L'ancienne
presse belge numérisée regorge de détails parfois oubliés des
historiens traminots, vu que ces "petites histoires" ne sont pas
relatées dans les
rapports annuels des sociétés de transport concernées. Aujourd'hui, je
vous cet extrait de "L'Echo du Parlement" du 14 juillet 1874, qui nous fait part de ses interrogations quant à l'absence de tickets de correspondance entre les différentes compagnies de tramways américains et à l'absence de distributions de "billets d'ordre" lors de l'attente des tramways aux arrêts les plus fréquentés.
Bonne lecture!
Hier a été inauguré le tramway d'Ixelles Etterbeek, par la chaussée de Vleurgat, jusqu'au Bois de la Cambre.
A
propos de ce fait, nous croyons utile d'émettre ici quelques
réflexions, dont nous espérons que les intéressés feront leur profit au
grand avantage du public.
Le tramway qui se dirige vers le Bois par
Ixelles a son point de départ à l'angle du boulevard et de la rue du
Trône, en face des écuries du Roi. A quelques mètres de cet endroit,
passe la ligne de la compagnie Morris, qui fait le trajet du Bois
jusqu'à la rue Teniers, par l'avenue Louise, le boulevard de Waterloo,
la place des Palais et la rue Royale.
A quelques mètres encore, à
l'intersection du boulevard et de la rue Royale, on trouve la station
d'une troisième ligne d'omnibus américains qui fait le tour de la ville
et se croise à l'angle de la rue de la Loi avec une voie qui se dirige
vers le champs des Manoeuvres, où l'on retrouve le service d'Etterbeek -
Ixelles, regagnant lui-même par la chaussée d'Auderghem et la chaussée
de Wavre l'ancienne porte de Namur.
Il y a là 5 ou 6 services
distincts faits par trois compagnies: la compagnie Morris, la compagnie
Brésilienne et la compagnie Becquet frères. Ces diverses
exploitations fonctionnent d'une façon convenable et probablement
lucrative. Mais il y a quelque chose d'excentrique et d'incommode dans
ce fait de la concentration de trois lignes sur un seul point, sans
aucune communication entre elles.
Le voyageur venant du Bois par
Ixelles et se rendant à la station du Nord doit quitter un premier
omnibus à la rue du Trône et en prendre un second à la rue Belliard, ou
bien prendre celui de la compagnie Morris à la place du Trône et en
reprendre un troisième à la porte de Schaerbeek. Ces transbordements sont une cause d'embarras et de dépenses qu'à notre avis on pourrait éviter.
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Plan du réseau de transports en commun bruxellois - été 1874 |
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Pourquoi la ligne de la rue du Trône n'est pas pas reliée à celle de la place du Trône et à celle de la rue Belliard? Pourquoi les deux lignes qui aboutissent au champs des Manoeuvres ne sont elles pas reliées également?La réponse est facile à prévoir: il y a 3 compagnies qui exploitent, et chaque compagnie a sa voie spéciale. Mais c'est précisément dans ladite réponse que gît la singularité du fait. Nous
ne demandons pas que les compagnies fusionnent, ce qui arrivera tôt ou
tard par la force des choses, mais que les compagnies s'entendent entre
elles pour relier leurs lignes et émettre en commun des billets de
correspondance qui permettent la circulation sur tout le parcours du
tramway. En d'autres termes, on pourrait prendre ses coupons au Bois
jusqu'à la gare du Nord et vice-versa. Il n'y a là qu'une comptabilité à
organiser, sur le modèle de celle des chemins de fer.
L'utilité
d'une semblable combinaison saute aux yeux, mais il est une mesure aussi
indispensable et que nous sommes tous les jours plus surpris de ne pas
voir introduire. Tous ceux qui vont au Bois, ou plutôt ceux qui en
reviennent, sont témoins des scènes de désordre qui se passent au départ
des omnibus. Ceux-ci sont littéralement pris d'assaut, et on y laisse
s'entasser deux fois plus de monde qu'ils ne peuvent en contenir. Puis
les voitures sont chargées jusqu'à l'excès et se suivent parfois de si
près, que lorsque la première s'arrête, les chevaux de la seconde vont
se heurter à la plate-forme, au risque d'amener les plus graves
accidents.
N'y a t'il pas des règlements, ou s'il y en a, pourquoi ne sont-ils pas exécutés?
En
tout cas on devrait, comme à Paris, délivrer tout au moins à cet
endroit des numéros d'ordre aux voyageurs. De la sorte, chacun aurait sa
place dans l'omnibus à son tour, au lieu de la devoir à la force de ses
poignets et de ses coudes, et l'on ne verrait plus se reproduire les
bagarres dont la sortie du Bois est le théâtre.
Les chemins de fer
américains ont pris rapidement à Bruxelles un développement considérable
et les compagnies devraient se rappeler que "succès oblige".
Nous
leur soumettons en toute confiance les observations qui précèdent et qui
mériteraient aussi d'attirer l'attention de l'édilité.