")  a été tracée sur toute la profondeur de la parcelle de terrain sur laquelle était construite la gare du Bois, mais sur une largeur de 25 mètres seulement. L'entièreté de la largeur de la parcelle était de +/- 107 mètres avant l'emprise nécessaire à l'aménagement de l'avenue. La ligne d'emprise est dessinée en rouge sur le schéma ci-dessous. La partie inférieure, comprise entre la ligne rouge et le bois est expropriée. La partie supérieure, entre le Boulevard de la Cambre et la ligne rouge, reste la propriété des Tramways Bruxellois.



Les Tramways Bruxellois sont donc toujours, après expropriation, propriétaire d'une parcelle de terrain sur l'avenue Semi-Circulaire. Après démolition des bâtiments existants, ils vont y aménager un nouveau terminus. Ce sera la seconde gare du Bois, qui restera en service jusqu'en 1972.

Mais ceci est une autre histoire, qui fera certainement l'objet d'un prochain article. Restez donc connectés!



Bonne soirée et à bientôt,

Callisto

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