mercredi 13 février 2019

Les omnibus en correspondance avec le chemin de fer à Bruxelles, 1835-1857 ^^

Dans un précédent article, consacré à l'histoire des omnibus entre 1831 et 1867, nous écrivions que les premiers services d’omnibus bruxellois sont organisés après l’inauguration de la ligne de chemin de fer Bruxelles-Malines, le 5 mai 1835. 

Vue du chemin de fer et de l'Allée Verte à Bruxelles


Avant l’ouverture de la gare de l’allée Verte, située hors du centre-ville, les points de départ des diligences étaient nombreux et dispersés, car il n’y avait pas d’endroit particulier où convergeaient les voyageurs. Un mois après la mise en service de la gare de l’allée Verte, une première ligne d’omnibus relie celle-ci au centre-ville (porte de Namur et place Royale). 

Nous écrivions également qu’en 1840 il existait plusieurs lignes d’omnibus qui faisaient correspondance avec le chemin de fer:
*  "la Comète et la Bruxelloise", d'une part et "le Progrès et le Remorqueur", d'autre part, dont le point de départ se situait porte de Namur ;
*  "la Dame blanche", qui partait de la porte de Hal ;
*  "l'Omnibus-diligence", qui avait son point de départ à rue des Ursulines ;
*  "le Lézard", qui partait de la rue des Alexiens.

Nous avons eu envie d'en savoir plus sur ces lignes d'omnibus. Nous avons donc mené l'enquête et voici ce qu'elle a démontré.


La première mention d'un omnibus dans la presse de l'époque que nous avons pu retrouver est cet extrait du quotidien "L'Emancipation", paru le 22 mai 1835. On peut y lire que: "Nous apprenons qu'un service d'omnibus est organisé pour communiquer entre les points les plus éloignés de la ville et le chemin de fer. Tous les jours, et autant de fois qu'il y aura de départs de locomotives pour Malines, il partira de la porte de Namur et de la place Royale, un omnibus qui transportera jusqu'au chemin de fer les personnes qui voudront s'y rendre.

En prenant place dans l'omnibus, on sera assuré d'avoir place sur le chemin de fer, d'après les arrangements conclus entre l'entrepreneur et le gouvernement.
L'omnibus qui partira de la porte de Namur traversera la rue de Namur, la place Royale, les rues de la Montagne de la Cour, Marché aux Herbes, des Fripiers, de l'Evêque, de Laeken et de l'Harmonie.

L'omnibus partant de la place Royale parcourra la rue Royale, le Treurenberg, la plaine Sainte Gudule, les rues des Paroissiens, de Loxum, des Dominicains, la place de la Monnaie, la Longue-rue-Neuve et la rue du Pont Neuf.

L'un et l'autre prendront des voyageurs tout le long de leur itinéraire. Le service commencera probablement samedi prochain. Cette entreprise nous parait présenter trop d'avantages pour les habitants de Bruxelles, pour que son succès soit douteux.
"


Trois jours plus tard, "L'Emancipation" complète son article par le communiqué suivant: "Le service d'omnibus, dont nous avons annoncé l'établissement, qui doit mettre en communication les points les plus éloignés de la ville avec le chemin de fer, ne sera mis en activité que dans deux ou trois jours.
L'entrepreneur, non content d'assurer des places pour aller de Bruxelles à Malines, s'est arrangé à pouvoir assurer les places de retour."


Ce service d'omnibus, organisé par les entrepreneurs Barreto et Delpaire, est mis en service le samedi 6 juin 1835 à l'aide des omnibus "Le Progrès" et "Le Remorqueur". Les départs en direction de la gare de l'Allée Verte sont fixés comme suit:
1er départ à 6 heures et demi du matin
2ème départ à 9 heures et demi du matin
3ème départ à midi et demi
4ème départ à 3 heures et demi
5ème départ à 6 heures et demi du soir.

Pour le retour, les omnibus partent de la station du chemin de fer, à l'heure de chaque arrivée des wagons.


Le bureau de la société Barreto et Delpaire se trouve Montagne de la Cour, au numéro 91, où l'on peut également se procurer des billets à l'avance pour différents départs du chemin de fer de Bruxelles à Malines, et pour le dernier retour de Malines à Bruxelles. Ces billets sont également en vente dans l'omnibus, dans la limite des places disponibles.
 
Le prix des places dans l'omnibus, pour les départs de la place Royale et de la porte de Namur au chemin de fer, est fixé à 50 centimes par personne, et 30 centimes pour le retour.
En juillet 1835, le bureau des omnibus Barreto et Delpaire de la Montagne de la Cour est transféré du numéro 91 au numéro 32.

Outre leur service d'omnibus et de réservation de places pour le train qui relie de Bruxelles à Malines, Barreto et Delpaire proposent également les services suivants:
* la location de voitures de 20, 30 ou 40 places;
* des excursions en train vers Malines, accompagné d'un dîner succulent avec une demi-bouteille de vin au Jardin de Coloma et ensuite le retour par le chemin de fer jusqu'à Bruxelles, et par les omnibus jusqu'à la place Royale pour le prix modique de 5 francs par personne;
* des excursions au Nieuw Molen, à l'endroit où l'on prend les bains, les dimanches et jours de fêtes excepté, par la rue de la Madeleine, la rue de la Colline, la Grand-Place, la rue de la Violette, la rue de l'Escalier et la rue Haute. Le départ est à 6 heures et le retour à 7 heures et demi. Le prix est de 50 centimes par personne.
* des excursions pour Boitsfort, les dimanches et jours de fête, au moyen de deux grandes voitures suspendues qui passent par la place Royale et la porte de Namur. Le départ de la première voiture est à 11 heures et celui de la seconde à 4 heures. Le retour de la première voiture est à midi et celui de la seconde à 8 heures. Le prix est de 1.50 francs par voyageur.
* des excursions en bateau à vapeur.

En 1838, Barreto et Delpaire déménagent leur bureau au numéro 14 de la place Royale. Ils développent leur service d'omnibus vers Boitsfort, qui circule tous les dimanches, lundis et jeudis durant la belle saison jusqu'en 1841. Le départ de Bruxelles est à 2 heures et le départ de Boitsfort est à 7 heures du soir. Le service d'omnibus en correspondance avec le chemin de fer se maintient quant à lui jusqu'en 1847.


La concurrence, sur la desserte du chemin de fer, apparait dès 1836 avec les services offerts par les omnibus "La Comète", La Bruxelloise" et "La Dame Blanche".

"La Comète" et "la Bruxelloise" desservent tous les deux la rue de l'Harmonie à partir du faubourg de Namur, par l'itinéraire suivant: boulevard de Waterloo, rue du Cerf, rue aux Laines, petit Sablon, rues de la Régence, de Bodenbroeck, grand Sablon, rue de Rollebeek, Steenporte, rue de l'Escalier, place Saint Jean, rues du Marais-Saint-Jean, des Eperonniers, Marché aux Herbes, Marché aux Trippes, rue des Fripiers, de l'Evêque, de Laeken, porte de Laeken, rue de l'Harmonie. Le bureau principal  de ces omnibus est établi Hôtel de la Régence, près du pont de fer. L'activité de ces omnibus cesse en 1846.


Quant à "La Dame Blanche" de l'entrepreneur M. d'Abremont, elle dessert la rue de l'Harmonie à partir de la Porte de Ham, en passant par les rues Haute, d'Or, de l'hôpital, la place Saint Jean, les rues de la Violette, de l'Etuve, du Lombard, le Marché aux Charbons, la Grand-Place, la rue au Beurre, le Marché aux Poulets et aux Poissons, les rues de la Vierge noire et de Laeken. Cette ligne se maintient, quant à elle, jusqu'en 1856.


Un nouveau concurrent apparait en 1837: il s'agit des omnibus tenus par M. Van Humbeek, rue du Marais Saint Jean. Sa première ligne, dit "l'Omnibus-Diligence", part du Lion Belge, sur la place de la Vieille Halle aux Blés, et passe par les rues du Marais Saint Jean, des Eperonniers, le Marché aux Herbes, les rues des Fripiers, de l'Evêque et de Laeken.

Sa seconde ligne, qui se nomme "Le Lézard", part de la rue des Alexiens, en passant par les rues du Bord de Verre, Terre-Neuve, la place des Wallons, les rues du poinçon, des Bogards, du jardin des Olives, courte rue Neuve, des Grands Carmes, le Marché aux Charbons, les rues de la Violette et des Chapeliers, la Grand-Place, les rues de la Colline, de la Montagne, d'Arenberg, des Dominicains, Léopold, Fossé aux Loups et Longue rue Neuve.

Ces deux services cessent tous les deux leur activité en 1856.




En janvier 1838, il est formé une société d'omnibus dits "Les Bruxelloises", qui a pour but d'exploiter non seulement la correspondance du chemin de fer, mais aussi,  celle de tous les faubourgs, depuis un point central de la ville, et ce à toute heure de la journée. Le directeur de cette société est M. Max Canonne.

On peut lire, dans "L'Indépendance Belge" du 13 mai 1838: "L'administration de la société des omnibus "Les Bruxelloises" a l'honneur d'informer le public qu'à dater du 12 mai 1838, il partira de deux heures en deux heures, depuis 7 heures du matin jusqu'à 9 heures du soir, des faubourgs de Schaerbeek, de Louvain, de Hal et de Flandre, des omnibus se dirigeant vers le centre de la ville (la Grand Place et la rue du Lombard) avec correspondance immédiate pour chacun de ses faubourgs.

Les départs ont lieu à la demi-heure de la rue du Lombard pour tous les faubourgs et à l'heure de tous les faubourgs pour la ville.


Les bureaux sont établis:
A Bruxelles, rue du Lombard, chez la Veuve Delavigne, au Grand Cygne
A Schaerbeek, place de la Reine, chez De Leemans
A Saint Josse ten Noode, chez De Coninck, Au Grand Cerf,
A Saint Gilles, chez Van Caeneghem, aux Trois Rois,
A Molenbeek, route de Gand, à l'Ancien Morian (actuellement Nieuwe Maegd van Gend), chez De Coster.

Prix des places:
D'un faubourg à la rue du Lombard et vice-versa, 25 centimes. Les personnes qui, arrivant au point central, voudront continuer dans une autre direction ne payeront que 10 centimes de supplément, pourvu toutefois qu'elles ne sortent pas de la ville.

Correspondance avec les autres omnibus de ladite société et pour les départs et les arrivées des convois par le chemin de fer."


Ce réseau forme d'omnibus, qui assure un départ toutes les heures est le premier à constituer un réseau de transport en commun, avec correspondance. 
Ce service se développe et propose, dès janvier 1839, un service vers Jette et Koekelberg. On peut ainsi lire, dans le journal "Le Belge" du 13 janvier 1839: "A dater du 20 janvier 1839, la société des omnibus "Les Bruxelloises" inaugure son nouveau service d'omnibus entre Jette Saint Pierre, Koekelberg et Bruxelles (et vice-versa), partant de Bruxelles au bureau central des omnibus, rue du Lombard n°14:
* le matin à 9 heures et demi
* l'après-midi à 13 heures et demi
* de Jette-Saint-Pierre le matin à 10 heures et demi
* du Pensionnat du Sacré Coeur l'après-midi à 4 heures et demi.
Prix des places: 1 franc par personne.

Les bagages et les marchandises sont également transportés au taux de 1 franc par kilogramme.

Bureaux à Bruxelles:
* Rue du Lombard n°14, où l'on délivre des abonnements.
* Rue Royale n°19
* Chaussée de Laeken n°52 (siège social de la société)
* A Molenbeek Saint Jean (route de Gand) à l'Ancien Morian et chez De Coster, près de la barrière.
Ce service n'apporte aucun changement au service des omnibus de ladite société pour la correspondance de et vers tous les faubourgs, ainsi qu'à celui des départs et des arrivées des convois par le chemin de fer."


Cette entreprise disparait dans le courant de l'année 1839. Sa disparition est suivie, en 1846, par celles de La Comète et de la Bruxelloise, ainsi que par des services proposés par les entrepreneurs Barreto et Delpaire ("Le Progrès" et "le Remorqueur".)


Dix ans plus tard, ce sont la "Dame Blanche", qui partait de la porte de Hal et les omnibus tenus par M. Van Humbeek, qui avait déménagé au 44 de la rue des Eperonniers, qui disparaissent à leur tour.

La desserte du chemin de fer est alors assurée par les omnibus tenus par M. Huens, rue Sainte Catherine 2. Ces omnibus desservent  les rues des Ursulines, des Alexiens, de Bavière, la Vieille Halle aux Blés, la rue des Eperonniers, le Marché aux Herbes, la rue des Fripiers, la place de la Monnaie, la rue Neuve et le chemin de fer.
Une autre ligne dessert la Grand-Place, les rues de la Colline, de la Montagne, d'Arenberg, les rues de l'Ecuyer, Léopold, Fossé aux Loups, la rue Neuve et le chemin de fer.


Cette société n'apparait pas être plus rentable que ces prédécesseurs. Elle disparait dès 1857. En 1858, il n'y a donc plus aucune société d'omnibus qui assure la correspondance avec le chemin de fer. La disparition de ces services coïncide avec l’établissement de plusieurs gares à Bruxelles. Il n’y avait, à nouveau, plus suffisamment de mouvements de voyageurs qui convergeaient vers un seul et même point.


Outre la correspondance avec le chemin de fer, il existait, à la même époque, des lignes vers Uccle, Anderlecht et Laeken dont nous parlerons dans un prochain article.

Bonne soirée,

Callisto

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