mercredi 2 octobre 2019

Histoire de la société anonyme du Chemin de fer à Voie étroite de Bruxelles à Ixelles-Boendael (5/10) ^^


Intéressons-nous maintenant au projet de funiculaire aérien de messieurs François Wellens, A. Le Brun et Arthur du Roy de Blicquy, l’un des fondateurs de la société du Chemin de fer à Voie étroite de Bruxelles à Ixelles-Boendael et président de "la Métallurgique".

Un petit mot sur François Wellens (1812-1897) s'impose. Il est ingénieur et occupe la fonction d'inspecteur général des Ponts et Chaussée. Il est également le président de la Commission royale des monuments et des sites et seconde Joseph Poelaert lors de la construction du Palais de Justice de Bruxelles.






Leur projet est le suivant : un chemin de fer funiculaire à double voie, ayant son origine dans une gare construite dans l’angle formé par la rue de la Montagne et le Marché-aux-Herbes et relié à une autre gare sise rue royale près de la statue du général Belliard. La traction des voitures, dans les deux directions se fait par un câble sans fin mis en mouvement au moyen de machines fixes, établies près du pied de la rampe à gravir.

En 1891, l'ingénieur A. Le Brun présente le projet en ces termes:
La ville de Bruxelles se compose de deux grandes parties: la ville basse, où se trouvent concentré tout le commerce de la capitale, les théâtres et les autres lieux de plaisirs, ainsi que les grandes gares; et la ville haute, où l'on rencontre les ministères, les Chambres, le Palais, le palais de Justice, les grands établissements financiers et les plus belles promenades. Ces deux parties ne sont reliées l'une à l'autre que par des rues à pente très raides.

D'autre part, Bruxelles est bordée à l'Est et à l'Ouest de faubourgs très populeux et industriels. Il en résulte une circulation très intense entre les faubourgs et la partie basse de la ville. L'organisation d'un bon service de tramways est pour Bruxelles d'une utilité incontestable.
Pour répondre aux divers besoins de la population, ces tramways doivent non seulement faciliter les relations de quartier à quartier, mais ils doivent encore rendre plus accessibles les promenades qui entourent l'agglomération bruxelloise.

Hors, les tramways existant dans le haut et le bas de la ville sont tous dirigés du Nord au Sud, sans aucune liaison transversale, car la ligne circulaire des boulevards ne peut pas être considérée comme une ligne de jonction. Les omnibus de pavé ne peuvent non plus être considérés comme suppléant à cette lacune.

L'absence d'un tramway dans la direction de l'Est à l'Ouest s'explique par la grande difficulté de franchir la différence totale de 38 mètres qui sépare le bas du haut de la ville, en se servant des rues telles qu'elles existent. Il faut donc recourir à un moyen mécanique, rapide, économique et à l'usage de tout le monde.


En 1884, l'ingénieur M. Gillon a présenté un projet consistant à passer en souterrain sous les rues de la Madeleine, Cantersteen, de la Montagne de la Cour, sous la place Royale et la rue de Namur. Ce projet comprenait environ 1.000 mètres de traction funiculaire à mouvement alternatif. Ce projet n'a pu aboutir, par suite de certaines craintes de l'Etat.


Dans notre projet, la voie part du niveau du sol et y aboutit en passant au-dessus des maisons et des rues; la traction y est continue. Les installations consistent en un câble sans fin, supporté de distance en distance par des galets, s'enroulant sur des tambours aux extrémités et marchant sans d'arrêter à une vitesse de 12 kilomètres à l'heure. Pour la traction au niveau de la rue, le câble se trouve logé dans un aqueduc présentant une fente à sa partie supérieure et dans toute sa longueur.

Chaque voiture est munie d'une pince que l'on introduit dans la rainure et au moyen de laquelle on saisit le câble en serrant progressivement. La voiture se met aussitôt en mouvement et sa vitesse croit jusqu'à 12 kilomètres à l'heure. La fabrication des câbles demande de très grands soins. On emploie des câbles ronds, mesurant de 25 à 30 mm de diamètre. Ces câbles s'usent rapidement et on doit les surveiller soigneusement. Ils durent environs 9 mois.


Le chemin de fer funiculaire aérien projeté à Bruxelles aura son origine dans un passage couvert à construire en face de la galerie Saint-Hubert, dans l'angle formé par la rue de la Montagne et le Marché-aux-Herbes. Après avoir franchi la rue du Singe, il s'élèvera par une rampe jusqu'à la rue de la Bergère. En ce point, il sera à plus de 20 mètres au-dessus des rues et aboutira, par une seconde rampe suivie d'un palier, à la rue Royale, près de la statue du général Belliard.



Il sera à deux voies: une montante et une descendante. A partir de la rue des Longs Chariots, il sera établi sur un viaduc en fer dont la longueur sera d'environ 400 mètres. La longueur totale sera de 580 mètres.

La gare, placée au point de départ, aura sa façade d’entrée à proximité de celle du passage Saint-Hubert. Elle comprendra deux voies pour le chemin de fer, longées par de larges trottoirs  et sera conçue de façon à permettre aux propriétaires riverains d’établir, tout le long des deux faces latérales de la gare, des magasins avec vitrines et entrées. La gare est donc un passage couvert, pouvant être prolongé jusqu’à la rue de la Putterie. L'installation entière sera éclairée à la lumière électrique.


Les diverses machines seront établies sous cette gare, entre les murs soutenant les voies du côté de la rue des Longs-Chariots. Des voitures spéciales, munies de pince d'attache et de freins puissants, partiront toutes les 4 minutes des deux points extrêmes. La distance totale sera franchie en deux minutes et demi.

Quant aux voitures de tramways ordinaires, partant de la Bourse (ou même de la porte de Ninove), ou de la gare du Luxembourg ou de tout autre point, elles seront attachées au câble par l'intermédiaire de voitures spéciales, et parcourront ainsi le chemin de fer aérien, avant de s'en détacher pour reprendre leur course jusqu'à leur destination.


La force motrice sera fournie par une machine fixe à deux cylindres compound et munie de tous les perfectionnements. Les voitures seront de grande capacité et montées sur bogies. Elles pourront contenir 40 places assises, et une grande plateforme centrale sera destinée aux voyageurs qui préféreront rester debout. Le conducteur, qui aura sous la main les appareils servant à manoeuvrer la pince d'attache du câble ainsi que les freins, sera placé sur une estrade inaccessible au public, ménagée à chaque extrémité de la voiture.


La dépense totale est estimée à 3.500.000 francs (dont 1.150.700 francs pour les expropriations, et 480.000 francs d'indemnités aux propriétaires des maisons situées sous le viaduc). On peut compter que 7.000 voyageurs emprunteront journellement le chemin de fer funiculaire. Admettant que le prix du voyage sera de 15 centimes en 1ère classe et de 10 centimes en seconde, et en ajoutant la redevance payée par les voitures de tramways, on arriverait à une recette annuelle totale de 360.000 francs.


Le collège, après avoir reçu les documents exigés par la loi pour l’enquête publique, ouvre celle-ci du 15 au 30 septembre 1891. Les protestations sont nombreuses. Une commission spéciale se retrouve chargée d’une enquête supplémentaire afin de déterminer si l’établissement du funiculaire projeté peut nuire au panorama de la ville et s’il ne fait pas obstacle à la transformation éventuelle du quartier de la Putterie.



On reparle de ce projet, le 29 janvier 1894, quand l'échevin de Mot fait le rapport suivant, au nom du Collège de la Ville de Bruxelles et de sa Section des travaux publics: « Le Ministre de l'agriculture, de l’industrie et des travaux publics nous a, par dépêches du 23 novembre dernier, saisis de trois demandes d'établir un tramway du système non déraillable, parlant de la porte de Namur et allant jusqu'à la Bourse pour l'une d'elles, et jusqu'à proximité de l'entrée nord du passage Saint-Hubert pour les deux autres.

La première demande émane de la Société anonyme les Tramways bruxellois, qui effectuerait la traction par l'électricité avec câble aérien. Les voitures auraient 1,80 mètre de largeur et remplaceraient les omnibus de pavé qui font actuellement le service entre la Bourse et la porte de Namur, en passant par les rues du Marché aux Poulets, du Marché aux Herbes, de la Madeleine, de la Montagne de la Cour et de Namur. La voie ferrée serait simple, avec évitements.

La deuxième, introduite par M. Vanderschueren, propose la traction par câble sous pavage et l'emploi de voitures larges de 1,70 mètre. Elles partiraient de la rue du Marché-aux-Herbes, près de la rue de la Colline. La voie ferrée serait également simple, avec évitement.

La troisième, formulée par la Société anonyme du Chemin de fer à voie étroite de Bruxelles à Ixelles-Boendael, emploierait le même mode de traction, appliqué à des voitures larges d'un mètre seulement et dites trottoirs roulants. La voie serait double à partir de la porte de Namur — sauf sous l'arcade de la place Royale — jusqu'au fond de la rue des Trois -Têtes, qui serait percée aux frais de la Société jusqu'à la Cantersteen, où les deux voies se sépareraient , l'une se dirigeant par la rue de la Madeleine, l'autre par les rues relativement étroites de l’Impératrice et de la Putterie, pour venir toutes deux se terminer rue du Marché-aux-Herbes , un peu en aval de la rue des Éperonniers.

De l'examen que nous avons fait de ces trois projets, il résulte que les voitures-trams non déraillables à mettre en circulation, gêneraient encore, malgré leur peu de largeur, le stationnement des véhicules ordinaires, en nombre de points dans les rues prémentionnées, où la circulation est fort active. Aussi, d'accord avec l'unanimité de la Section des travaux publics, proposons-nous au Conseil communal d'émettre un avis défavorable sur chacune de ces trois demandes.


Nous sommes d'ailleurs saisis par l'Autorité supérieure d'une demande d'avis sur deux autres projets de moyens de communication entre le haut et le bas de la ville, qui n'auraient pas, eux, l'inconvénient de gêner la circulation ordinaire dans nos rues. L'un de ces projets est celui de MM. Wellens, Le Brun et du Roy de Blicquy qui proposent d'établir, sur de hauts supports, très distancés, de hautes fermes métalliques ajourées, un chemin de fer ou tramway funiculaire aérien allant de la rue de la Montagne à la place Belliard. Dans le principe, le service se ferait uniquement entre ces deux points extrêmes, distants l'un de l'autre de 506 mètres; mais dans l'avenir il pourrait se faire, d'après les auteurs du projet, entre les points est et ouest les plus éloignés de l'agglomération bruxelloise et cela sans que les voyageurs venant de ces points aient à changer de voiture.
Le Gouvernement a soumis ce projet à l'enquête. Celle-ci a eu lieu au Gouvernement provincial. La Commission instituée à l'effet de procéder à cette enquête a émis un avis défavorable. La Députation permanente, au contraire a émis un avis favorable.


Le second projet a pour auteur M. l'ingénieur Gillon et consiste en une voie souterraine partant aussi du Marché-aux-Herbes et ayant son terminus à Ixelles, derrière la fontaine De Brouckère. Soumis au Conseil communal il y a près de huit ans, ce projet a été envoyé au Gouvernement avec un avis unanimement favorable. Depuis cette époque aucune suite n'avait été donnée à la demande de M. Gillon, mais cet ingénieur ayant appris que le projet Wellens et consorts était soumis à enquête par le Gouvernement, a réclamé à nouveau pour que le sien le soit également, ce qui a eu lieu.


Nous ne voyons aucun motif pour proposer au Conseil de modifier sa manière de voir. Nous vous proposons donc, Messieurs, d'accord avec la Section des travaux publics, de répondre à l'Autorité supérieure que le Conseil communal maintient son avis favorable émis en 1885, relativement au projet de chemin de fer souterrain, à traction funiculaire, présenté par M. Gillon, et exprime le vœu que cette voie ferrée soit mise en exploitation le plus tôt possible. »


On ajoutera, qu’en ce qui concerne le projet de trottoir roulant à suspension mécanique proposée par la société du Chemin de fer à Voie étroite de Bruxelles à Ixelles Boendael, l’écartement prévu pour les rails est de 732,5 mm avec entrevoie de 867,5mm. Les voitures, dépourvues de marchepied, avec niveau du plancher à 80 cm du sol, sont prévues pour transporter 24 personnes (8 assises et 8 debout sur chaque plate-forme). Ces voitures sont munies d’un "grip" (ou crochet) permettant de saisir le câble de traction logé sous la voie, dans une ornière d’environ 3 cm ménagée entre un rail et son contrerail, et actionné par un moteur fixe à vapeur. Le prix du ticket aurait été fixé à 10 centimes par voyage.

Aucune suite ne sera donnée à ces projets.

Notez que ce document permet d'accéder, à la page 5 du pdf (soit à la page 79 du dossier), une photo de François Wellens et de ses collaborateurs, visiblement prise en 1882.

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