dimanche 3 février 2019

Les conditions de travail des aiguilleurs de caniveaux, 1897-1898 ^^

L'ancienne presse belge numérisée regorge de détails parfois oubliés des historiens traminots, vu que ces "petites histoires" ne sont pas relatées dans les rapports annuels des sociétés de transport concernées. Aujourd'hui, je vous emmène à la découverte des conditions de travail des aiguilleurs de caniveaux, telles qu'elles nous sont décrites dans trois articles de presse de 1897 et de 1898.


Extrait #1: "Le Soir" du 5 octobre 1897:

Les nouveaux trams électriques ont amené la création d'emplois nombreux d'aiguilleurs. Les aiguilleurs du chemin de fer ont, au moins, une guérite pour s'abriter contre les intempéries. Les employés des trams, eux, doivent en certains endroits, restés exposés à tous les caprices du ciel, pendant toute une journée.

Il en quelques-uns qui sont réellement à plaindre et qui font pitié à ceux qui, passant souvent à l'endroit où ils sont de poste, les voient trempés et transis sous l'ondée. Ce sont les aiguilleurs de la ligne Bruxelles-Tervueren.

Ces malheureux commencent leur besogne à 7h du matin et ne la quitte qu'à 11h du soir, sans qu'ils aient, pendant ces heures de travail, joui de quelques minutes de liberté. Il faut même qu'ils prennent leur repas sur place.

Il suffira sans doute de signaler la situation de ces pauvres gens à la compagnie pour qu'elle y porte remède.

Les rêves d'un aiguilleur: un parasol et un éventail par temps chaud
ou un parapluie par temps pluvieux - dessin de 1898



Extrait #2: "Le Vingtième Siècle" du 30 janvier 1898:

La compagnie des Tramways Bruxellois vient de prendre une excellente mesure en faveur des aiguilleurs qui, jusqu'ici, passaient les heures de la journée aux croisement des voies, exposés à toutes les intempéries. Un modèle d'abri a été soumis par la compagnie à l'administration communale et a récemment été approuvé par elle.

Sous peu, donc, les aiguilleurs des Tramways Bruxellois auront, pour se garantir, une guérite mobile du genre de celles que l'on rencontre au bord de la mer, recouverte de toile imperméable.

De plus, les aiguilleurs recevront de vastes paletots en étoffe chaude, des cabans en cuir et des pèlerines en fourrure.

Il faut espérer que les autres sociétés de tramways qui emploient des aiguilleurs s'inspireront de l'exemple que leur donne la compagnie des Tramways Bruxellois.


Extrait #3: "Le Bleu du Petit Matin" du 23 août 1898:

Nos lecteurs se rappellent qu'à l'époque des pluies, nous avons signalé à la compagnie des Tramways Bruxellois le triste sort des aiguilleurs exposés, la journée durant, aux averses célestes.

Nous avions demandé pour eux des guérites. On a écouté notre appel. C'est ce qui nous engage à récidiver.

Sous ce soleil de plomb, les infortunés aiguilleurs seraient si confortablement abrités par des parasols.

M. Buls en a donné aux marchandes de fleur de la grand-place. N'y en t'il pas quelques-uns, inutilisés, mis en réserve, dont les pauvres aiguilleurs, rôtis par le soleil, s’accommoderaient à merveille, en ces temps de chaleur saharienne!

Un aiguilleur en poste au boulevard Adolphe Max, entre 1940 et 1942.
Ce n'est pas la même époque, mais les conditions de travail ne semble pas avoir changé.

mercredi 30 janvier 2019

L'Europe en anciennes cartes postales: l'Eglise des Pères Barnabites, avenue Brugmann, Bruxelles ^^

Notre tour d'Europe en cartes postales nous emmène à la découverte de l'Eglise des Pères Barnabites (autre nom désignant les Clercs Réguliers de Saint Paul), sise au 121 de l'avenue Brugmann, à Bruxelles, dont je vous avais déjà proposé une photo de la façade dans un précédent article.



Voyons maintenant les vues de l'intérieur de l'église ^^ 

L'avenue Brugmann



Le maitre autel

Vue intérieur de l'église


Vue intérieure de l'église


La chapelle


Le Christ du comte Schouwaloff


Le hall d'entrée



Notre Dame de la Providence


Statue de l'enfant Jésus


La chapelle de Sainte Thérèse de l'enfant Jésus


La bibliothèque

samedi 26 janvier 2019

Les accumulateurs "Eclair" du réseau la compagnie de Bruxelles-Ixelles-Boendael, automne 1897 ^^

L'ancienne presse belge numérisée regorge de détails parfois oubliés des historiens traminots, vu que ces "petites histoires" ne sont pas relatées dans les rapports annuels des sociétés de transport concernées. Après avoir découvert la traction par accumulateurs des années 1880, partons aujourd'hui à la découverte des essais de traction réalisés en 1897.

Présentons d'abord le contexte. Le cahier des charges de la ligne du Treurenberg prévoit que la traction électrique, entre le Treurenberg et l’entrée de la rue Joseph II, se ferait par accumulateurs ou par caniveaux, la société d'Ixelles-Boendael, qui a obtenu la concession de la ligne, commande deux motrices (271 et 272) équipées d’accumulateurs "Eclair".


On peut ainsi lire, dans "L'Echo du Parlement" du samedi 4 septembre 1897: "Un service d'essai de traction par accumulateurs a été inauguré mercredi (autrement dit, le 1er septembre) après-midi sur la ligne du tramway place de Louvain - Exposition. Deux voitures ont fait le trajet, aller et retour, de l'avenue de la Renaissance à la rue Royale, gravissant les rampes avec la plus grande facilité, et à la même allure que les trams à trolley."




Le texte ci-dessous, qui provient d'une publicité commerciale pour les accumulateurs "Eclair" parue dans le presse en octobre 1897, nous décrit plus amplement ces voitures.

"L'industrie des accumulateurs électriques commence à prendre un grand développement depuis que l'attention a été attirée de ce côté, dans presque tous les pays, par les immenses avantages que présente l'emploi de batteries d'accumulateurs pour la traction en général, et pour la traction des tramways en particulier.

Jusque dans ces derniers temps, l'accumulateur était employé principalement dans les installations d'éclairage électrique et paraissait devoir s'imposer bien lentement pour la traction. Mais les déboires nombreux auxquels donnent lieu chaque jour les installations couteuses de traction par câble aérien, et celles plus dispendieuses encore des caniveaux souterrains, sont venus apporter un stimulant nouveau à l'activité des partisans de l'accumulateur.

C'est surtout dans l'intérieur des villes que l'emploi des accumulateurs pour la traction tend à se généraliser, d'autant plus vite que, non seulement ce système écarte les dangers permanents qu'entraîne l'enchevêtrement des câbles et les courants aériens ou souterrains, mais qu'en outre, il débarrasse la voie publique de tous les poteaux disgracieux et des hideuses "
toiles d'araignées" qui sont suspendues au-dessus de la tête du passant comme autant de menaces perpétuelles.

Les réflexions qui précèdent nous ont été suggérées par la récente mise en service des deux premières voitures de la Société des accumulateurs "
Eclair". Ces voitures, que chacun peut voir en ce moment à Bruxelles, sur le réseau de la compagnie d'Ixelles-Boendael, sont élégantes et roulent sans la moindre trépidation. Elles accomplissent régulièrement le trajet de la place de Louvain à l'Exposition, avec la plus grande aisance, et à une allure plus rapide même que celle des tramways à trolley.

Comme on le voit, la Société "
Eclair" a choisi pour faire la démonstration de la supériorité de ces accumulateurs, une ligne particulièrement difficile, présentant dans les rampes les plus fortes une succession de courbes de petit rayon. Les mêmes voitures ont été soumises, avant leur mise en service, à des essais sur la ligne de l'Exposition à Tervueren, et le voyage d'aller et retour (soit environ 22 kilomètres) a été accompli sans difficulté, et à grande allure, le courant de décharge étant normalement de 63 ampères et atteignant parfois près de 20 ampères au kilo. Ceci est sans contredit une performance extraordinaire pour les éléments de 6 kilos et demi que la Société "Eclair" emploie pour ce service.

Le caractère essentiel du système "
Eclair" consiste en ce que chaque élément forme un tout compact, la matière active se trouvant soutenue de tous côtés et mise pour ainsi dire dans l'impossibilité de se détacher. C'est pourquoi cet accumulateur surpasse tous les autres systèmes comme solidité et résistance aux chocs et trépidations, et l'ensemble des qualités qu'il réunit en fait en quelque sorte "l'accumulateur-type" pour la traction, non seulement des tramways ordinaires, mais encore des omnibus et véhicules automobiles de tous genres."


Malgré cette publicité fort positive, le système se révèle décevant et est rapidement abandonné.

D'après l'extrait de presse du 4 septembre 1897, il semblerait même que la traction par accumulateur n'ait pas dépassé le stade des essais. Cela semble confirmé par le rapport annuel sur les transports en commun publié au Bulletin Communal de la Ville de Bruxelles, où l'on peut lire que: "Depuis quelques temps, un grand omnibus, mu par accumulateurs, circule sur la ligne à titre d’essai." De plus, les deux voitures 271 et 272 ne pouvaient suffire, à elles seules, à assurer le service sur le tronçon Treurenberg - Joseph II. On peut donc estimer que ce tronçon était
exploité depuis sa mise en exploitation le 1er juin 1897, avec un fil aérien.

Quant à la société "Eclair", elle est dissoute lors de son assemblée générale du 5 décembre 1898.

mercredi 23 janvier 2019

La traction par accumulateurs aux Tramways Bruxellois, façon 1888 ^^

L'ancienne presse belge numérisée regorge de détails parfois oubliés des historiens traminots, vu que ces "petites histoires" ne sont pas relatées dans les rapports annuels des sociétés de transport concernées. Nous avons, dans un précédent article, abordé la question de la traction par accumulateurs aux Tramways Bruxellois, telle qu'elle a été "testée" entre 1883 et 1890.
Je vous propose de continuer à approfondir les différents essais qui ont été réalisés. Après les essais des années 1883 et 1884, ainsi que ceux opérés en 1886, voyons maintenant 4 extraits relatant les essais réalisés en 1888.

Bonne découverte!



Extrait #1: L'Indépendance Belge du 30 mars 1888:

La société des ingénieurs belges a visité mercredi après-midi les installations de traction électrique des Tramways Bruxellois, situées rue Juste-Lipse. Les ingénieurs, qui étaient très nombreux, ont été reçus par Monsieur Michelet, administrateur-délégué de la Société des Tramways Bruxellois et par Monsieur Van Vloten, ingénieur, qui ont donné aux excursionnistes les explications les plus complètes sur les installations de la rue Juste-Lipse.

On sait qu'actuellement le matériel roulant électrique se compose de voitures de 40 places du type adopté depuis longtemps par la compagnie. Aucune modification essentielle n'a été faite à la caisse du véhicule, on s'est borné à employer utilement l'espace qui existait sous les banquettes et qui convient du reste parfaitement pour loger les éléments. La caisse ainsi aménagée vient se poser sur le châssis en fer qui a été étudié en vue de l'application de ce nouveau système.


La transmission du mouvement essayée d'abord consistait en un arbre intermédiaire attaqué au moyen de cordes par la dynamo-motrice et attaquant lui-même l'un des essieux par chaîne. On ne possède ainsi qu'un essieu moteur.
Le système actuellement en usage opère la transmission par engrenages et permet l'attaque des deux essieux, ce qui supprime le patinage des roues.
Les voitures en ordre de marche pèsent 5.480 kilos et la charge des voyageurs peut s'élever à 2.240 kilos.

La batterie de voiture est calculée en vue d'un trajet de 50 kilomètres, soit la moitié du parcours journalier du véhicule.

Les premiers essais de traction électrique n'ont peut être pas répondu à toutes les espérances de la société des Tramways Bruxellois. Il va de soi qu'un progrès de ce genre ne se réalise pas d'un coup, et que l'on n'ait pas encore résolu toutes les difficultés du problème. Comme la traction animale, la traction électrique a ses surprises et ses déceptions. Là cela sera par exemple une épizootie chevaline, ou bien une secousse violente dans le prix des fourrages. Ici, par un hiver comme celui qui vient de finir, l'accumulateur électrique aura été obligé de donner un coup de collier inattendu, et il a fallu une dépense de force beaucoup plus considérable qu'on ne pensait.

La traction électrique a t'elle déjà l'avantage du bon marché? Nous n'en répondrions pas. Mais l'avenir de ce mode nouveau de locomotion n'est pas douteux, et la société des Tramways Bruxellois par sa confiance et la persévérante énergie de son initiative aura puissamment contribué au succès.

Extrait #2: L'Indépendance Belge du 8 avril 1888:

Le bruit s'est répandu en ville depuis deux ou trois jours que la Compagnie des Tramways Bruxellois allait supprimer le service des voitures électriques de la rue de la Loi. Annonçons simplement que ladite société ajoute, à partir de dimanche matin, une quatrième voiture mue par l'électricité au parcours de la rue de la Loi. Ce qui est vrai, c'est que jusque à nouvel ordre, l'expérience de la traction électrique ne sera pas étendue aux autres lignes du réseau.
La voiture électrique 53 circulant lors de l'exposition de 1888 sur la ligne Exposition - Impasse du Parc
La gravure est issue du Patriote Illustré paru le 6 janvier 1889.


Extrait #3: L'Indépendance Belge du 8 septembre 1888:

La séance du 3ème congrès de l'Union internationale permanente des Tramways s'est terminée par une communication décrivant les installations faites par les Tramways Bruxellois pour la traction électrique. C'est surtout la préparation et l'emploi des accumulateurs qui ont été exposés au congrès avec des explications élémentaires.

Les premiers résultats, assez fâcheux, de la traction électrique provenaient de la dimension donnée aux accumulateurs qui se détruisaient trop vite. Maintenant, les plaques sont plus grandes et plus légères, et non plus en plomb, mais dans un alliage de plomb, d'antimoine et de mercure.

L'administration des Tramways Bruxellois détermine avec soin les dépenses afférant à ce service. Chaque batterie d'accumulateur a un compte spécial auquel on accorde 10 centime par kilomètre parcouru et l'on compare les boni ou mali de chacun de ces comptes. Pour l'approvisionnement des voitures, on sait que l'accumulateur fait 40 kilomètres et que la voiture fait 100 à 110 kilomètres en un jour. Il faut une année de cette comptabilité au moins, et des inventaires mensuels, pour déterminer les frais de renouvellement et le coût total du service. Mais il est certain que des perfectionnements importants sont prochains. On arrivera à remédier à l'inconvénient actuel de la chute des matières actives. Déjà, la compagnie des Tramways a reçu des offres de différents inventeurs. Mais pour le moment, malgré les économies que l'on a pu réaliser dans l'installation des dynamos, dans les transmissions et dans les dépenses d'entretien, la traction électrique sur les lignes bruxelloises coûte plus cher que le traction animale. Le président, Monsieur Victor Despret, avant de lever la séance, a remercié l'orateur avec une charmante affabilité.

L'après-midi a été consacrée a des visites de lignes et d'installations. A une heure et demie, des voitures spéciales des Tramways Bruxellois ont conduit les membres du congrès voir les installations créées par cette compagnie pour l'organisation de la traction électrique. Nous avons déjà, lors de l'ouverture du service électrique, décrit en détail, à cette place, ces installations qui ont vivement intéressé les visiteurs étrangers.

Après cet examen, les congressistes sont partis pour la porte de Ninove et ont parcouru les lignes et visité le matériel du chemin de fer vicinal de Bruxelles à Schepdael.
(Ndlr: Ce que les invités sont allés voir, c'est la première voiture à vapeur "Rowan" de la SNCV, qui faisait des essais sur la ligne Bruxelles-Schepdael. La voiture à vapeur, attelée à deux voitures pour voyageurs, parcourt la distance de 10 kilomètres en 20 minutes avec les congressistes à bord.)

Voiture à vapeur "Rowan" de la SNCV


Demain, le congrès des tramways terminera ses travaux pour se rendre, dimanche matin, à l'invitation de la Société nationale des chemins de fer vicinaux qui tient à montrer à nos hôtes de l'étranger ses lignes de la côte entre Ostende et Blankenberghe.


Extrait #4: L'Indépendance Belge du 13 septembre 1888:

Tramways électriques de Bruxelles.

Il y a deux lignes exploitées qui font un service régulier depuis deux ans. L'une va de la place Royale à l'extrémité de la rue Belliard, et l'autre de l'impasse du Parc au Rond-Point.

Chacune de ces lignes a une longueur de 3.600 mètres, à raison de 12 allers et retours par jour, soit 24 voyages. Chaque voiture parcourt donc 87 kilomètres environ. Le poids total d'une voiture, y compris 32 voyageurs au complet, est de 7.000 kilos.

Les accumulateurs sont au nombre de 100 et du système Julien. Il y a deux jeux d'accumulateurs qui se renouvellent, chacun d'eux n'ayant qu'une capacité d'énergie électrique de 50 kilomètres au maximum. Chaque batterie, de 100 accumulateurs Julien, pèse 1.500 kilos.

L'usine de charge est munie d'un moteur de 150 chevaux actionnant 4 dynamos pouvant donner chacune de 200 à 500 volts.

La transmission se fait par courroies, arbre intermédiaire et chaînes de Gall. La vitesse du moteur se règle en faisant varier la manière dont les accumulateurs sont montés sur le circuit.

La même société a également équipé la ligne allant de Rathhausmarkt à Bambek, exploitée par les tramways de Hambourg.

samedi 19 janvier 2019

La traction par accumulateurs aux Tramways Bruxellois, façon 1886 ^^

L'ancienne presse belge numérisée regorge de détails parfois oubliés des historiens traminots, vu que ces "petites histoires" ne sont pas relatées dans les rapports annuels des sociétés de transport concernées. Nous avons, dans un précédent article, abordé la question de la traction par accumulateurs aux Tramways Bruxellois, telle qu'elle a été "testée" entre 1883 et 1890.

Je vous propose de continuer à approfondir les différents essais qui ont été réalisés. Après les essais des années 1883 et 1884, voyons maintenant les essais réalisés en 1886.

Bonne découverte!



Extrait #1: la "Revue Industrielle" du 9 septembre 1886:

Le tramway électrique de l'exposition.

On vient d'expédier de Bruxelles un tramway électrique construit tout exprès pour faire le service entre le palais de l'Industrie et la place de la Concorde pendant l'Exposition des Sciences et Arts Industriels.

Cette voiture a été fabriquée par la société "L’Électrique" et sera mue par une batterie d'accumulateurs Julien. La voie, sur laquelle elle doit marcher, est établie depuis plusieurs jours déjà, l'expérience ne tardera donc pas à être faite.

Après avoir figuré à l'Exposition de Paris, ce tramway reviendra à Bruxelles, où il sera employé sur la ligne du quartier Léopold. 

La voiture à accumulateurs Julien des Tramways Bruxellois à l'exposition de Paris en 1886
  
Extrait #2: "L'Indépendance Belge" du 17 septembre 1886:

Une expérience de traction électrique a eu lieu mercredi. On a promené sur les boulevards du centre une grande voiture d'un confortable raffiné qui va partir pour New-York. Elle a été construite pour Monsieur Julien dans les ateliers des Tramways Bruxellois.

La force était fournie par des accumulateurs Julien, dont nous avons déjà expliqué le principe il y a quelques années. Depuis lors, des progrès marquants ont été introduits. Puis, les voitures que l'on avait essayées jusqu'ici étaient d'anciens trams à chevaux transformés pour l'emploi de l'électricité.

On conçoit facilement qu'une voiture qui a été construite de toutes pièces pour être mise en mouvement par le fluide électrique doive être plus parfaite. Celle qui nous a promenés mercredi a été faite pour un pays chaud, où l'on emploie pas de voitures ouvertes, où toutes les places sont toujours occupées et où, par conséquent, il s'agit d'avoir de l'air. Mais son poids est trop lourd pour que la compagnie des Tramways Bruxellois nous en donne de semblables. C'est dommage.

La question de la traction électrique des omnibus intéresse à la fois les compagnies et le public. Avec le système des chevaux, impossible de parer à un coup de feu. On ne peut nourrir les chevaux pendant toute la semaine pour qu'ils gagnent de l'argent le dimanche. Ce serait une opération financière déplorable. De même, s'il y a une heure le matin et une heure le soir où la circulation est très active, les chevaux ne gagneront pas leur avoine en ne travaillant que ces deux heures-là. Avec les voitures électriques, rien de pareil. Le matériel est toujours suffisant pour qu'on puisse lancer des voitures supplémentaires quand le besoin s'en fait sentir. Le public est donc mieux servi et la compagnie fait plus de bénéfices.

Puis, avec l'électricité, on marche à coup sûr. On n'a plus à craindre la morve et la farcin capables de dérouter toutes les prévisions de dépenses. Voilà donc un problème qui a de l'intérêt pour tout le monde. Est-il résolu? Si on interroge les ingénieurs de la compagnie, ils promettent de répondre le 31 décembre 1887, quand l'expérience aura été suffisante et se traduira par des chiffres précis.

Ce qui effraye dans cette question, c'est la perte de force. La machine à charbon, qui perd déjà pas mal de force, met en mouvement une dynamo. Admettons qu'elle garde 80% de la force. La dynamo agit sur les accumulateurs qui gardent 60%. Reste 48% de la force première, et dans la voiture, les accumulateurs agissent sur une dynamo qui ne prend encore que 80%. Reste donc 38% de la force produite par la machine à charbon. C'est effrayant, et encore, c'est l'estimation la plus favorable. Néanmoins, ce chiffre-là peut encore signifier bénéfice, quand il est traduit en francs et en centimes, mais l'avenir seul peut nous l'apprendre.

Nous avons profité de la circonstance pour aller visiter les ateliers de construction des Tramways Bruxellois. Ils sont établis rue du Vautour et ont été successivement agrandis.

L'organisation en est parfaite et fait le plus grand honneur à Monsieur Michelet, le directeur-ingénieur de la compagnie. D'intelligentes dispositions ont été prises pour parer au danger d'incendie. On a installé, d'accord avec le service des pompiers, une conduite indépendante du compteur et de même section que celle de la canalisation. En plusieurs points, il y a des bouches d'eau adaptées à la conduite et, en ouvrant une simple vanne, on est sûr d'avoir dans tous les ateliers une pression suffisante pour pouvoir combattre l'incendie efficacement.
La compagnie a trouvé son avantage non seulement à entretenir son matériel, mais à le construire elle-même. L'entretien coûte deux centimes par kilomètre. On travaille beaucoup en ce moment aux voitures électriques. Elle desserviront les lignes de la rue de la Loi et de la rue Belliard. Deux voitures ont été envoyées à Paris et font le service entre la place de la Concorde et le Palais de l'Industrie. Elles ont été très remarquées par le jury. Elles ont été mises hors concours et leur constructeur a été appelé à faire partie du jury. A la différence de la voiture destinée à new-York, dont les ressorts sont en caoutchouc, les voitures de Paris ont des ressorts qui sont des spirales en acier.

Le voyage de mercredi avait réuni plusieurs ingénieurs distingués, dont Monsieur de Preter, directeurs des Tramways de Prague et Monsieur Rodolphe Coumont, le sympathique président de la Compagnie.

mercredi 16 janvier 2019

La traction par accumulateurs aux Tramways Bruxellois, façon 1883 ^^

L'ancienne presse belge numérisée regorge de détails parfois oubliés des historiens traminots, vu que ces "petites histoires" ne sont pas relatées dans les rapports annuels des sociétés de transport concernées. Nous avons, dans un précédent article, abordé la question de la traction par accumulateurs aux Tramways Bruxellois, telle qu'elle a été "testée" entre 1883 et 1890.

Je vous propose de découvrir à partir d'aujourd'hui une série d'article qui a pour but d’approfondir les différents essais qui ont été réalisés. Nous commençons par 4 extraits relatant les essais opérés durant les années 1883 et 1884. Deux autres articles aborderons, dans les prochains jours, les essais réalisés en 1886 et 1888.

Bonne découverte!




Extrait #1:
L'Indépendance Belge, 24 septembre 1883:

Des essais de traction des trams par l'électricité auront lieu la semaine prochaine à Bruxelles, au moyen des accumulateurs dont on se sert actuellement à Paris.


Extrait #2:
L’Écho du Parlement, 19 octobre 1883

Des expériences ont été faites, mercredi soir, sur différentes lignes des tramways, par la voiture électrique que compte bientôt employer la compagnie.
La voiture, qui contenait 28 personnes, est partie à 10h et demi du soir du dépôt de la chaussée d'Anvers, a remonté la chaussée, a pris la ligne de la rue du Progrès, est allée, par la gare du Nord jusque la gare du Midi, et de là est revenue. A minuit, elle était rentrée au dépôt. De l'avis de tous, l'essai a été des plus satisfaisants.



Extrait #3:
L'Indépendance Belge, du 29 octobre 1883:

Tramways électriques.

La presse était conviée samedi soir à une expérience de traction électrique sur le réseau des Tramways Bruxellois. Nous sommes partis de l'usine de la Compagnie hollando-belge d'électricité, chaussée d'Anvers. On nous a conduits au pont de Laeken, et de là, par la rue du Progrès et le boulevard du Nord, jusqu'au point central. On a ensuite rebroussé chemin par la rue de Brabant et la place Liedts.

Tout a marché à merveille: les arrêts se font rapidement et sans chocs et les départs ne laissent rien à désirer. La voiture, qui contenait une quarantaine de personnes, a franchi les plus fortes courbes et des rampes assez sérieuses avec une remarquable facilité. On a gradué les vitesses suivant le caprice du conducteur et la voiture, avec une docilité exemplaire, a obéi à tout ce qu'on lui demandait.

La force motrice est donné par des accumulateurs qui transmettent le mouvement aux essieux par un système extrêmement simple: un axe central mû par deux poulies qui communiquent avec les pôles positif et négatif; un arbre de transmission relié aux essieux par de simples chaînes.

On connaît le principe de l'accumulateur. Pour le construire, on prend deux plaques de plomb, la plaque positive est enduite de minium et la plaque négative de litharge. On les plonge dans un liquide acidulé au dixième et l'on fait passer un courant. L'eau se décompose en oxygène et en hydrogène. L'oxygène se transporte sur la plaque positive et le minium devient peroxyde de plomb. L'hydrogène se porte sur la plaque négative et prend de l'oxygène à la litharge pour reformer de l'eau. L'accumulateur est alors chargé. C'est une véritable pile: dès que l'on joindra les deux plaques par un fil conducteur, l'opération inverse de celle que nous venons d'indiquer se produira. Le peroxyde  de la plaque positive restituera son oxygène qui ira se porter vers le plomb réduit de la plaque négative, et un courant s'établira.

Le rendement de l'électricité est égal à peu près à la moitié. Ainsi pour une voiture de tramway qui contient 60 accumulateurs, et qui est chargée à 40 chevaux, le rendement sera de 20 chevaux.

La voiture portant 30 personnes, la dépense sera de 3 chevaux par heure. La vitesse peut aller à 15 kilomètres à l'heure, mais c'est là une vitesse trop grande pour les tramways des villes. On ne dépassera pas d'ordinaire 10 kilomètres par heure.

Quant à la question financière, nous avons été insuffisamment éclairés, mais il parait que l'économie sur la traction par chevaux est notable. Le problème est considéré comme résolu par les gens compétents. On a réussi notamment à réduire le poids mort à ses plus minimes proportions.

Pour le voyageur, la voiture électrique a absolument le même aspect que la voiture ordinaire. Les accumulateurs sont placés sous les banquettes. La seule différence est que le tram est éclairé à l'électricité. Il fait aussi un peu plus de bruit, mais de la voiture on ne l'entend pas.

Les applications sont vraiment innombrables. En attendant que beaucoup d'entre elles soient réalisées, il est probable que bientôt, on ne verra plus à Bruxelles que des tramways électriques.

Monsieur Coumont, président du conseil d'administration des Tramways Bruxellois, assistait aux expériences et en était enchanté.



Extrait #4:
L'Indépendance Belge du 22 août 1884:

La question de la traction électrique des tramways va faire un grand pas en Belgique. Après les essais qui ont été faits sur les boulevards du centre de la ville, la compagnie générale d'électricité et la compagnie belge et hollandaise, d'accord avec la société des Tramways Bruxellois, va commencer sous peu l'exploitation de la ligne de la rue de la Loi.

Les chevaux seront remplacés par de petites locomotives électriques.
Deux types de constructions différentes seront mises en service. Ces véhicules contiendront les accumulateurs du système Faure, renfermés dans des boîtes rectangulaires en caoutchouc du type de 30 et de 60 kilogrammes actionnant un moteur de Gramme d'un tout nouveau modèle.

Indépendamment de l'économie que l'on espère réaliser, il est à remarquer qu'un des avantages les plus importants de ce nouveau système de traction, c'est que, le cas échéant, plusieurs voitures ordinaires pourront être remorquées par la locomotive.

samedi 12 janvier 2019

La traction électrique par accumulateurs aux Tramways Bruxellois, 1883-1890 ^^

L'idée d'utiliser des batteries comme source d'énergie électrique pour actionner des voitures automobiles n'est évidemment pas neuve. On la rencontre déjà dans la première moitié du 19ème siècle, vers 1840.

La découverte des accumulateurs, capables d'emmagasiner une grande quantité d'énergie électrique, dont on peut disposer à tout endroit et à n'importe quel moment, faisait entrevoir d'immenses avantages. Les premiers essais eurent lieu vers 1880-1881, avant se développer grâce aux perfectionnements dus à plusieurs inventeurs.  La Compagnie des Tramways Bruxellois n'hésita pas à équiper ses véhicules en service d'accumulateurs. Une usine importante fut installée rue Juste-Lipse, où deux deux dynamos pouvaient, ensemble, charger 32 batteries en 8 heures. Ces essais se poursuivirent de 1883 à 1890 et aboutirent à un échec complet. Avec "le Blog", on vous raconte tout ca en détail ^^

Les premiers essais de traction par accumulateur sur le réseau des Tramways Bruxellois ont lieu à l'automne 1883, sur la ligne qui relie Laeken  à Anderlecht. On retrouve une mention relative à ces essais dans leur rapport annuel: "Au point de vue de la marche, de l'arrêt, du démarrage, tant dans les courbes que dans les lignes droites, de la vitesse qui varie à volonté de 2 à 16 km/h, la question parait totalement résolue. Mais pour bien nous rendre compte du prix de revient, nous voulons procéder à une expérience plus complète et plus concluante, portant sur une période assez étendue. Cette expérience aura vraisemblablement lieu sur la ligne de la rue de la Loi".

Cette "expérience" se concrétise le 18 juin 1886, lorsque les Tramways Bruxellois concluent une convention avec la société "L’Électrique" de Messieurs Jules et Edmond Julien, afin d'employer son procédé de traction électrique. Les Tramways Bruxellois construisent 12 voitures spéciales et installent deux dynamos dans le dépôt de la rue Juste-Lipse. La société "L’Électrique" se charge, quant à elle, d'effectuer le placement des appareils de traction dans les voitures.

Leur voiture à accumulateur circule d'abord à l'Exposition des Sciences et des Arts industriels de Paris de 1886. On peut ainsi lire, dans la revue "Le Génie Civil" du 22 janvier 1887: "Le tramway électrique a fonctionné entre la place de la Concorde et l'exposition. Il appartient à la société des tramways de Bruxelles et fonctionne au moyen d'accumulateurs. Chaque voiture est automobile, c'est à dire qu'elle porte avec elle les accumulateurs et le moteur.
Les accumulateurs employés sont du genre Faure-Sellon-Wolkmar, mais leurs plaques sont formées d'un alliage spécial de plomb et d'antimoine, qui augmente leur solidité et leur durée. Ils sont placés sous les banquettes de la voiture. Il y a en a deux séries, l'une est en charge sur le banc de chargement, et l'autre en service dans la voiture. Le moteur est une machine dynamo, placée sous la voiture et commandant les roues par un axe intermédiaire.
"


Le service électrique est inauguré à Bruxelles le 17 avril 1887, par la mise en marche d'une voiture électrique dans le service qui relie la rue Belliard à la Place Royale. Un seconde voiture est mise en service le 8 mai et une troisième le 19 septembre. Sur l'année 1887, les trois voitures électriques parcourent 54.987 kilomètres, soit 4.800 jours-chevaux.



Voyons un peu comment fonctionnaient ces voitures...

Chaque voiture porte avec elle les accumulateurs et le moteur qu'ils actionnent. Les 96 accumulateurs sont placés sous les banquettes, dans 8 boites distinctes comportant 12 accumulateurs chacune. Chaque accumulateur pèse 10 kilos à vide et comporte 17 plaques. Le poids total des 8 boites pleines de liquides (un alliage de plomb et d'antimoine) est de 1.100 kilos. Ce nombre de 96 accumulateurs est calculé pour gravir des rampes de 4%, atteindre une vitesse de 25km/h et permettre un parcours de 150 kilomètres en charge.

La voiture de tramway pèse 5.370 kilos à vide (sans passagers) et peut recevoir 37 voyageurs: 16 à l'intérieur du compartiment et 11 sur les plates-formes.

Il y a deux séries d'accumulateurs employée: l'une dans le voiture, pour le service et l'autre en charge sur le "banc de chargement", dans le dépôt. La substitution se fait très simplement: lorsque l'énergie des accumulateurs placés sur la voiture est épuisée, on amène la voiture devant la banc de chargement, vide et on retire les accumulateurs après avoir ouvert les panneaux latéraux. On fait ensuite avancer la voiture jusqu'au second banc de chargement et on glisse les accumulateurs rechargés à la place des premiers. Cette manoeuvre ne demande que quelques minutes et sans que l'on ait à attacher ou à détacher un seul fil, vu que les contacts électriques se font sous les boites, à l'aide de semelles métalliques reliées électriquement aux deux pôles de la batterie d'accumulateur. On retrouve les mêmes semelles sur le banc de chargement (reliées à la dynamo de charge) et à l'intérieur du tramway (reliées au moteur).



Les boites sont identiques et interchangeables à volonté. A l'intérieur de la voiture, les boites sont d'abord reliées deux par deux, afin de former 4 groupes. Les extrémités libres de ces 4 groupes et les bornes du moteur sont reliées à un commutateur qui effectue les groupements suivants:
* Cran de repos: tous les circuits sont ouverts
* 1er cran: les 4 groupes sont en dérivation sur le moteur. C'est la position de démarrage.
* 2e cran: les quatre groupes, par deux en tension et deux en dérivation sur le moteur
* 3e cran: trois groupe en tension sur le moteur, le 4ème groupe en dérivation sur l'un des trois premiers
* 4e cran: les quatre groupes en tension, ce qui correspond à la marche en grande vitesse sur une ligne droite.
* 5e cran: Cran d'égalisation: les quatre groupes sont reliés entre eux en dérivation, pour égaliser les charges, mais ne communiquent pas avec le moteur. C'est la position normale d'attente pendant les arrêts.

Le commutateur à 5 crans est disposé en double: il y en a un à chaque extrémité de la voiture, mais il ne peut être mis en action que par une seule manivelle que l'on transporte à volonté à une extrémité ou à l'autre du véhicule.
Pour éviter les courts-circuits intérieurs pendant la manoeuvre, il faut que l'un des commutateurs soit au cran de repos pendant que l'autre manoeuvre. Ce résultat est obtenu à l'aide d'une encoche et d'un ergot ménagé sur la manivelle qui ne permet de l'engager ou de la dégager de l'axe que lorsqu'elle est au cran de repos. Tout accident est donc forcément évité, vu que l'on ne dispose que d'une seule manivelle par voiture.

Le moteur, qui pèse un peu plus de 500 kilos, est une machine dynamo placée sous la voiture, qui commande les roues par un axe intermédiaire.  Le changement de marche s'opère à l'aide d'une manette spéciale qui effectue l'inversion du courant, car il n'y a, à proprement parler, ni avant ni arrière dans ce tramway électrique. Quant à l'éclairage, il est effectué à l'aide de deux lampes à incandescence alimentées par un groupe de 24 accumulateurs en tension.


La voiture électrique 53 circulant lors de l'exposition de 1888 sur la ligne Exposition - Impasse du Parc
La gravure est issue du Patriote Illustré paru le 6 janvier 1889.


Les premiers résultats sont assez décevants, comme en témoigne cet article, paru dans la revue "Les Annales Industrielles" du 1er janvier 1888: "Le rapport annuel du conseil d'administration de la Compagnie des Tramways de Bruxelles démontre que l'application de la traction électrique sur trois des voitures de la Compagnie pendant l'année 1887 a eu pour résultat une perte de 15.875 francs.

Ce service avait été inauguré le 17 avril 1885 sur une voiture allant de la place Royale à la rue Belliard.  Une seconde voiture fut mise sur les rails le 8 mai suivant, et une troisième le 19 septembre. Ces voitures se trouvent actuellement sur la ligne de la rue de la Loi.

Leur insuccès financier tiendrait, dit-on, à l'usure rapide des accumulateurs. La dépréciation de ses appareils est évaluée à 22 centimes par kilomètre, et comme cette évaluation ne tient pas compte des frais généraux, ni de la puissance motrice, il est évident que les frais d'exploitation doivent être considérables.

La destruction des plaques est attribuée à l'agitation de l'acide dans lequel elles plongent, ainsi qu'aux vibrations auxquelles les éléments sont exposés. M. Julien se propose de remédier à la cause de destruction par l'agitation du liquide en plaçant un certain nombre d'anneaux en caoutchouc autour des plaques, ce qui aura pour effet de les séparer plus complètement et d'empêcher en grande partie l'agitation.
"



L'expérience commencée en 1887 se poursuit cependant en 1888. On peut ainsi lire, dans la revue "Le Génie Civil" du 21 juillet 1888:

Tramways électriques de Bruxelles. — Il y a deux lignes exploitées qui font un service régulier depuis deux ans. L'une va de la place Royale à l'extrémité de la rue Belliard, et l'autre de l'impasse du Parc au Rond-Point.

Chaque ligne a une longueur de 3 600 mètres, à raison de douze aller et retour par jour (vingt-quatre voyages); chaque voiture parcourt donc 87 kilomètres environ. Le poids total d'une voiture, y compris 32 voyageurs au complet, est de 7 000 kilos. Les accumulateurs, au nombre de 100, sont du système Julien et sont montés, soit 100 en tension, soit 50 en tension et 2 en quantité. Il y a deux jeux d'accumulateurs qui se renouvellent, chacun d'eux n'ayant qu'une capacité d'énergie électrique de 50 kilomètres au maximum.



A priori, c'est donc une belle invention. Dans la pratique, les choses se compliquent. L'expérience n'est d'ailleurs pas prolongée. Bien que les lignes de la rue de la Loi et de la rue Belliard étaient assez favorable à la traction par accumulateur, du fait qu'elles étaient en ligne droite, cet essai de traction par accumulateur donna peu de satisfaction au public. Les voitures ne gravissaient que péniblement les montées (et ne les gravissaient même parfois pas du tout) et les arrêts fréquents demandés par les voyageurs amenaient une décharge irrégulière des batteries. Vu la courte distance (1.650 mètres) qui sépare le rond-point de la rue de la Loi à l'impasse du Parc, un bon marcheur y arrivait aussi vite à pied qu'en tramway.

De plus, les accumulateurs étaient lourds et n'avaient pas une durée suffisante que pour assurer tout un service. Ils obligeaient aussi d'aménager le compartiment avec des banquettes longitudinales. Cela rendait impossible l'usage de voitures ouvertes à banquettes transversales, qui avaient la préférence du public en été.

Les plaques des accumulateurs résistaient peu aux secousses constantes auxquelles elles étaient soumises. Et lorsque la masse active disparait, c'est la capacité électrique qui se retrouve altérée. Certains accumulateurs étaient ainsi rendus totalement inutilisables au bout de trois mois.
De plus, la traction par accumulateur ne tenait pas compte que fait que le matériel roulant de l'époque était double. Il comprenait, d'une part, des voitures fermées pour l'hiver et, d'autre part, des voitures ouvertes soit automotrices, soit de remorque, pour l'été. De plus, il était impossible de faire tracter une remorque par un motrice fonctionnant grâce aux accumulateurs.

L'accumulateur péchait donc par un manque de flexibilité. On ajoutera que le rechargement des accumulateurs s'est avéré être une opération très difficile et délicate; et que le public se retrouvait incommodé par la mauvaise odeur des vapeurs acides, qui se dégageaient pendant la décharge des accumulateurs. 



La traction électrique est abandonnée le 1er mai 1890. Mais cet abandon ne sera que de courte durée. La traction électrique par trolley (câble aérien) est inaugurée en 1894 sur la ligne des boulevards circulaires, tandis que la traction par câble souterrain (par caniveau) est inaugurée en 1897 sur... la ligne de la rue de Loi.

mercredi 9 janvier 2019

Les "Voies Ferrées Belges", par C.A. Oppermann, 1873 ^^

Lu dans l'ouvrage "Traité complet des chemins de fer économiques d'intérêt local départementaux, vicinaux, industriels, agricoles, tramways, américains, voies de services fixes ou mobiles" rédigé par C.A. Oppermann, ancien ingénieur des ponts et chaussées et directeur des "Nouvelles Annales de la Construction" et publié par Dunod, à Paris, en 1873.

"L'entrée du Bois de la Cambre", gravure publiée dans l'hebdomadaire belge
"L'Illustration Européenne" en date du 17 août 1872.


NOTES SUR LES TRAMWAYS DE BRUXELLES.

Il existe à Bruxelles plusieurs tramways : L'un, le plus important, part du Bois de la Cambre et va à Schaerbeek, rue Teniers. Il a une longueur totale d'environ 6.700 mètres.
Il y a en outre, dans les faubourgs, trois tronçons de lignes exploitées ou en construction, d'une longueur totale d'environ 4.000 mètres. L'un de ces tronçons part du boulevard du Midi et suit la chaussée de Mons pour aller à Anderlecht; un autre part de la place des Nations, station du Nord, et va, en suivant la rue de Brabant, jusqu'à la place Liedts. Le troisième, qui est relié par une courbe avec le précédent sur la place des Nations, suit la rue du Progrès.

TRAMWAY DU BOIS DE LA CAMBRE.

Tracé. — Ce tramway part du bois de la Cambre, suit l'avenue Louise, le boulevard de Waterloo, la place du Trône, la place des Palais, la rue Royale, la rue Saint-Servais, la chaussée de Haecht, pour se terminer sur cette chaussée, près la rue Teniers.
La ligne suit généralement le bord des chaussées et se compose de longs alignements droits, reliés par des courbes de rayons variables et dont le minimum est de 30 mètre.

Profils. — Le profil du chemin est peu accidenté, la rampe la plus forte est de 0,35 mètres mais elle n'a que 110 mètres de longueur.

Stations et Garages. — Les stations et les garages sont assez rapprochés. Leur distance moyenne est d'environ 400 à 500 mètres ; leur longueur est aussi très-variable. Quelques-uns n'ont en longueur utile que eux ou trois longueurs de voiture ; d'autres ont deux ou trois cents mètres.

Rails, ses supports et accessoires. — La voie se compose de rails en fer de 16 kilos au mètre courant, portés sur des longrines de sapin de 10 centimètres sur 15, auxquels ils sont fixés simplement par des clous.
De distance en distance, des tringles en fer ou entretoises maintiennent les files des supports à l’écartement. Les longrines reposent directement sur le sol par l’intermédiaire de sabots en fonte.

Après une exploitation de deux ans environ, les concessionnaires du tramway du Bois de la Cambre ont trouvé leur rail trop faible, et leurs mesures sont prises déjà en ce moment pour substituer à ce rail celui dont le profil est ci-dessous.
Le rail nouveau pèse 25 kilos par mètre linéaire. Ces nouveaux rails portent à leurs faces supérieures des stries pour offrir aux sabots des chevaux une surface moins glissante. Les longrines resteront les mêmes, mais sous les longrines on doit mettre des traverses de 2,5 mètres de longueur, de 15 centimètres de largeur et de 10 centimètres de hauteur. Ces traverses, espacées de deux mètres, seront reliées aux longrines par des bouts de fer cornières, et cela permettra la suppression des tringles d'écartement.

Changements de voie. — Les aiguillages et les croisements sont formés de pièces de fonte.

Entretien. — En ce qui concerne le petit entretien, il n'y a que deux hommes employés à ce service. Ils ont chacun à surveiller et nettoyer environ 3.400 mètres de longueur de voie avec leurs garages. Ils sont armés d'un racloir épousant la forme du rail, et en le promenant sur le rail ils enlèvent la boue et tous les obstacles qui pourraient s'y trouver. Chacun d'eux parcourt son canton deux fois par jour, soit pour chacun un parcours de 14 kilomètres.

Prix de revient. — Suivant l'Ingénieur de la Ville de Bruxelles, le prix de revient du tramway, par kilomètre, serait de 15.000 francs. Ce prix doit être fort près de la vérité, comme le montre l'estimation ci-dessous.

2 rails de 6 mètres à 16 kilos: 38 francs 40 centimes
2 longrines en sapin: 6,20 francs
2 Sabots d'about en fonte: 1.62 francs
2 Tringles d'écartement en fer: 2.63 francs
Clous: 23 centimes
Total pour 6 mètres de longueur: 49,08 francs, soit 8.,18 francs par mètre courant

Auxquels il faut ajouter:
Le démontage de la chaussée: 22 centimes
La pose et règlement de la voie: 50 centimes
La remise en place du pavage: 3,30 francs
Le prix d'un mètre courant de voie revient ainsi à 12,20 francs.

La longueur totale de la voie est de 6.700 mètres.
La longueur des garages est de 2.000 mètres.
Total= 8.700 mètres.

Ce qui donne pour le prix d'un kilomètre de de voie (8.700 * 12,20 / 6.700) * 1.000 = 15.841 francs.


Traction. — La traction sur le chemin de fer du bois de la Cambre se fait uniquement par chevaux; il y a en ce moment dans les écuries, qui sont situées au Bois, en tête de la ligne, 128 chevaux. En été le mouvement est beaucoup plus grand: il y en a jusqu'à 130 ou 160.

En général ces chevaux sont médiocres, ils sont estimés valoir en moyenne 300 francs. On en met deux par voiture. Voici quel est leur travail : On attelle deux chevaux au Bois de la Cambre, ils vont jusqu'au bout du chemin à Schaerbeek, font là un repos de 10 minutes et reviennent au point de départ; ils se reposent là encore 10 minutes et repartent pour l'extrémité de la ligne, et reviennent ensuite. On les rentre alors à l'écurie, d'où ils ne sortent plus que le lendemain. Cela fait un parcours total d'environ 28 kilomètres et une durée de travail de 180 minutes (3 heures), car chaque voyage simple dure 48 minutes environ.

En ce moment le service commence à sept heures du matin au Bois de la Cambre, et il part de là toutes les dix minutes une voiture jusqu'à midi; à partir de midi les voitures partent toutes les cinq minutes jusqu'à 6 heures; de 6 heures à 9 heures 10 minutes, les départs n'ont plus lieu que toutes les dix minutes; la dernière voiture qui part à 9 heures 10 minutes du Bois de la Cambre arrive à Schaerbeek (rue Teniers) à 10 heures et elle rentre à 10 heures cinquante au Bois de la Cambre. Le service est alors terminé. Il en résulte qu'il n'y a en ce moment que 122 chevaux employés par jour. Mais dès que le temps devient favorable, le service se développe beaucoup et l'on n'est pas forcé seulement d'espacer de cinq minutes les départs, il faut souvent faire partir ensemble deux voitures.

Matériel. — Il n'existe qu’un seul modèle de voiture. L'intérieur est partagé en deux par une cloison, et la voiture est exactement symétrique par rapport à cette cloison, percée au milieu d'une porte à coulisses. Il y a deux compartiments contenant chacun 8 places, l'un de 1ère classe, l'autre de 2e classe. Aux deux extrémités de la voiture sont des plates-formes par lesquelles on peut entrer dans la voiture, et à chacune il y a une ferrure pour l'accrochage des traits des chevaux et une manivelle de frein.

Quand la voiture arrive au bout de sa course, on n'a pas besoin de la retourner, on détache les chevaux et on les attache du côté opposé. A chaque extrémité de la voiture se trouve un escalier léger menant à l'impériale, où il y a encore 16 places.

En y comprenant les voitures en service, celles en réparation et celles en réserve, il n'y a en tout que 23 voitures.

Une voiture de la compagnie Morris (autre nom des "Voies Ferrées Belges"),
immortalisée près du dépôt du Bois de la Cambre dans le courant de l'année 1874


EXPLOITATION.

Heures de départ et marche des voitures. — En ce moment, et depuis le 18 octobre dernier, voici comment le service est organisé:
La première voiture, qui commence le service, part du bois de la Cambre à sept heures du matin, et la dernière voiture en part à 9 heures 10 minutes. De Schaerbeek, la première voiture part à 8 heures du matin et la dernière à 10 heures du soir.
De 7 heures du matin à midi, les départs du bois de la Cambre ont lieu de dix minutes en dix minutes; de midi à 6 heures du soir ils ont lieu toutes les cinq minutes, et de 6 heures à 9 heures 10 minutes du soir ils n'ont plus lieu que toutes les dix minutes; il en résulte que, quand les départs sont espacés de dix minutes, il n'y a que neuf voitures en service, et qu'il y en a dix-sept en marche quand les départs ne sont plus espacés que de cinq minutes.

Personnel des voitures. — Le personnel des voitures ne se compose que du conducteur et du percepteur. Le conducteur conduit la voiture, serre le frein quand il le juge nécessaire, et siffle à l'approche des stations ou pour avertir les piétons et les voitures qui sont devant lui. Le percepteur ne s'occupe que de faire payer les voyageurs et aide à leur entrée ou à leur sortie.
Les voitures s'arrêtent aux garages et aux stations. Elles s'arrêtent aux stations pour laisser passer la première voiture qui vient à leur rencontre, mais elles ne s'arrêtent aux garages que le temps nécessaire pour le mouvement des voyageurs, et le conducteur repart s'il ne voit pas de voiture venir à, sa rencontre ou stationner sur le garage qui est devant lui. On prend et on descend même les voyageurs en route, sur leur demande.

Prix des places. — Voici le tarif des prix appliqués pour les différents parcours. Un parcours partiel fait entre deux limites doit être payé intégralement :
Du bois à la chaussée de Vleurgat: 15 centimes en 1ère classe et 10 centimes en seconde.
De la chaussée de Vleurgat à la station Louise: 15 centimes en 1ère classe et 10 centimes en seconde.
Du bois à la station Louise: 25 centimes en 1ère classe et 20 centimes en seconde.
De la station Louise à la place Belliard: 15 centimes en 1ère classe et 10 centimes en seconde.
De la chaussée de Vleurgat à la place Belliard: 30 centimes en 1ère classe et 20 centimes en seconde.
Du bois à la place Belliard: 40 centimes en 1ère classe et 30 centimes en seconde.
De la place Belliard à la porte de Schaerbeek: 15 centimes en 1ère classe et 10 centimes en seconde.
De la station Louise à la porte de Schaerbeek: 25 centimes en 1ère classe et 20 centimes en seconde.
De la chaussée de Vleurgat à la porte de Schaerbeek: 40 centimes en 1ère classe et 30 centimes en seconde.
Du bois à la porte de Schaerbeek: 50 centimes en 1ère classe et 40 centimes en seconde.
De la porte de Schaerbeek à la rue Teniers: 15 centimes en 1ère classe et 10 centimes en seconde.
De la place Belliart à la rue Teniers: 25 centimes en 1ère classe et 20 centimes en seconde.
De la station Louise à la rue Teniers: 40 centimes en 1ère classe et 30 centimes en seconde.
De la chaussée de Vleurgat à la rue Teniers: 55 centimes en 1ère classe et 40 centimes en seconde.
Du bois à la rue Teniers: 55 centimes en 1ère classe et 50 centimes en seconde.

Perception. — Le prix moyen perçu par kilomètre est de 9,5 centimes pour la 1ère classe et 7,75 centimes pour la 2° classe.

La perception du prix des places se fait au moment où le voyageur monte dans la voiture, et on lui remet en échange de son argent un certain nombre de coupons de 10, 15, 20 ou 25 centimes, formant ensemble le total payé.

Les enfants au-dessus de trois ans payent place entière. L'impériale est comptée comme 2e classe, mais on fait payer comme de 1ère classe les personnes qui restent debout sur les plates formes ou à l'inférieur.