dimanche 10 février 2019

Une histoire d'impériale, de fenêtres mauresques et de supports de boites d'essieux ^^

"En y comprenant les voitures en service, celles en réparation et celles en réserve, il n'y a en tout que 23 voitures." écrit C.A. Opperman en 1873.

Et si c'était vrai? Et si les 3 dernières voitures commandées chez George Starbuck par William Morris n'avaient pas encore été livrées lorsque l'auteur du texte écrit ces lignes?

"Mais Callisto, voyons, il doit s'agir d'une coquille!", me direz-vous. Sauf qu'après réflexion,
coquille d'impression ou pas, on ne peut à priori pas exclure que certains véhicules soient arrivés à Bruxelles plusieurs mois (voire plusieurs années) après la mise en service de la ligne du Bois de la Cambre, faute de documentation à ce sujet.

Cette question mérite donc largement une enquête!


1ère opération: le mesurage. 

Les premières voitures avaient-elles les mêmes dimensions que les dernières? Il existe des photos des voitures 1 et 24, après leur transformation par les Tramways Bruxellois. Les fenêtres mauresques de la voiture 1 ont été remplacées par 4 grandes vitres "dormantes" (ce qui veut dire qu'on ne sait pas les ouvrir) et le véhicule été repeint dans la couleur verte adoptée par les Tramways Bruxellois. La chevaline 24 a, quant à elle,  "juste" été repeinte.

La date exacte de la prise des photos n'est pas connue. Cependant, comme on aperçoit la voiture 277 à gauche de la voiture 1 et que ce numéro a été attribué à l'une des voitures récupérées par les Tramways Bruxellois lors de la fusion avec les compagnies des frères Becquet (compagnie Brésilienne et Tramways d'Ixelles-Etterbeek), on peut considérer que la photo a été prise après 1880.

Pour en revenir aux photos, après mesurage des voitures, il apparait qu'elles sont de dimensions semblables. La variation, de l'ordre de quelques centimètres, étant imputable à l'imprécision du mesureur.






2ème opération: le jeu des 5 différences.

Celles-ci concernent notamment les fenêtres (mauresques sur les chevalines 7 et l'inconnue de la photo de 1874, mais en demi-cercle sur la chevaline 24), la forme de la rambarde de l'impériale, la fixation de celle-ci sur la caisse de la voiture, la toiture en elle-même ainsi que la position de la sonnette.

Maintenant est-ce dû à une extension de la commande initiale, aux travaux de transformations apportés aux chevalines 1 et 24 ou à une modification du “modèle” pendant la fabrication ou à une commande tardive? C'est évidemment difficile à dire. 




Cependant, la voiture n°1 de la Cork Tramways Company, également construite par Geo Starbuck, présente, sur une photo d'époque, des fenêtres en demi-cercle  ornées de motifs floraux (comme ceux de la chevaline 24), la même forme de balustrade et une fixation identique de l'impériale, avec une fixation au dessus de chaque fenêtre (au lieu d'une fixation par groupe de deux fenêtres, comme pour les chevalines 1, 7 et la "x" de la photo de 1874). A titre de repère temporel, le réseau de tramways hippomobiles de Cork a été inauguré et/ou mis en service le 12 septembre 1872. On présume que les voitures ont été commandées chez Starbuck quelques mois auparavant.

L'impériale et les fenêtres mauresques de la voiture n°1 de la Cork Tramways Company (c) R. Jones


On notera que les supports des boites d'essieux de la 1 que ceux de la 24 présentent une inscription visible (et lisible) sur les photos, qui indique "G. Starbuck - Birkenhead". Par contre, cette inscription n'apparait pas sur les supports des boites d'essieux de la chevaline 7. Ces pièces ne seraient donc pas d'époque, mais auraient été refaites ultérieurement, aux mêmes mesures.

De haut en bas: la chevaline 7, la chevaline qui se trouve sur la photo de 1874, les chevalines 1 et 24 (vers 1880)
et finalement, juste pour le fun, la remorque électrique 3, entre 1905 et 1909.
On notera que sur la remorque électrique 3 les tonnelets en caoutchouc assurant la suspension ont été remplacés par des ressorts.



Notons encore (car c'est hors sujet), qu'il semblerait que la police de caractère qui a été utilisée sur les flancs de la chevaline 7, pour indiquer l'inscription "Bruxelles" (photo du centre) soit, pour certains caractères, plus proche de celle qui se trouvait, à l'origine, sur la voiture Saint Michel de la compagnie Brésilienne (photo du dessus) que de celle que l'on aperçoit sur la photo de 1874 (photo du dessous).



3ème opération: la comparaison des horaires.

La question qui nous intéresse ici est de savoir de combien de voitures William Morris a besoin pour desservir sa ligne.

Précisons que les horaires d'avant 1872 que nous avons pu retrouver ne sont guère précis et ne mentionnent qu'une desserte toutes les 10 minutes.

Par contre, dès 1872, les horaires sont publiés dans l' "Almanach de Poche". On y lit, pour l'année 1872:

"Chemin de fer américain, de l'église Saint-Servais au Bois de la Cambre, par la chaussée de Haecht, la rue royale, la place des Palais, le boulevard du Régent, l'avenue de la Toison d'Or, la chaussée de Charleroi et l'avenue Louise.
Stations: Eglise Sainte Marie, colonne du Congrès, place Belliard, porte de Namur, chaussée de Charleroi et chaussée de Vleurgat.

Départs toutes les 10 minutes, du Bois, de 7 heures du matin à 9 heures 10 du soir. De la rue Teniers, de 8 heures du matin à 10 heures du soir.

Le prix des places est de 10 centimes en seconde place et de 15 en première. Le voyageur qui monte entre deux stations paiera de la dernière station. Le voyageur qui descend entre deux stations paiera jusqu'à la station suivante."


Compte tenu du fait que l'équipage a 10 minutes de pause en bout de ligne, on peut donc en déduire que le service commence et se termine au Bois, et que le la ligne entière se parcourt en 40 minutes environ (43 minutes même, pour être précis, si l'on en croit C.A. Opperman).


 
Si l'on en croit toujours C.A. Opperman, un changement d'horaire intervient en date du 18 octobre 1872, à savoir que la desserte de la ligne est renforcée entre midi et 6 heures du soir:

"En ce moment, et depuis le 18 octobre dernier, voici comment le service est organisé: la première voiture, qui commence le service, part du bois de la Cambre à sept heures du matin, et la dernière voiture en part à 9 heures 10 minutes. De Schaerbeek, la première voiture part à 8 heures du matin et la dernière à 10 heures du soir. Celle-ci rentre à 10 heures cinquante au Bois de la Cambre. Le service est alors terminé.
De 7 heures du matin à midi, les départs du bois de la Cambre ont lieu de dix minutes en dix minutes; de midi à 6 heures du soir ils ont lieu toutes les cinq minutes, et de 6 heures à 9 heures 10 minutes du soir ils n'ont plus lieu que toutes les dix minutes."


Cette augmentation des fréquences a pour conséquence qu'au lieu de faire circuler 9 voitures simultanément, il en faut 17 pour assurer le service. C.A. Opperman l'écrit ainsi: "Il en résulte que, quand les départs sont espacés de dix minutes, il n'y a que neuf voitures en service, et qu'il y en a dix-sept en marche quand les départs ne sont plus espacés que de cinq minutes.


Autrement dit, si l'on se fie aux horaires uniquement, avant 1872, une douzaine de voitures doit suffire à l'exploitation de la ligne. Devoir disposer d'un nombre plus important de voiture se justifie, en octobre 1872, par l'augmentation des fréquences.


Les horaires en vigueur depuis le 18 octobre 1872 restent quasi-inchangés en 1873 et 1874 comme l'en atteste cet horaire valable au 1er avril 1874.




En résumé...

Nous avons vu que le tramway hippomobile n°24 des Voies Ferrées Belges présentait un aspect extérieur différent des autres véhicules de la compagnie Morris dont des photos nous sont parvenues (1, 7 et la chevaline inconnue de la photo de 1874), mais assez proche de celui d'une autre voiture produite par la firme Starbuck en 1872. De plus, la desserte de la ligne aux 10 minutes, avant le 18 octobre 1872, ne nécessitait probablement pas d'avoir 26 voitures. On peut donc se poser la question de savoir s'il était bien raisonnable de commander 26 chevalines dès le début de l'exploitation, alors que personne ne pouvait prédire le succès que la ligne allait avoir, ni la viabilité de celle-ci.

On ajoutera que, selon une liste de créances établie le 13 novembre 1872, dans le cadre de la faillite de la Geo Starbuck & Co Ltd et sa reprise par la Starbuck Car and Wagon Company, on retrouve une dette de £2.070 due par William Morris, suite à la commande de 12 voitures à impériales. Le document ne mentionne malheureusement que le nom de William Morris, et non celui du réseau auquel il était destiné (qui pourrait donc ne pas être Bruxelles).

Bien qu'il ne soit pas (malheureusement) pas possible de vérifier plus amplement les informations développées ci-avant, en les recoupant avec d'autres documents, on ne peut pas exclure que les dernières voitures des Voies Ferrées Belges aient été livrées à la fin de l'année 1872, voire même encore plus tardivement.

jeudi 7 février 2019

Projet de chemin de fer métropolitain, Bruxelles, 1896 ^^


Je vous propose de découvrir ce soir trois extraits issus d'anciens journaux et qui ont tous comme objet un projet de chemin de fer métropolitain qui, entre autre, relierait les gares du Nord et du Midi.

Ne vous étonnez pas, lors de votre lecture de découvrir des informations divergentes. Le prix du ticket passe ainsi de 10 centimes (classe unique) à 20 centimes en seconde classe et 30 centimes en première classe, et cela à deux mois d'intervalle.

Ne vous étonnez pas non plus que ce projet ait fait l'objet de réticences de la part des commerçants et des propriétaires riverains, inquiets d'une éventuelle dévaluation de leurs biens immobiliers.

Bonne lecture!


Extrait #1, issu du journal "Le Vingtième Siècle" du 7 février 1896:

"Nous sommes en mesure de donner aujourd’hui des renseignements précis et détaillés sur le vaste projet de chemin de fer métropolitain dans l’agglomération bruxelloise.

Il ne s’agit pas seulement d’établir un chemin de fer métropolitain mais de résoudre définitivement la question de l’aménagement des gares du Nord et du Midi et le raccordement des lignes qui aboutissent à la capitale.
A Schaerbeek et à Forest, il y a aura deux grandes gares de formation. La gare du Nord sera reliée directement à celle du Midi par six voies souterraines. La traction se fera à l’électricité sur deux de ces voies et à la vapeur sur les quatre autres.
Les gares du Nord et du Midi deviendront ainsi des gares de passages, tous les rebroussements seront supprimés. Une gare centrale sera établie au milieu de la Ville.
Il en résulte que tous les voyageurs, y compris ceux des trains internationaux, pourront être amenés au centre même de Bruxelles.

Pour le service de l’agglomération bruxelloise, un chemin de fer métropolitain de ceinture complète sera établi. La traction s’y fera à l’électricité.
Ce chemin de fer ne sera pas souterrain, mais il sera raccordé par deux voies souterraine à la gare centrale de Bruxelles.
Les habitants d’un point quelconque de l’agglomération pourront, moyennant 10 centimes (prix unique) se faire transporter de leur domicile au centre de Bruxelles ou à tout autre point.

L’ensemble de cette disposition est inspiré de l’organisation de Berlin. Le coût de ces énormes travaux est estimé à 70 millions de francs.
Les installations suffiront pour amener à Bruxelles 300.000 voyageurs par jour, sans qu’il y ait aucun encombrement.
L’établissement des lignes métropolitaines entre dans la dépense totale pour une somme de 30 millions de francs.
On estime que le mouvement sur ces lignes sera au minimum de 40 millions de voyageurs par an, ce qui correspond à une recette de 4 millions. En supposant que les frais d’exploitation s’élèvent à 2 millions, il reste 2 millions pour servir l’intérêt et l’amortissement des capitaux engagés, ce qui est largement suffisant, et laisse même une grande marge à l’imprévu dans l’évaluation des recettes ou des dépenses."


Extrait #2, issu du journal "L'Indépendance Belge" du 21 mars 1896:

"Le projet d’un chemin de fer souterrain à établir à Bruxelles, sous les boulevards du Centre, a provoqué de nombreuses protestations de la part des habitants et commerçants d cet important quartier de la Ville. Voici la pétition qui a été adressée au collège échevinal :

Messieurs,

Il parait qu’il est question de faire à Bruxelles un chemin de fer souterrain.
Nous venons appeler toute votre attention sur les graves inconvénients que semblable travail aurait pour le commerce de la capitale.

Bruxelles n’a pas une grande circulation. Cependant, le boulevard central et la rue du Midi commencent à prendre de la vie. Si l’on enlève, pour le mettre sous terre, le mouvement des piétons, que deviendront notre commerce et la valeur de nos propriétés ?
Pour les étrangers qui arrivent à Bruxelles, il est bien égal de débarquer à la gare du Nord ou à la gare du Midi, au lieu d’être transporté à une station centrale.  Il faudra tout de même que de là, ils se rendent aux hôtels.
Pour les voyageurs de Bruxelles qui se rendent aux gares, il est bien indifférent aussi d’aller au Nord ou au Midi, ou à une station centrale, pour prendre leur train.
Quant au mouvement des piétons, il est desservi par des trams et des omnibus. Il faut laisser ce mouvement à la surface, parce qu’il fait vivre les commerçants.
Les voyageurs venant de Hollande et allant en France sont transportés par la ligne de ceinture et ce n’est pas cinq minutes de parcours qui peuvent justifier une grosse dépense comme celle qu’il s’agit de faire et le dommage qui en résultera pour le commerce de la capitale.

Nous espérons donc, Monsieur le Bourgmestre, que vous prendrez énergiquement en main nos intérêts gravement menacés par un projet très beau, sans doute, sur le papier mais qui n’a d’intérêt pour personne.

Cette pétition est signée de 2.600 signatures recueillies parmi les habitants des boulevards Anspach, du Nord et du Hainaut, rue du Midi et rue Neuve."


Extrait #3, issu du "Journal de Bruxelles" paru en date du 10 avril 1896:

"Le métropolitain consisterait en un chemin de fer électrique souterrain.
Comme la topographie de notre ville se caractérise surtout par l’extrême inégalité de son sol, aucune communication entre le haut et le bas de la ville ne saurait être aussi rapide que le chemin de fer électrique souterrain qui ferait le tour complet de la ville en 15 minutes.
Ce chemin de fer circulerait dans un double tunnel en fer, creusé à une profondeur de 25 à 30 mètres et bien éclairé, où les collisions seraient impossibles, chacun des tunnels étant entièrement indépendant de l’autre. Il y aurait de nombreuses stations.
Les départs se feraient à 2 minutes ½ d’intervalle, de 6 heures du matin à minuit. On pourrait, au besoin, augmenter le nombre des trains et, en cas d’influence, les faire suivre à une minute d’intervalle. Le prix du parcours serait de 20 centimes en seconde classe et de 30 centimes en première classe."

dimanche 3 février 2019

Les conditions de travail des aiguilleurs de caniveaux, 1897-1898 ^^

L'ancienne presse belge numérisée regorge de détails parfois oubliés des historiens traminots, vu que ces "petites histoires" ne sont pas relatées dans les rapports annuels des sociétés de transport concernées. Aujourd'hui, je vous emmène à la découverte des conditions de travail des aiguilleurs de caniveaux, telles qu'elles nous sont décrites dans trois articles de presse de 1897 et de 1898.


Extrait #1: "Le Soir" du 5 octobre 1897:

Les nouveaux trams électriques ont amené la création d'emplois nombreux d'aiguilleurs. Les aiguilleurs du chemin de fer ont, au moins, une guérite pour s'abriter contre les intempéries. Les employés des trams, eux, doivent en certains endroits, restés exposés à tous les caprices du ciel, pendant toute une journée.

Il en quelques-uns qui sont réellement à plaindre et qui font pitié à ceux qui, passant souvent à l'endroit où ils sont de poste, les voient trempés et transis sous l'ondée. Ce sont les aiguilleurs de la ligne Bruxelles-Tervueren.

Ces malheureux commencent leur besogne à 7h du matin et ne la quitte qu'à 11h du soir, sans qu'ils aient, pendant ces heures de travail, joui de quelques minutes de liberté. Il faut même qu'ils prennent leur repas sur place.

Il suffira sans doute de signaler la situation de ces pauvres gens à la compagnie pour qu'elle y porte remède.

Les rêves d'un aiguilleur: un parasol et un éventail par temps chaud
ou un parapluie par temps pluvieux - dessin de 1898



Extrait #2: "Le Vingtième Siècle" du 30 janvier 1898:

La compagnie des Tramways Bruxellois vient de prendre une excellente mesure en faveur des aiguilleurs qui, jusqu'ici, passaient les heures de la journée aux croisement des voies, exposés à toutes les intempéries. Un modèle d'abri a été soumis par la compagnie à l'administration communale et a récemment été approuvé par elle.

Sous peu, donc, les aiguilleurs des Tramways Bruxellois auront, pour se garantir, une guérite mobile du genre de celles que l'on rencontre au bord de la mer, recouverte de toile imperméable.

De plus, les aiguilleurs recevront de vastes paletots en étoffe chaude, des cabans en cuir et des pèlerines en fourrure.

Il faut espérer que les autres sociétés de tramways qui emploient des aiguilleurs s'inspireront de l'exemple que leur donne la compagnie des Tramways Bruxellois.


Extrait #3: "Le Bleu du Petit Matin" du 23 août 1898:

Nos lecteurs se rappellent qu'à l'époque des pluies, nous avons signalé à la compagnie des Tramways Bruxellois le triste sort des aiguilleurs exposés, la journée durant, aux averses célestes.

Nous avions demandé pour eux des guérites. On a écouté notre appel. C'est ce qui nous engage à récidiver.

Sous ce soleil de plomb, les infortunés aiguilleurs seraient si confortablement abrités par des parasols.

M. Buls en a donné aux marchandes de fleur de la grand-place. N'y en t'il pas quelques-uns, inutilisés, mis en réserve, dont les pauvres aiguilleurs, rôtis par le soleil, s’accommoderaient à merveille, en ces temps de chaleur saharienne!

Un aiguilleur en poste au boulevard Adolphe Max, entre 1940 et 1942.
Ce n'est pas la même époque, mais les conditions de travail ne semble pas avoir changé.

mercredi 30 janvier 2019

L'Europe en anciennes cartes postales: l'Eglise des Pères Barnabites, avenue Brugmann, Bruxelles ^^

Notre tour d'Europe en cartes postales nous emmène à la découverte de l'Eglise des Pères Barnabites (autre nom désignant les Clercs Réguliers de Saint Paul), sise au 121 de l'avenue Brugmann, à Bruxelles, dont je vous avais déjà proposé une photo de la façade dans un précédent article.



Voyons maintenant les vues de l'intérieur de l'église ^^ 

L'avenue Brugmann



Le maitre autel

Vue intérieur de l'église


Vue intérieure de l'église


La chapelle


Le Christ du comte Schouwaloff


Le hall d'entrée



Notre Dame de la Providence


Statue de l'enfant Jésus


La chapelle de Sainte Thérèse de l'enfant Jésus


La bibliothèque

samedi 26 janvier 2019

Les accumulateurs "Eclair" du réseau la compagnie de Bruxelles-Ixelles-Boendael, automne 1897 ^^

L'ancienne presse belge numérisée regorge de détails parfois oubliés des historiens traminots, vu que ces "petites histoires" ne sont pas relatées dans les rapports annuels des sociétés de transport concernées. Après avoir découvert la traction par accumulateurs des années 1880, partons aujourd'hui à la découverte des essais de traction réalisés en 1897.

Présentons d'abord le contexte. Le cahier des charges de la ligne du Treurenberg prévoit que la traction électrique, entre le Treurenberg et l’entrée de la rue Joseph II, se ferait par accumulateurs ou par caniveaux, la société d'Ixelles-Boendael, qui a obtenu la concession de la ligne, commande deux motrices (271 et 272) équipées d’accumulateurs "Eclair".


On peut ainsi lire, dans "L'Echo du Parlement" du samedi 4 septembre 1897: "Un service d'essai de traction par accumulateurs a été inauguré mercredi (autrement dit, le 1er septembre) après-midi sur la ligne du tramway place de Louvain - Exposition. Deux voitures ont fait le trajet, aller et retour, de l'avenue de la Renaissance à la rue Royale, gravissant les rampes avec la plus grande facilité, et à la même allure que les trams à trolley."




Le texte ci-dessous, qui provient d'une publicité commerciale pour les accumulateurs "Eclair" parue dans le presse en octobre 1897, nous décrit plus amplement ces voitures.

"L'industrie des accumulateurs électriques commence à prendre un grand développement depuis que l'attention a été attirée de ce côté, dans presque tous les pays, par les immenses avantages que présente l'emploi de batteries d'accumulateurs pour la traction en général, et pour la traction des tramways en particulier.

Jusque dans ces derniers temps, l'accumulateur était employé principalement dans les installations d'éclairage électrique et paraissait devoir s'imposer bien lentement pour la traction. Mais les déboires nombreux auxquels donnent lieu chaque jour les installations couteuses de traction par câble aérien, et celles plus dispendieuses encore des caniveaux souterrains, sont venus apporter un stimulant nouveau à l'activité des partisans de l'accumulateur.

C'est surtout dans l'intérieur des villes que l'emploi des accumulateurs pour la traction tend à se généraliser, d'autant plus vite que, non seulement ce système écarte les dangers permanents qu'entraîne l'enchevêtrement des câbles et les courants aériens ou souterrains, mais qu'en outre, il débarrasse la voie publique de tous les poteaux disgracieux et des hideuses "
toiles d'araignées" qui sont suspendues au-dessus de la tête du passant comme autant de menaces perpétuelles.

Les réflexions qui précèdent nous ont été suggérées par la récente mise en service des deux premières voitures de la Société des accumulateurs "
Eclair". Ces voitures, que chacun peut voir en ce moment à Bruxelles, sur le réseau de la compagnie d'Ixelles-Boendael, sont élégantes et roulent sans la moindre trépidation. Elles accomplissent régulièrement le trajet de la place de Louvain à l'Exposition, avec la plus grande aisance, et à une allure plus rapide même que celle des tramways à trolley.

Comme on le voit, la Société "
Eclair" a choisi pour faire la démonstration de la supériorité de ces accumulateurs, une ligne particulièrement difficile, présentant dans les rampes les plus fortes une succession de courbes de petit rayon. Les mêmes voitures ont été soumises, avant leur mise en service, à des essais sur la ligne de l'Exposition à Tervueren, et le voyage d'aller et retour (soit environ 22 kilomètres) a été accompli sans difficulté, et à grande allure, le courant de décharge étant normalement de 63 ampères et atteignant parfois près de 20 ampères au kilo. Ceci est sans contredit une performance extraordinaire pour les éléments de 6 kilos et demi que la Société "Eclair" emploie pour ce service.

Le caractère essentiel du système "
Eclair" consiste en ce que chaque élément forme un tout compact, la matière active se trouvant soutenue de tous côtés et mise pour ainsi dire dans l'impossibilité de se détacher. C'est pourquoi cet accumulateur surpasse tous les autres systèmes comme solidité et résistance aux chocs et trépidations, et l'ensemble des qualités qu'il réunit en fait en quelque sorte "l'accumulateur-type" pour la traction, non seulement des tramways ordinaires, mais encore des omnibus et véhicules automobiles de tous genres."


Malgré cette publicité fort positive, le système se révèle décevant et est rapidement abandonné.

D'après l'extrait de presse du 4 septembre 1897, il semblerait même que la traction par accumulateur n'ait pas dépassé le stade des essais. Cela semble confirmé par le rapport annuel sur les transports en commun publié au Bulletin Communal de la Ville de Bruxelles, où l'on peut lire que: "Depuis quelques temps, un grand omnibus, mu par accumulateurs, circule sur la ligne à titre d’essai." De plus, les deux voitures 271 et 272 ne pouvaient suffire, à elles seules, à assurer le service sur le tronçon Treurenberg - Joseph II. On peut donc estimer que ce tronçon était
exploité depuis sa mise en exploitation le 1er juin 1897, avec un fil aérien.

Quant à la société "Eclair", elle est dissoute lors de son assemblée générale du 5 décembre 1898.

mercredi 23 janvier 2019

La traction par accumulateurs aux Tramways Bruxellois, façon 1888 ^^

L'ancienne presse belge numérisée regorge de détails parfois oubliés des historiens traminots, vu que ces "petites histoires" ne sont pas relatées dans les rapports annuels des sociétés de transport concernées. Nous avons, dans un précédent article, abordé la question de la traction par accumulateurs aux Tramways Bruxellois, telle qu'elle a été "testée" entre 1883 et 1890.
Je vous propose de continuer à approfondir les différents essais qui ont été réalisés. Après les essais des années 1883 et 1884, ainsi que ceux opérés en 1886, voyons maintenant 4 extraits relatant les essais réalisés en 1888.

Bonne découverte!



Extrait #1: L'Indépendance Belge du 30 mars 1888:

La société des ingénieurs belges a visité mercredi après-midi les installations de traction électrique des Tramways Bruxellois, situées rue Juste-Lipse. Les ingénieurs, qui étaient très nombreux, ont été reçus par Monsieur Michelet, administrateur-délégué de la Société des Tramways Bruxellois et par Monsieur Van Vloten, ingénieur, qui ont donné aux excursionnistes les explications les plus complètes sur les installations de la rue Juste-Lipse.

On sait qu'actuellement le matériel roulant électrique se compose de voitures de 40 places du type adopté depuis longtemps par la compagnie. Aucune modification essentielle n'a été faite à la caisse du véhicule, on s'est borné à employer utilement l'espace qui existait sous les banquettes et qui convient du reste parfaitement pour loger les éléments. La caisse ainsi aménagée vient se poser sur le châssis en fer qui a été étudié en vue de l'application de ce nouveau système.


La transmission du mouvement essayée d'abord consistait en un arbre intermédiaire attaqué au moyen de cordes par la dynamo-motrice et attaquant lui-même l'un des essieux par chaîne. On ne possède ainsi qu'un essieu moteur.
Le système actuellement en usage opère la transmission par engrenages et permet l'attaque des deux essieux, ce qui supprime le patinage des roues.
Les voitures en ordre de marche pèsent 5.480 kilos et la charge des voyageurs peut s'élever à 2.240 kilos.

La batterie de voiture est calculée en vue d'un trajet de 50 kilomètres, soit la moitié du parcours journalier du véhicule.

Les premiers essais de traction électrique n'ont peut être pas répondu à toutes les espérances de la société des Tramways Bruxellois. Il va de soi qu'un progrès de ce genre ne se réalise pas d'un coup, et que l'on n'ait pas encore résolu toutes les difficultés du problème. Comme la traction animale, la traction électrique a ses surprises et ses déceptions. Là cela sera par exemple une épizootie chevaline, ou bien une secousse violente dans le prix des fourrages. Ici, par un hiver comme celui qui vient de finir, l'accumulateur électrique aura été obligé de donner un coup de collier inattendu, et il a fallu une dépense de force beaucoup plus considérable qu'on ne pensait.

La traction électrique a t'elle déjà l'avantage du bon marché? Nous n'en répondrions pas. Mais l'avenir de ce mode nouveau de locomotion n'est pas douteux, et la société des Tramways Bruxellois par sa confiance et la persévérante énergie de son initiative aura puissamment contribué au succès.

Extrait #2: L'Indépendance Belge du 8 avril 1888:

Le bruit s'est répandu en ville depuis deux ou trois jours que la Compagnie des Tramways Bruxellois allait supprimer le service des voitures électriques de la rue de la Loi. Annonçons simplement que ladite société ajoute, à partir de dimanche matin, une quatrième voiture mue par l'électricité au parcours de la rue de la Loi. Ce qui est vrai, c'est que jusque à nouvel ordre, l'expérience de la traction électrique ne sera pas étendue aux autres lignes du réseau.
La voiture électrique 53 circulant lors de l'exposition de 1888 sur la ligne Exposition - Impasse du Parc
La gravure est issue du Patriote Illustré paru le 6 janvier 1889.


Extrait #3: L'Indépendance Belge du 8 septembre 1888:

La séance du 3ème congrès de l'Union internationale permanente des Tramways s'est terminée par une communication décrivant les installations faites par les Tramways Bruxellois pour la traction électrique. C'est surtout la préparation et l'emploi des accumulateurs qui ont été exposés au congrès avec des explications élémentaires.

Les premiers résultats, assez fâcheux, de la traction électrique provenaient de la dimension donnée aux accumulateurs qui se détruisaient trop vite. Maintenant, les plaques sont plus grandes et plus légères, et non plus en plomb, mais dans un alliage de plomb, d'antimoine et de mercure.

L'administration des Tramways Bruxellois détermine avec soin les dépenses afférant à ce service. Chaque batterie d'accumulateur a un compte spécial auquel on accorde 10 centime par kilomètre parcouru et l'on compare les boni ou mali de chacun de ces comptes. Pour l'approvisionnement des voitures, on sait que l'accumulateur fait 40 kilomètres et que la voiture fait 100 à 110 kilomètres en un jour. Il faut une année de cette comptabilité au moins, et des inventaires mensuels, pour déterminer les frais de renouvellement et le coût total du service. Mais il est certain que des perfectionnements importants sont prochains. On arrivera à remédier à l'inconvénient actuel de la chute des matières actives. Déjà, la compagnie des Tramways a reçu des offres de différents inventeurs. Mais pour le moment, malgré les économies que l'on a pu réaliser dans l'installation des dynamos, dans les transmissions et dans les dépenses d'entretien, la traction électrique sur les lignes bruxelloises coûte plus cher que le traction animale. Le président, Monsieur Victor Despret, avant de lever la séance, a remercié l'orateur avec une charmante affabilité.

L'après-midi a été consacrée a des visites de lignes et d'installations. A une heure et demie, des voitures spéciales des Tramways Bruxellois ont conduit les membres du congrès voir les installations créées par cette compagnie pour l'organisation de la traction électrique. Nous avons déjà, lors de l'ouverture du service électrique, décrit en détail, à cette place, ces installations qui ont vivement intéressé les visiteurs étrangers.

Après cet examen, les congressistes sont partis pour la porte de Ninove et ont parcouru les lignes et visité le matériel du chemin de fer vicinal de Bruxelles à Schepdael.
(Ndlr: Ce que les invités sont allés voir, c'est la première voiture à vapeur "Rowan" de la SNCV, qui faisait des essais sur la ligne Bruxelles-Schepdael. La voiture à vapeur, attelée à deux voitures pour voyageurs, parcourt la distance de 10 kilomètres en 20 minutes avec les congressistes à bord.)

Voiture à vapeur "Rowan" de la SNCV


Demain, le congrès des tramways terminera ses travaux pour se rendre, dimanche matin, à l'invitation de la Société nationale des chemins de fer vicinaux qui tient à montrer à nos hôtes de l'étranger ses lignes de la côte entre Ostende et Blankenberghe.


Extrait #4: L'Indépendance Belge du 13 septembre 1888:

Tramways électriques de Bruxelles.

Il y a deux lignes exploitées qui font un service régulier depuis deux ans. L'une va de la place Royale à l'extrémité de la rue Belliard, et l'autre de l'impasse du Parc au Rond-Point.

Chacune de ces lignes a une longueur de 3.600 mètres, à raison de 12 allers et retours par jour, soit 24 voyages. Chaque voiture parcourt donc 87 kilomètres environ. Le poids total d'une voiture, y compris 32 voyageurs au complet, est de 7.000 kilos.

Les accumulateurs sont au nombre de 100 et du système Julien. Il y a deux jeux d'accumulateurs qui se renouvellent, chacun d'eux n'ayant qu'une capacité d'énergie électrique de 50 kilomètres au maximum. Chaque batterie, de 100 accumulateurs Julien, pèse 1.500 kilos.

L'usine de charge est munie d'un moteur de 150 chevaux actionnant 4 dynamos pouvant donner chacune de 200 à 500 volts.

La transmission se fait par courroies, arbre intermédiaire et chaînes de Gall. La vitesse du moteur se règle en faisant varier la manière dont les accumulateurs sont montés sur le circuit.

La même société a également équipé la ligne allant de Rathhausmarkt à Bambek, exploitée par les tramways de Hambourg.