dimanche 8 septembre 2019

Le Grand Concours International des Sciences et de l'Industrie de 1888, ainsi que sa desserte par les transports en commun ^^

L'ancienne presse belge numérisée regorge de détails parfois oubliés des historiens traminots, vu que ces "petites histoires" ne sont pas relatées dans les rapports annuels des sociétés de transport concernées. Aujourd'hui, partons à la découverte du Grand Concours International des Sciences et de l'Industrie organisé en 1888 sur le site du Cinquantenaire, ainsi que de sa desserte par les transports en commun.


(c) www.gallica.fr


En vertu d'une convention conclue entre la Ville et l'Etat belge, celui-ci est devenu propriétaire de tout l'ancien Champ des manœuvres, d'une superficie de 33 hectares, qui est l'emplacement choisi pour l'organisation de cette exposition.  Le Palais des Concours y occupe une superficie de 60.514 mètres carrés, tandis que l'exposition chevaline et ses dépendances occupent 3 hectares. 4.000 mètres carrés sont donnés pour l'installation d'un ballon captif (montgolfière) et pour l'organisation des fêtes aéronautiques. Vous trouverez un plan de cette exposition via ce lien.

D'importants travaux y sont effectués: on y construit un grand portique circulaire qui relie les deux pavillons construits pour l'exposition de 1880, ainsi que 40.000 mètres carrés de halles en fer destinées à une exposition permanente d'art monumental et industriel.


L'Administration du Grand Concours établit également, à l'intérieur de l'exposition, un espace de stationnement pour les voitures et les taxis (tous encore hippomobiles à cette époque). Les tramways arrivent et partent également de l'intérieur de l'exposition, où une gare a été aménagée, en contrepartie d'une taxe d'entrée (ou de sortie) dont doivent s'acquitter les voyageurs.


Il faut dire que les Tramways Bruxellois ne lésinent pas sur les moyens. On peut lire dans le rapport annuel de l'année 1888: "Le matériel a été largement augmenté, de nouvelles voies et des raccordement ont été construits ou vont l'être prochainement. Notre service sera prolongé tout au moins jusqu'à l'entrée principale de l'exposition. Tout a été prévu, afin que le public, si nombreux qu'il puisse l'être, soit transporté promptement et commodément."

Les Tramways Bruxellois construisent également un grand dépôt provisoire pour 100 chevaux et 80 voitures, rue Archimède, à proximité de l'Exposition...


... ainsi que 35 voitures ouvertes
portant les n°501 à 535. 

A droite, la voiture ouverte 504, construite en vue de la desserte de l'exposition de 1888.


Les jardins de l'exposition ouvrent au public dès le 5 mai. Le prix d'entrée de ceux-ci est de 50 centimes. L'inauguration, initialement prévue à la même date et dont la date a été largement diffusée via la presse (et ce dès le mois de février 1888), est reportée au mois de juin. On peut lire, dans le journal "L'Indépendance Belge" du 4 mai 1888: "Les jardins de l'Exposition seront mis à la disposition du public le samedi 5 mai. A partir de cette date, des fêtes et attractions seront organisées en attendant les grandes solennités qui marqueront l'inauguration officielle".
Parmi les événements organisés, citons des concerts, des feux d'artifice, des bals, l'illumination des jardins, l'ascension du ballon captif, des montagnes russes et de nombreux jeux.


Même si l'inauguration et l'ouverture des pavillons est reportée, les Tramways Bruxellois adaptent quand même leur offre de transport en commun en conséquence. On lit ainsi, dans le "Journal de Bruxelles" du 6 mai 1888: "A l'occasion du Grand Concours International des Sciences et de l'Industrie, à partir du 5 mai prochain, des services directs seront établis de l'impasse du Parc (par la rue de la Loi) aux pavillons de l'exposition. Ces services commenceront et finiront :
* de l'impasse du Parc, à 9h05 du matin jusqu'à 6h05 du soir (dernier départ pour l'exposition)
* de l'exposition, de 9h28 du matin jusqu'à 6h28 du soir (dernier départ pour l'impasse du parc).
"


Dès le 19 mai, ces services sont renforcée par des services directs reliant la place Royale à l'exposition, par la rue Belliard. Cependant, si l'offre a été adaptée, la quantité de conducteurs et de receveurs en service, elle ne suit pas. Le journal "Le Peuple" dénonce leurs conditions de travail en ces termes:
"Les 14 minutes de repos dont les cochers et les receveurs jouissaient entre deux voyages, lorsqu'ils arrivent à l'heure réglementaire, se trouvent réduites à 4, tout juste le temps de tourner les chevaux et de repartir. De plus, les 3/4 d'heure attribués aux hommes pour le dîner sont réduits à 33 ou 34 minutes. Il y a des équipages qui doivent dîner à 10:30 et qui roulent ensuite jusqu'à la fin de la soirée. Le cocher et le receveur affligés du service de nuit doivent partir du dépôt à 7:13 du matin et y rentrent à minuit passé. Cette organisation se complète par un système d'amendes féroces."


En prévision de l'exposition, les Tramways Bruxellois achètent plus de 300 chevaux supplémentaires. Ceux-ci seront revendus dès la mi-septembre: on retrouve les traces d'une vente de 47 chevaux le 17 septembre, d'une vente de 49 chevaux le 27 septembre et d'une vente de 50 chevaux et dun poulain le 18 octobre. On notera que la desserte de l'exposition nationale de 1888 en transport en commun se fait également par la traction électrique, à l'aide d'accumulateurs.

La voiture électrique 53 circulant lors de l'exposition de 1888 sur la ligne Exposition - Impasse du Parc
La gravure est issue du Patriote Illustré paru le 6 janvier 1889.


L'inauguration officielle de l'exposition intervient le 7 juin 1888, à 14h. On en lit le compte-rendu dans le le journal "L'Indépendance Belge" du 8 juin 1888: "Du Rond-Point de la rue de la Loi à l'ancienne plaine des Manœuvres, les environs de l'Exposition sont animés. Tous les terrains vacants ont été accaparés par des installations en planches bariolées, des baraques pavoisées, des établissements à titre pompeux, tous ayant pour but de combattre la fin et la soif, à prix plus ou moins élevés. Des débits de tabac, un café-concert et des boutiques complètent le tableau, traversé du mouvement des tramways qui pénètrent dans l'enceinte du Grand Concours jusqu'aux deux pavillons que nous a laissé l'exposition nationale de 1880.

Les Jardins ont une entrée assez peu solennelle, près d'un corps de garde en tôle grise. Un service de gardiens, des vendeuses de catalogues et deux petits décrotteurs forment l'avant-garde de l'exposition. C'est vers le fond du parc que se passe l'animation. Le long des pelouses, des mécaniques donnent, pour deux sous, une tablette de chocolat, un cigare ou l'indication de votre force musculaire. Des mâts électriques, des drapeaux, les deux colonnes de Quenast et de nombreux kiosques et pavillons bordent les allées d'une façon agréablement pittoresque. Tous ne sont cependant pas encore achevés.


Les colonnes de Quenast, dans le parc du Cinquantenaire


A bien eu d'exception, les chalets sont consacrés à la boisson et à la nourriture. C'est une suite de pancartes et d'avis offrant les vins, les bières et les liqueurs les plus internationales. Les buffets, restaurants et pâtisseries sous pavillons abritent des bouquinières, des vendeuses et des servantes travesties en Russes, Bavaroises, Hongroises et autres.

Au centre de l'exposition, devant la cour d'honneur, entre le musée d'art monumental et la salle des fêtes, on a eu la fâcheuse idée d'installer un hippodrome, qui gâche la perspective en l'encombrant de ses vilaines estrades de bois blanc. De plus, il n'est plus question de cet hippodrome. Les directeurs sont partis, laissant leur troupe en plan, et la baraque a été enlevée la nuit même.

L'Angleterre a voulu avoir son île et conserver son isolement géographique. Les Anglais sont donc cantonnés dans un pavillon bien à eux seuls. Le long des vitrines, beaucoup de tissus et de fils, des étoffes, peu de machines, des vélocipèdes et de respectables ladies, le chapeau sur la tête, qui vous offrent des collections d'aiguilles.

Sur le théâtre japonais, des jongleurs, des équilibristes et des escrimeurs donnent une représentation.

Dans les galeries, on travaille ferme: on taille, on scie, on ajuste les étagères et on cloue les tentures. La grande entrée de gauche place le visiteur entre l'Allemagne et l'Autriche. En prenant à gauche nous traversons cette dernière: des bijoux, des bibelots, des parures fines, des meubles.  La Hongrie a des étoffes splendides mais peu de sciences et d'industries, même si son compartiment est vaste et coquet. L'Italie affiche ses bijoux, ses coraux et ses statuettes polychrome, tandis que les ouvriers russes s'affairent au déballage des objets présentés lors de l'Exposition d'Anvers. La Turquie, dans un coin égaré, n'est représentée que par un petit salon moelleux, divinement conçu pour des rêveries de fumeur. La Chine, qui voisine avec les horlogeries de Genève, déploie des parasols gaiement colorés. L'Espagne, la Suède et la Norvège, au fond des installations, sont toujours affairées à leurs travaux d'installation. Dans le compartiment allemand, on ne voit que des victuailles, des conserves, des pâtés, des flacons et des bouteilles, avec, à côté, une collection d'objets se rapportant à l'enseignement. Leur industrie n'est représentée que par une galerie d'instruments de précision.

Nous voici maintenant dans le vaste hall, appelé Grande Galerie Internationale des Machines, avec des bielles, des manivelles, des cylindres, des arbres, des poulies, des volants et des bobines. Il y règne une intense activité. 


Une terrasse surélevée donnera une vue intéressante sur l'ensemble. Mais pour le moment, rien de fini, et il reste encore beaucoup à faire avant que tout cela ne prenne aspect.


Arrivé à la balustrade qui termine cette grande salle, nous voyons, à un niveau plus bas, un espace nu dont le plancher n'est pas achevé.  "C'est la Belgique", nous informe un douanier. Nous trouvons un coin belge près d'un second jardin intérieur. Les exposants déballent, les tapissiers clouent, les menuisiers rabotent et de nombreuses caisses encombrent les galeries. La France est à peu près dans le même état, tandis que la Hollande, avec ses papiers et ses chocolats, est à son poste."


 

Le dimanche 15 juillet, le célèbre funambule Arsens Blondin (qui fut le premier à traverses les chutes du Niagara sur une corde de chanvre) se produit en représentation. 

(c) www.gallica.fr


Il est accompagné d'un concert, d'illuminations dans le parc et dans la galerie des machines, de l'ascension du ballon captif, de promenades à poney pour les enfants, d'un spectacle de théâtre japonais donné dans la section anglaise, d'une exhibition d'une tribu africains ainsi que d'un "skating-ring".


Le Grand Concours se termine le 11 novembre 1888. On peut ainsi lire, dans le "Journal de Bruxelles" du 24 novembre: "Le Grand Concours International de Bruxelles a définitivement disparu. C'est presque en vain que l'on chercherait les places où se trouvaient encore, il y a quelque temps, les sections belges et étrangères. Tout est déjà parti ou emballé et prêt à partir."


On notera que Firmin Mignot recevra la seule médaille d'Or dans le concours des poêles de chauffage, le modèle américain qu'il propose à la vente consommant 30% de combustible en moins.


J'en profite finalement pour partager avec vous cette magnifique photo prise sur le boulevard Anspach le 7 mai 1888 (au début de l'exposition donc) et trouvée sur Gallica (j'adore Galllica!).

(c) www.gallica.fr


Bon dimanche et à bientôt,

Callisto

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